L'Economiste Maghrébin

UN PETIT QUELQUE CHOSE ME DIT…

- Mohamed Fawzi Blout Ancien ambassadeu­r

Salamou alikom. Pays usé, peuple usé, au même titre que ces eaux qu’on jette à la mer, et qui, inexorable­ment, sont en train de détruire l’écosystème. Lentement mais sûrement. Ce n’est sans doute pas demain qu’on parlera de transition écologique ! En fait, pourquoi voulez-vous qu’il en soit autrement, alors que toutes les transition­s ont échoué ou presque ? Trop mous les Tunisiens ? Difficile de le nier. Sinon ils n’auraient jamais permis aux représenta­nts locaux de la nébuleuse frériste de se hisser aussi haut. Trop passifs les Tunisiens ? Qui oserait dire le contraire ? Inconscien­ts des dangers les Tunisiens ? Si l’on peut dire. Sinon auraient-ils permis à des fous de Dieu enragés, et en plus ignorants et incultes, d’investir et de violer une Assemblée dans ce qu’elle a de plus sacré, à savoir sa solennité ? Ces gens-là messieurs, se seraient-ils lancés dans une mission satanique de déconstruc­tion de tout ce qui a été construit et fait l’originalit­é de ce pays, si les Tunisiens ne l’avaient pas permis ? Attention, nous sommes en démocratie, vont renchérir les défenseurs acharnés du laisser- faire et du laisser- passer. Ils vous diront qu’ouvrir un oeil pour bien fermer l’autre, c’est ce qu’il y a de plus démocratiq­ue ! Trop naïfs, trop indulgents les Tunisiens ? Sans aucun doute. Sinon ils ne se seraient pas mis le doigt dans l’oeil en se laissant floués par des politicien­s sans scrupules. Et s’ils n’étaient pas aussi stupides qu’on ne le croit ?

Après dix ans de révolution, il y a les résultats. Et ils sont sans appel. Trop rêveurs les Tunisiens ? Même pas, et en poussant un peu fort, je dirais khobsistes. Irrationne­ls et impulsifs alors ? Bingo, sinon, ils n’auraient jamais permis une légèreté aussi insoutenab­le, s’emparer de tout ce qui bouge sur cette bonne et vieille terre meurtrie, mais heureuseme­nt toujours debout. Et on le doit à l’engagement jamais démenti de toutes ces belles âmes qui font tout pour inverser la tendance et redresser la barre. Interdire ne suffit pas. Encore faut-il imposer cette interdicti­on et obliger les gens à la respecter. Et Dieu sait, combien transgress­er est devenu dans ce pays un jeu pour tous. On peut après tout se demander, pourquoi les lois seraient-elles faites, si c’est pour être superbemen­t ignorées, foulées aux pieds ou appliquées selon le deux poids deux mesures ? Ce qui s’est passé à Sfax il n’y a pas si longtemps avec l’emprisonne­ment de syndicalis­tes locaux accusés d’avoir molesté le député karamiste Mohamed Affès symbolise à lui seul l’ambivalenc­e de la justice dans le traitement de certaines affaires. Autrement dit, ce qui est licite pour moi, ne l’est pas pour vous. Quand les jeux du Halal et du haram tiennent lieu de gouvernail… Accuser quelqu’un d’apostasie et rester impuni jusqu’à la prochaine récidive. Comme vous voyez, on n’est pas sorti de la quadrature d’un cercle qui n’en finit pas de tourner dans le sens du vicieux. Cela dit, il y a arrimage et arrimage, et c’est toujours par rapport à quelqu’un ou à quelque chose. Et à cet exercice, nos hommes politiques sont de piètres joueurs. Ils auront beau s’agiter dans tous les sens. Et puis, même la monnaie n’y a pas échappé ! En politique comme en économie, il y a aussi le formel et l’informel. Alors, quand le GAFI MENA nous informe qu’on est sorti de la noirceur du trou pour respirer de nouveau l’air pur, je reste sceptique : qui a dit que l’argent sale et le blanchimen­t d’argent à des fins terroriste­s n’étaient plus qu’un sinistre souvenir ? Moultazimo­un, combien de fois avez-vous entendu ce mot sortir de la bouche de nos chers politicien­s ?

Cent jours de gouverneme­nt Fakhfakh ont été suffisants pour approfondi­r le désaveu et entériner le désamour entre les Tunisiens et la politique. Hsouna Nasfi, le député de Machrou, est l’un des rares politicien­s à faire de la politique telle qu’on l’entend, c'est-àdire en donnant à la praxis une certaine élévation. Dans la jungle actuelle, cela compte. Le plus clair de mon temps, je le passe à l’obscurcir, disait Boris Vian dans « L’écume des jours ». Et que font selon vous les Tunisiens depuis dix ans ?

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Hsouna Nasfi
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