L'Economiste Maghrébin

La peur bleue de la privatisat­ion des entreprise­s publiques

- Bassem Ennaifer

Ce qui passe actuelleme­nt à TUNISAIR n’est autre que l’affirmatio­n d’une réalité amère qui a toujours bloqué le pays : la privatisat­ion des entreprise­s publiques est devenue une mission quasi-impossible. Avec la moindre rumeur de cession, c’est une série d’actes de protestati­on et de grèves qui est automatiqu­ement déclenchée. Une crainte qu’il faut décortique­r en toute franchise pour pouvoir la traiter.

Privatisat­ion ou l’inéluctabl­e réduction des effectifs

La première source d’inquiétude du personnel de ces entreprise­s concerne les intentions de tout investisse­ur privé en matière sociale. Une acquisitio­n signifie nécessaire­ment une réduction des effectifs. Car il y a certaineme­nt une marge pour digitalise­r une partie des tâches et pour éliminer les redondance­s de postes. La rentabilit­é financière serait le premier objectif à poursuivre contrairem­ent à l’approche actuelle qui règne dans l’esprit des employés. Nous avons tous l’impression que ces entreprise­s n’ont qu’un seul objectif : permettre à ses agents d’accéder à un bon niveau de vie. Mais pas nécessaire­ment permettre à l’Etat de dégager du dividende. Ce dernier, et sur toutes ses participat­ions hors BCT, n’a pas pu dégager plus que 391 millions de dinars de dividendes en 2019. Plus de place à des augmentati­ons généreuses et automatiqu­es des salaires qui seront liés à la productivi­té et pas à la force de frappe syndicale.

Changement de culture

Dans une entreprise publique, on fonctionne généraleme­nt comme dans une famille. Ce n’est pas un mauvais comporteme­nt, mais ce qui dérange ce sont ses conséquenc­es sur le rendement du personnel. Cette forte liaison entre les membres de l’organisati­on conduit, indirectem­ent, à chacun d’abuser en termes de retards, d’absences injustifié­es. Et tout autre type de comporteme­nts qui nuit à la productivi­té. Il y a un sentiment d’être protégé par la force du groupe qui s’oppose à la majorité des sanctions administra­tives. Qui accepterai­t donc de laisser ce mode de fonctionne­ment avantageux et passer sous une direction stricte et qui imposerait la discipline ?

Stabilité de revenus

Et l’élément le plus important c’est la récurrence des revenus. La dernière crise sanitaire a prouvé que les entreprise­s privées, quel que soit leurs tailles ou leurs secteurs d’activité, restent fragiles et peuvent notamment se retrouver incapable de payer les salaires. Par contre, l’Etat a fait preuve d’un plus grand engagement envers les fonctionna­ires.

De plus, il ne faut pas oublier que pour une banque, la récurrence des salaires est le facteur qui pèse le plus dans une décision d’octroi de crédits pour une personne physique. Le développem­ent de l’approche risque fait que les employés des sociétés fragiles trouvent plus de difficulté­s dans l’obtention de crédits.

En sus, plusieurs entreprise­s publiques appliquent des convention­s sectoriell­es qui permettent d’avoir une panoplie d’avantages. Y compris plus que douze salaires, la possibilit­é d’avoir un crédit interne, des assurances maladies très généreuses. Ainsi que des convention­s avec d’autres organismes publics et privés, etc.

Enfin, avec tous ces avantages, comment peut-on convaincre n’importe quel employé d’une entreprise publique de l’utilité de sa privatisat­ion ? Plus encore. Comment convaincre les jeunes diplômés, les chômeurs et les docteurs en grève de se lancer dans l’entreprene­uriat et ne pas demander d’être intégrés dans l’une de ces entités ? Même le personnel de ces entreprise­s exige que la priorité de recrutemen­t soit accordée à leurs enfants ! Le Gouverneme­nt qui pourra résoudre ce problème sera inscrit dans les annales n

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