Gouvernement Fakhfakh De Charybde en Scylla
Les cent jours du Gouvernement Fakhfakh Elyès Fakhfakh au centre d’un débat ouvert à toutes les hypothèses
La situation d’Elyès Fakhfakh, objet de
ce que certains qualifient du « Fakhfakhgate », va-t-il lui permettre de mener à bien son programme pour sauver l’économie du pays après la crise sanitaire du coronavirus ? Difficile à dire. Une réalité s’impose cependant : sa mission ne s’annonce pas sous les
meilleurs auspices. Analyse.
Comment expliquer, à ce propos, les positions adoptées par les uns et les autres concernant l’affaire de la participation du Chef du gouvernement au capital d’une entreprise spécialisée dans le traitement des déchets et par laquelle évidemment le scandale est arrivé ?
Faut-il croire, comme ne sont pas loin de le penser certains acteurs de la vie publique, qu’il y a là quelque chose de pas très clair ? Y a-t-il des arrangements pour ne pas dire des marchés politiques à conclure : je vous apporte mon soutien ou je le retire en fonction de ce que je pourrais obtenir de vous ?
Cela serait évidemment de bonne guerre dans un paysage politique instable avec à tout moment des possibles retournements d’alliance. Un proverbe bien connu dit « chat échaudé craint l’eau froide ». Une manière d’affirmer que l’opinion –qui n’a pas toujours la mémoire courte et qui n’est pas dupe- en a vu d’autres. Et qu’elle a maintenant bien l’expérience de ce triste vécu.
Prisme
On l’aura compris du reste depuis quelque temps : seul le tribut intéresse les acteurs politiques : un maroquin ministériel, une nomination, un avantage pécuniaire… Voilà ce qui compte pour l’essentiel vraiment. Les Tunisiens ont pris souvent du reste, sous nos latitudes, le pli d’analyser les prises de position et de décision à travers ce quasiment unique prisme bien particulier.
Il faut dire que cela est souvent bien criard. Avec des doses inouïes de violence. En témoigne la séquence popularisée par les réseaux sociaux montrant un député invitant un autre à un pugilat en dehors des locaux de l’ARP. A ce propos, un chef du gouvernement pouvait-il avoir cette phrase à la bouche face aux députés yabta chouayaa, que l’on pourrait peut-être traduire par « Tu peux attendre » ? Cela ne participe-t-il pas quelque part d’une certaine dégradation du climat politique ?
Un climat bien pesant aujourd’hui et qui ne peut faciliter l’action du gouvernement à l’heure où il s’apprête à appliquer un programme pour sauver le pays consécutivement à une crise sanitaire qui a ébranlé l’économie.
Sera-t-il facile pour le gouvernement d’agir afin notamment de mobiliser les énergies sur fond de soupçons concernant le comportement d’Elyès Fakhfakh dans l’affaire de sa participation au capital d’une entreprise spécialisée dans le traitement des déchets. Avec en prime le souhait d’une partie de l’ARP de déposer contre lui une motion de censure ? Le député de Nidaa Tounes, Sami Gaaloul, a soutenu, le 26 juin dernier, sur Nessma Tv que Elyès Fakhfakh est « mort politiquement » !
Un discours « creux »
Un des partenaires du gouvernement, la Centrale ouvrière, acteur principal de la scène politique – il va sans dire -, est monté de nouveau au créneau dans un de ses bastions, à Sfax, à l’occasion de la tenue, les 26 et 27 juin, de sa commission administrative, pour attaquer de façon ferme et déterminée le gouvernement assurant mener de nouvelles actions de contestation.
Le secrétaire générale de ce mouvement, Noureddine Taboubi, a critiqué la justice affirmant qu’elle n’est pas impartiale, en relation avec la détention de deux syndicalistes dans l’affaire de Mohamed Affès, député de la Coalition Al Karama. Comme il s’est adressé nommément au ministre d’Etat en charge de la lutte contre la corruption, Mohamed Abbou, soulignant que si ce dernier était sérieux dans sa lutte contre la corruption, il lui faut ouvrir le dossier de la Banque Franco-Tunisienne (BFT). Afin d’apporter, entre autres, des réponses sur les relations de Slim Ben Hamidane, ancien ministre des Domaines de l’Etat et ancien membre du Congrès pour la République (CPR), le parti auquel a appartenu un temps Mohamed Abbou, au sujet de ce dossier.
Il est à remarquer que le secrétaire général adjoint de l’UGTT, Sami Taheri, a déclaré, le 27 juin , toujours à Sfax, que le discours du 25 juin d’Elyès Fakhfakh devant l’ARP était « creux » et qu'il ne comportait pas de « vision stratégique en vue de sauver le pays ». Autant dire que les choses ne s’annoncent pas bien pour le gouvernement d’Elyès Fakhfakh qui va, semble-t-il, de mal en pis ! n
S’il fallait retenir une image du débat
parlementaire, en ce jeudi 26 juin, consacré à l’évaluation des premiers 100 jours d’exercice du pouvoir du gouvernement, c’est bien celle d’un
hémicycle converti en arène où Fakhfakh et députés ont croisé le fer et le verbe pour avoir le dernier mot. En vain. Un débat houleux où l’invective et la démesure ont été grandement de mise. En fait, ce jour-là il devait être question de l’évaluation d’un trimestre
d’exercice du pouvoir et d’annonce d’un programme de travail à réaliser
au lendemain du Covid-19. Les débats, houleux et acerbes même par moments, enregistrés durant ces 13 heures de micro ont pratiquement ignoré l’ordre du jour. Du plan de relance ordonné par Fakhfakh en personne, longuement cogité et débattu par les grands commis de l’administration, réunis à cet effet en conclave
à l’ENA, il ne fut question que de bribes. C’est que l’ombre des divisions politiques, les calculs partisans et en
filigrane de tout, l’affaire du conflit d’intérêts ont pesé de tout leur poids
sur la réunion de l’hémicycle.
le cadre général que les circonstances et la composition de l’Assemblée parlementaire s’y prêtaient bien à ce genre de réaction et de contre-réaction.
Et c’était prévisible pour une Assemblée issue d’un système électoral hybride, voté en 2011, lequel a instauré un mode de scrutin proportionnel. Cela a favorisé l’émergence d’une véritable mosaïque parlementaire difficile à apprivoiser et incertaine à encadrer.
L’actualité a largement démontré cette réalité. Les deux dernières plénières en sont la preuve. La première diligentée par le Parti destourien libre contre l’ingérence étrangère en Libye. La seconde, proposée par la coalition El Karama pour exiger excuse et réparation de la France pour son passé colonial.
Une véritable arène
La récente affaire de conflit d’intérêts visant Elyes Fakhfakh a alimenté la controverse des jours précédant l’actuelle plénière. Le tout sur fond de crise sociale et économique. Le 25 juin dernier, tous les ingrédients étaient réunis pour transformer la plénière parlementaire en une véritable arène où tous « les coups bas » étaient permis.
Pour revenir à ce débat que d’aucuns n’hésiteraient pas à qualifier de débat des humeurs et des passions, il importe de tenter de mettre de l’ordre dans une grande partie de ce cafouillis d’idées.
Trois grands axes ont marqué de leur sceau de suspicion déclarée, de jets de mots et d’animosité réciproque, cette journée marathon de discussions parlementaires. Toute une journée, jusqu’à la limite de l’aube naissante du 26 juin pour discuter des premiers cent jours de gestion des affaires publiques du chef du gouvernement et de son équipe. Un rendez-vous tant attendu par tous tant il était précédé de critiques, soulevées depuis quelques jours, à propos du chef du gouvernement et de la présomption de conflit d’intérêts dont il fait l’objet. Ses adversaires, et ils sont légion, n’y sont pas allés de main morte pour dénoncer ce qui s’apparente pour eux à un délit, susceptible de poursuites judiciaires et
2020 une croissance du PIB de – 4,4 %, une baisse de – 4,9 % de l’investissement global, de – 8 % pour la consommation des ménages et pour les exportations, avec une baisse attendue des importations avoisinant les -9,6 %. Parmi les autres impacts, l’augmentation du taux de chômage à 21,6 % contre 15 % actuellement, soit près de 274500 nouveaux chômeurs de plus pour 2020. Le taux de pauvreté monétaire passerait de la sorte à 19,2 % contre 15,2 % actuellement. Cela ne manquera pas de faire basculer les revenus d’environ 475000 individus en dessous du seuil de pauvreté monétaire. Le choc du Covid accentuerait de la sorte la fragilité financière de certains secteurs d’activité (l’industrie non manufacturière – 29 %, tourisme – 23%, transport -19,6 % et le textile – 17,7 %). Or, il semble que ces scores sont confrontés à des critiques, en raison justement de la crise enclenchée par le Covid. Une récente étude , publiée ce mois-ci, a changé la donne , concernant précisément la croissance du PIB puisque le score serait en fait de -6,8 % et non de -4,4 % selon la précédente étude publiée en avril 2020, d’où la difficulté ardue qui attend Fakhfakh et son équipe. Si le gouvernement bénéficie d’un satisfecit concernant le volet médical dans le contexte du Covid et la programmation des aides décidées par le gouvernement pour amoindrir l’impact de la pandémie, ce n’est nullement le cas pour le reste.
Un bémol toutefois à propos du dossier de ces aides. D’abord les conditions exigées pour y bénéficier et l’état de confinement qui a obligé l’administration à fermer ses portes durant la période où ces aides auraient dû être acheminées à leurs bénéficiaires. Le gouvernement aurait dû plutôt diligenter ces aides aux entreprises par le biais de prêts avec faibles intérêts.
Le gouvernement se trouve de plus confronté à une situation bien difficile se caractérisant, d’une part, par l’absence d’une ceinture politique pouvant lui assurer l’aisance pour mettre en pratique ses prérogatives et d’autre part, sa position instable. D’autre part, l’hypothèse de son éviction si un vote de confiance venait à être soumis au parlement. Ceci doublé par la promulgation de lois qui n’encouragent pas l’investissement, tel le cas de l’augmentation du taux de remboursement des prêts, l’augmentation de la pression fiscale et la dévaluation du dinar …
Présomptions de conflit d’intérêts
Alors que Fakhfakh a prôné dès son investiture la lutte contre la corruption comme un atout majeur de sa politique, il s’est retrouvé pris au piège à propos de sa participation dans le capital de sociétés de droit privé, dont le nombre n’a pas encore été révélé. L’ombre du conflit d’intérêts s’est faite insistante poussant Fakhfakh à s’en défendre devant le parlement. Auparavant, il a eu à se positionner concernant cette affaire en arguant le fait qu’ il n’a en aucun cas provoqué ou cherché ce type de conflit d’intérêts, délit dont il se défend et ne pensait qu’en aucun cas il était concerné.
Lors d’une interview diffusée quelques jours auparavant, le 14 juin précisément, Fakhfakh a reconnu posséder des actions à hauteur de 20% dans une société opérant dans le domaine environnemental et qui a conclu un marché avec l’Etat, niant par là même l’existence de toute présomption de conflit d’intérêts malgré le fait que l’activité de ces sociétés était en rapport direct avec l’Etat. Autrement ayant l’Etat pour client. Quelques jours après, il annonçait la cession de ces actions. Loin de s’arrêter là l’affaire prit une ampleur telle que ses effets n’ont pas manqué d’éclabousser au détail près, sa prestation devant le Parlement. Des doigts accusateurs ont désigné le délit de conflit d’intérêts du fait même des propos du chef du gouvernement qui a déclaré que les contrats avec l’Etat ont été stipulés bien avant son investiture.
« … vous pouvez attendre… »
La réflexion est cinglante. S’adressant à tous ses détracteurs, Fakhfakh n’eut pas mieux que de leur jeter ce défi, les acculant de la sorte dans leurs derniers retranchements. « Vous pouvez attendre » ou pour utiliser une traduction plus crue de l’arabe de quartier « yabta chouia » ou plus prosaïquement « vous pouvez en rêvez... ». Le ton de la sorte a été donné, ce qui allait faire virer de fond et de forme la séance parlementaire. Prenant à partie tous ceux qui, selon lui, cherchent par l’évocation de cette affaire à mettre sa crédibilité et son intégrité en doute, il a relaté sa version des faits. Il s’est, au préalable, étalé sur les circonstances de sa nomination à son poste et comment il en a été chargé à un moment où il ne s’y attendait pas. Il a expliqué qu’il était tout à fait logique de travailler et de développer sa société et qu’en ces moments-là, il était loin de toute responsabilité politique. Pour faire la démonstration de ce qu’il avançait, il a tenu à préciser avoir procédé ainsi que tout le gouvernement à la déclaration de patrimoine auprès de l’Inlucc. Affaire à suivre surtout que des députés de l’opposition ont fait part de leur intention de constituer une commission parlementaire pour enquêter sur cette affaire n