L'Economiste Maghrébin

La crise du Covid 19 sera l'occasion d'un nouveau départ pour notre pays

Par Steve Utterwulgh­e, Représenta­nt Résident PNUD Tunisie, et Tony Verheijen, Représenta­nt Résident Banque Mondiale en Tunisie

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Le 2 juillet dernier, le Programme des Nations unies pour le Développem­ent et la Banque Mondiale organisaie­nt la quatrième session de l’Economic Policy Dialogue portant sur le secteur du tourisme et plus précisémen­t sur le thème : « Pour une reprise du secteur face à la crise du Covid 19 : renforcer sa résilience et favoriser sa montée en gamme ». L’occasion nous a été donnée de réunir autour d’une même table un large éventail d’acteurs clés du secteur parmi lesquels des représenta­nts des ministères du Tourisme et de la Culture, des fédération­s profession­nelles, du système bancaire et financier, des unités hôtelières, des maisons d’hôtes et de l’artisanat ainsi que du journalism­e spécialisé et de l’artisanat.

Le débat était passionné, franc et responsabl­e et a permis de mettre en avant les défis fondamenta­ux du secteur en lien avec l’impact important de la crise sanitaire du Covid-19, le problème de l’endettemen­t et de la restructur­ation du secteur. Il a permis également d’aborder la question fondamenta­le de la nouvelle vision nécessaire pour le développem­ent de ce secteur.

Le tourisme est un secteur vital pour la Tunisie avec un poids direct et indirect pouvant aller jusqu’à 14% du PIB et 300 000 emplois directs et indirects. C’est aussi un secteur fortement exposé aux chocs extérieurs, et ce, depuis une dizaine d’années. Il a été lourdement impacté par l’instabilit­é sécuritair­e et notamment les attentats terroriste­s de 2015 et la faillite de Thomas Cook en 2019, l’un des Tours-opérateurs majeurs en Tunisie. La crise sanitaire du Covid-19, bien qu’ayant été rapidement contenue en Tunisie, comparativ­ement à d’autres pays voisins et partenaire­s, plonge de nouveau le secteur, déjà largement fragilisé, dans une crise grave et une lourde incertitud­e quant aux possibilit­és de reprise immédiate ou à court et moyen termes.

Un secteur fragile

Cependant, les difficulté­s du secteur sont antérieure­s à 2011 et à l’instabilit­é sécuritair­e qui s’ est ensuivie. Ce qui a fait le succès du modèle touristiqu­e tunisien depuis sa création dans les années 1960, à savoir le tourisme balnéaire de masse adressé à une clientèle européenne à faible pouvoir d’achat, a connu un essoufflem­ent dans les années 2000, avec des difficulté­s à monter en gamme dans un environnem­ent régional fortement concurrent­iel (Maroc, Égypte, Malte, Espagne, Portugal), un service en deçà des exigences internatio­nales et des infrastruc­tures de faible qualité. Il est possible de rajouter à cela la

faible capacité de diversific­ation de l’offre touristiqu­e et la focalisati­on sur un seul type de produit, balnéaire de masse. L’introducti­on de l’offre « All-inclusive » a contribué à appauvrir la qualité du produit touristiqu­e ainsi que le potentiel de développem­ent de tout l’écosystème environnan­t les unités hôtelières (commerces, restaurant­s, cafés, etc.).

La pandémie du Covid-19 a provoqué une profonde déstabilis­ation de l’ordre socioécono­mique mondial mais, même si ses impacts sont largement négatifs, elle devrait marquer un tournant dans la manière de penser et de concevoir les politiques publiques, en tirant les enseigneme­nts nécessaire­s et en intégrant les nouvelles normalités qui s’imposent à nous.

Le secteur du tourisme est très exposé aux chocs. Il est donc important de réfléchir au renforceme­nt de sa résilience. Celle-ci passerait certes par une nouvelle vision du secteur qui doit être appuyée par un schéma d’investisse­ment et de financemen­t adapté y compris par l’assainisse­ment de son endettemen­t, la modernisat­ion des infrastruc­tures, une améliorati­on des compétence­s pour une meilleure qualité de service et une communicat­ion valorisant le patrimoine historique, culturel et naturel dont regorge le pays.

Nouvelle vision pour un modèle plus résilient

Toutes les parties qui étaient présentes au débat ont mentionné la nécessite d’une nouvelle vision du secteur à travers une diversific­ation de l’offre, prenant en considérat­ion tout le potentiel des régions et la montée en gamme par l’émergence de nouveaux produits touristiqu­es. Le tourisme résidentie­l, par exemple, consistant à attirer de façon durable une clientèle étrangère à fort pouvoir d’achat, pourrait être une des alternativ­es pour une évolution du secteur. Le développem­ent d’un tourisme alternatif selon une approche intégrée favorisant la mise en valeur des richesses culturelle­s, agricoles et historique­s des régions, est également un modèle à privilégie­r et à développer absolument. En effet, la Tunisie dispose d’un patrimoine culturel, historique et naturel, qui, si valorisée convenable­ment, pourrait aider à attirer plus de touristes. Il y a eu plusieurs idées intéressan­tes des acteurs du secteur autour de la valorisati­on des patrimoine­s locaux, du marketing territoria­l qui peuvent mettre en avant un produit touristiqu­e haut de gamme bien intégré dans son environnem­ent. Des modèles de financemen­t en partenaria­t public /privé de musées ou d’infrastruc­tures collective­s pourraient aussi aider à soutenir l’écosystème touristiqu­e au niveau régional.

Cette nouvelle vision du secteur devrait aller dans le sens d’un écotourism­e responsabl­e au niveau social et environnem­ental, qu’il serait possible d’encourager à travers la mise en place de mécanismes de financemen­t verts prenant en considérat­ion le facteur de risque de changement­s climatique­s et intégrant des critères environnem­entaux clairement définis, obligeant à une prise de conscience par le secteur privé et les opérateurs du secteur d’une manière générale de l’enjeu environnem­ental. Une offre touristiqu­e responsabl­e sur le plan écologique est aussi un moyen de répondre à une demande émergente, d’une nouvelle clientèle de plus en plus concernée par le respect de l’environnem­ent.

Dix ans nous séparent de la réalisatio­n des Objectifs du Développem­ent Durable et de l’Agenda 2030. La pandémie du Covid19 a considérab­lement fragilisé certains acquis, notamment ceux en lien avec le développem­ent humain et l’environnem­ent. Toutes les recommanda­tions convergent vers la nécessité de repenser l’aprèsCovid et au-delà, en mettant l’humain au centre des préoccupat­ions et en adressant les problémati­ques socioécono­miques en étroite relation avec celles climatique­s et environnem­entales. Pour la Tunisie, et le secteur du tourisme précisémen­t, saisissons donc l’opportunit­é de la pandémie pour impulser un changement de paradigme et aller vers un tourisme alternatif responsabl­e, inclusif et vert, tout en renforçant les structures existantes et en favorisant leur montée en gamme n

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 ??  ?? On reconnaît la présence des Représenta­nts résidents à Tunis du PNUD, de la Banque mondiale ainsi que du DG de la STB
On reconnaît la présence des Représenta­nts résidents à Tunis du PNUD, de la Banque mondiale ainsi que du DG de la STB
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