le Post-PrintemPs arabe etude de cas
Des hirak, des contestations populaires plutôt que de vraies révolutions ont remis en cause les régimes autoritaires de l’aire arabe. Les résultats obtenus dépendaient, dans une large mesure, des spécificités des Etats. Des présidences à vie, des régimes de partis-Etats définissaient ces cas de despotisme plus ou moins éclairé ou prétendu comme tel. En Egypte et en Libye, le pouvoir avait une caractéristique militaire, dépendant de sa genèse. Alors que l’Egypte est centralisée, la Libye maintenait de fait ses divergences régionales et tribales. En Syrie, le pouvoir d’Assad s’appuyait sur le parti Baâth. En Algérie, le pouvoir conciliait l’autorité de la direction du FLN et de son soutien par l’armée. En Tunisie, le pouvoir était le produit du coup d’Etat de 1987, qui a écarté le leader Habib Bourguiba. Au Yémen, la guerre civile divise le pays en deux mouvances, en 1962, et suscite une guerre par procuration entre l’Egypte et l’Arabie. En dépit de la fusion, en 1990, de la République Arabe du Yémen (Yémen du Nord) et la République démocratique populaire du Yémen (Yémen du Sud), la centralisation reste aléatoire, vu le tribalisme dominant. Bien entendu, le jeu politique international et régional avait affecté l’aire arabe et remis en cause sa stabilité.
La guerre civile se perpétue en Libye
Depuis l'intervention occidentale de 2011 et la chute de Mouammar Kadhafi, le pays s'enlise dans une guerre civile avec, dans chaque camp, de nombreux parrains. D'un côté, le Qatar et la Turquie soutiennent le gouvernement d'entente nationale (GEN), soit disant légitime d’al-Serraje. De l’autre côté, les Emirats, l’Egypte et la Russie sont les alliés du général Haftar, qui domine la Cyrénaïque. L’Union Européenne affirme une certaine neutralité, bien que certains de ses membres aient choisi leurs alliés, qu’ils appuient discrètement : la France plutôt favorable à Haftar, le Royaume-Uni au gouvernement Serraje. Mais la composition de ce gouvernement, qui intègre les islamistes, les milices et les terroristes suscitent de grandes inquiétudes. Khalifa Haftar, l’homme fort de l'Est libyen, a lancé, en avril 2019, une offensive contre Tripoli. Mais l’intervention de la Turquie, engagée depuis novembre aux côtés du GNA, a bloqué l’avancée de l’armée de
Haftar. Les renforts turcs et les mercenaires daéchiens ramenés de Syrie auraient inversé les rapports de force.
La donne régionale et internationale semble annoncer d’éventuels changements. La prise de position de la France contre l’intervention turque en Libye aura certes ses influences sur les positions occidentales, vu la pression qu’elle exerce sur l’Otan. Le président tunisien, a déclaré, lors de son récent voyage à Paris, dans un entretien avec France 24, que la légitimité du gouvernement al-Serraje n’est que provisoire. Mais la position de la Tunisie reste ambiguë, vu la bipolarité politique des acteurs et l’alliance d’Ennahdha avec la Turquie et le gouvernement de Tripoli. Changement d’attitude de l’Algérie : le président Tebboune a affirmé que le gouvernement al-Serraje “a perdu sa légitimité et ne représente plus le peuple’’ (France 24, 4 juillet). Position différente de la France qui soutient le maréchal Haftar, l’Algérie demande la prise du pouvoir d’un conseil élue. Position partagée, les pays du voisinage ne s’accommoderaient pas d’un protectorat turc, en Tripolitaine. Ce qui risque de changer les rapports de force en Libye. De fait, le président Erdogan joue sa dernière carte. Il est affaibli dans son pays alors que sa politique d’expansion néoottomane suscite une véritable levée de boucliers.
Des frappes, le 5 juillet, contre les forces turques, établies dans la base de Watiya, annoncent que le maréchal Haftar, soutenu par l’Egypte, a repris l’initiative.
Le défi libanais
Le Liban est le dernier pays marqué par la contestation populaire. Le mouvement contestataire se déclencha, en octobre 2019, à cause d’une hausse de taxe décidée pour renflouer les caisses de l’État. Une partie de la population est alors descendue dans la rue pour exiger le renvoi de toute la classe politique, rendue responsable des maux du pays et pour demander “un nouveau pacte social, un nouveau système politique, une sortie du communautarisme débridé’’ affirme Karim Bitar, directeur de l’Institut des sciences politiques de l’université Saint-Joseph de Beyrouth.