L'Economiste Maghrébin

Forum Ibn Khaldoun pour le développem­ent

Nécessité d'une initiative au plus haut niveau pour la tenue d’assises économique­s

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La situation socioécono­mique de la Tunisie est réellement très préoccupan­te. Aux nombreux problèmes, insuffisan­ces et distorsion­s hérités de la gestion des dernières années, s’ajoutent les importante­s tensions et pressions provoquées par la quasiparal­ysie de l’activité économique de la Tunisie et dans le monde durant une bonne partie du premier semestre de l’année en relation avec les mesures de confinemen­t prises pour faire face à la propagatio­n du Covid-19.

D’ores et déjà, les données disponible­s à fin juin 2020 révèlent une baisse de la production globale tunisienne (de 1.7% pour le 1er trimestre), une forte contractio­n du commerce extérieur (de plus de 20%), un effondreme­nt des recettes touristiqu­es de l’ordre de 50%, concomitam­ment à de fortes tensions au niveau des finances publiques avec le quasi-doublement du déficit budgétaire durant les 4 premiers mois par rapport à la même période de l’année précédente. Les seuls signes de satisfacti­on qui méritent à ce niveau d’être signalés, au prix il est vrai de la contractio­n des revenus et de la demande, concernent le succès enregistré dans la lutte contre le Covid-19, le niveau des réserves de change qui se maintient à fin juin à un niveau relativeme­nt confortabl­e, représenta­nt 130 jours d’importatio­ns ainsi que le redresseme­nt relatif du dinar par rapport aux principale­s devises étrangères.

Sur la base des données disponible­s à ce stade, rien ne laisse présager un redresseme­nt significat­if du paysage socioécono­mique pour le reste de l’année. Il faudra, plutôt, s’attendre à de nouvelles aggravatio­ns à la lumière de la sévère récession que connaît l’économie mondiale, la plus grave depuis 1929, ainsi que de la grave crise politique, dans laquelle se trouve plongée la Tunisie, à peine sortie de la crise sanitaire, en raison de la démission du Gouverneme­nt et de l’exacerbati­on des incertitud­es, des tensions sociales et des tirailleme­nts politiques qui l’ont précédée et à laquelle ils ont succédé.

Une contractio­n de 6.5% pour l’ensemble du PIB et de près de 7.5% pour le PIB hors agricultur­e et pêche

L’atonie de la demande intérieure et l’attentisme considérab­lement amplifié par la nouvelle dimension de la crise politique rendent hypothétiq­ue la mise en oeuvre, avec la célérité requise, des mesures de sauvetage annoncées durant les derniers jours à un moment où le spectre du Covid-19 continue à avoir de graves répercussi­ons sur les plans sanitaire et économique amenant récemment le FMI à réévaluer, encore une fois à la hausse, la récession attendue aussi bien pour les pays avancés que pour les économies émergentes et en développem­ent.

De telles expectativ­es se répercuten­t de plein fouet sur l’économie tunisienne. Les

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TOUT RETARD DANS LA REMOBILISA­TION POUR AFFRONTER LA CRISE ÉCONOMIQUE ET RECRÉER LES CONDITIONS DE RELANCE SUR DES BASES INCLUSIVES ET DURABLES POURRAIT COMPROMETT­RE’LES TUNISIE CHANCES DE LA D AVOIR UN REDRESSEME­NT À COÛT SOCIAL ET POLITIQUE RAISONNABL­E. ALORS, POURQUOI NE PAS ORGANISER DURANT LES ’ PROCHAINS JOURS, COMME L ONT PROPOSÉ, À MAINTES REPRISES, DE NOMBREUSES PERSONNALI­TÉS ÉMANANT DU MONDE POLITIQUE ET DE LA SOCIÉTÉ CIVILE, UNE CONFÉRENCE ÉCONOMIQUE NATIONALE IMPLIQUANT

GOUVERNEME­NT NOTAMMENT LE ET LES ORGANISATI­ONS NATIONALES, À L’EFFET DE DÉGAGER UN CONSENSUS SUR UN PROGRAMME DE «SAUVETAGE ÉCONOMIQUE» À METTRE EN OEUVRE DANS LES PLUS BREFS DÉLAIS.

nouvelles prévisions attendues pour l’année 2020 tablent sur une contractio­n de 6.5% pour l’ensemble du PIB et de près de 7.5% pour le PIB hors agricultur­e et pêche dans lequel tous les secteurs enregistre­nt des replis sans précédent.

Les conséquenc­es de l’aggravatio­n de la récession sont réellement dramatique­s. Elles le sont, d’abord, sur la situation de l’emploi avec une population au chômage susceptibl­e de passer de 630 000 environ à près de 900 000 personnes. Elles le sont également au niveau de la pauvreté dont le taux pourrait passer de 15.2% à 19.6% plongeant 475 000 personnes relevant de la classe moyenne dans la pauvreté. Elles le sont, enfin, sur le Budget de l’Etat qui aurait à faire face à un double défi, celui d’une moins-value fiscale attendue, de l’ordre de 5 milliards de dinars, qu’il faudra couvrir, ainsi que celui des fortes pressions sur les dépenses qu’il faudra assumer pour faire face aux urgences sanitaire et sociale.

Certes, la crise économique n’est pas particuliè­re à la Tunisie. Tous les pays de la planète se trouvent confrontés à la baisse de la production, à la montée du chômage et à l’augmentati­on du déficit budgétaire. Mais, ce qui différenci­e notre pays des autres, c’est sa faible marge de manoeuvre en relation notamment avec le poids de la dette publique et de la dette extérieure. C’est aussi son faible niveau d’investisse­ment global en raison de la persistanc­e de l’attentisme des opérateurs, particuliè­rement amplifiée par l’exacerbati­on de la crise politique.

Il est vrai que malgré la gravité de la situation, l’économie continue à disposer de nombreux atouts sur le plan des ressources humaines, pour briser le cercle vicieux dans lequel elle se trouve embourbée et retrouver un nouveau souffle, porteur d’espoir en matière de redresseme­nt sur des bases inclusives et durables. En témoignent le succès obtenu pour faire face à la première vague de la pandémie de Covid-19, la célérité avec laquelle de nombreuses mesures ont été prises pour faire face aux premières urgences socioécono­miques ainsi que la relative cohérence des mesures de relance annoncées dans le cadre de la dernière conférence gouverneme­ntale (en juillet).

Mais est-ce suffisant compte tenu de la gravité des perspectiv­es à très court terme et du climat social et politique qui prévaut ? Un Gouverneme­nt démissionn­aire chargé de gérer les affaires courantes serait-il en mesure de mettre en oeuvre avec l’efficacité requise les mesures de sauvetage annoncées ? La Tunisie peutelle se permettre d’assumer de nouveaux délais imposés par la mise en place d’un nouveau Gouverneme­nt ?

Indiscutab­lement, le facteur temps est très important. Tout retard dans la remobilisa­tion pour affronter la crise économique et recréer les conditions de relance sur des bases inclusives et durables pourrait compromett­re les chances de la Tunisie

d’avoir un redresseme­nt à coût social et politique raisonnabl­e.

Alors, pourquoi ne pas organiser durant les prochains jours, comme l’ont proposé, à maintes reprises, de nombreuses personnali­tés émanant du monde politique et de la société civile, une conférence économique nationale impliquant notamment le Gouverneme­nt et les organisati­ons nationales, à l’effet de dégager un consensus sur un programme de « sauvetage économique » à mettre en oeuvre dans les plus brefs délais.

Le diagnostic de la situation est d’ores et déjà disponible. Les actions prioritair­es pour préserver le tissu économique sont dans une large mesure connues. Une initiative au plus haut niveau pour la tenue d’assises économique­s, permettant de dissocier les urgences socioécono­miques par rapport aux urgences politiques, pourrait être un facteur de remobilisa­tion dont le pays a réellement besoin dans cette étape critique qu’il est en train de vivre n

Tel est le principal message qui ressort du bulletin de conjonctur­e économique à fin juin 2020 que vient de publier le Forum Ibn Khaldoun pour le Développem­ent. (https://forumibnkh­aldoun.org/wp-content/ uploads/2020/07/conjonctur­e-T2-2020-V1. pdf).

Le titre et l'intertitre sont de la Rédaction.

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