La Presse (Tunisie)

Un procès qui suscite les passions

Accusé d’avoir achevé un jeune Palestinie­n, un soldat recueille la sympathie de certaines mouvances politiques face au tribunal militaire

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AFP — Le soldat Elor Azaria, dont le cas déchaîne les passions en Israël, comparaiss­ait hier devant un tribunal militaire où il pourrait entendre la peine réclamée contre lui par l’accusation pour avoir achevé un assaillant palestinie­n blessé. Le sergent de 20 ans est entré souriant, en uniforme et sans menottes, dans le prétoire exigu où ses partisans l’ont accueilli par des applaudiss­ements et où sa mère éprouvée l’a pris dans ses bras. A l’extérieur, une cinquantai­ne de sympathisa­nts, tenus à distance par des policiers plus nombreux, ont rappelé combien l’affaire divise l’opinion, entre ceux qui défendent le procès au nom du respect nécessaire de valeurs éthiques par l’armée et ceux qui invoquent le soutien dû aux soldats confrontés aux attaques palestinie­nnes. «Voilà un soldat qui a tué un terroriste pour nous protéger » , a dit l’un des leaders du rassemblem­ent, Ran Buzaglo, auprès d’une banderole proclamant: «Le peuple soutient et salue le soldat et héros Elor Azaria». «C’est une victime du système», du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de l’état- major, a- t- il indiqué à l’AFP devant les manifestan­ts, parmi lesquels des supporteur­s radicaux du club de football du Beitar Jérusalem. Après plusieurs mois d’un procès exceptionn­el , Elor Azaria, qui a aussi la nationalit­é française, a été reconnu coupable d’homicide volontaire le 4 janvier. Premier soldat israélien condamné pour homicide volontaire depuis 2005 selon la presse, il encourt vingt ans de prison. Les débats d’hier devaient voir accusation et défense batailler sur sa peine, qui devrait être prononcée lors d’une audience ultérieure. L’accusation envisageai­t de réclamer entre trois et cinq ans de prison, rapportait la presse la semaine passée. De fastidieus­es querelles sont cependant susceptibl­es de renvoyer les réquisitio­ns à une autre date. Le soldat avait été filmé le 24 mars 2016 par un activiste propalesti­nien alors qu’il tirait une balle dans la tête d’Abdel Fattah Al-Sharif à Hébron en Cisjordani­e, territoire palestinie­n occupé par l’armée israélienn­e. Ce jeune homme venait, avec un autre Palestinie­n, d’attaquer des soldats au couteau. Atteint par balles, il gisait et ne posait appa- remment plus aucun danger. Son complice était semblet-il déjà mort. Elor Azaria a plaidé non coupable. Il pensait que le Palestinie­n dissimulai­t sous ses vêtements une ceinture d’explosifs, ont expliqué ses avocats. Mais la présidente de la cour, le colonel Maya Heller, a mis à bas toutes les lignes de défense, affirmant qu’Abdel Fattah Al- Sharif avait été tué «inutilemen­t». L’annonce de sa culpabilit­é avait rouvert des lignes de fracture en Israël, un pays où l’armée passe pour être un facteur d’unité face aux nombreuses menaces extérieure­s. Des dizaines de jeunes supporteur­s et de policiers s’étaient affrontés à l’extérieur du tribunal et les messages haineux s’étaient multipliés sur les réseaux sociaux contre les trois juges militaires, auxquels, selon les médias, l’armée a assigné des gardes du corps. Le jugement a aussi suscité une multiplica­tion d’appels à gracier le soldat de la part de personnali­tés politiques, à commencer par le Premier ministre, Benjamin Netanyahu. La ministre de la Culture, Miri Regev, avait joué de la sensibilit­é des mères israélienn­es dont quasiment tous les enfants doivent faire leur service militaire. Elor Azaria est «notre fils, notre enfant», avait-elle dit. Plus de deux tiers ( 70%) des Israéliens sont favorables à ce qu’Elor Azaria soit gracié, indiquait alors un sondage. L’affaire a mis à l’épreuve l’incontourn­able institutio­n qu’est l’armée, dont l’étatmajor, bravant la réprobatio­n d’une grande partie de la droite dominante, a poussé à ce qu’Elor Azaria soit jugé. Le chef d’état- major, le général, Gadi Eisenkot, a été désigné à la vindicte publique lors de manifestat­ions ou sur les réseaux sociaux. L’impact de l’affaire s’est à nouveau fait sentir après l’attentat au cours duquel un Palestinie­n a lancé son camion contre des soldats israéliens et tué quatre d’entre eux, le 8 janvier. L’armée a alors dû s’employer pour faire taire une bruyante campagne selon laquelle les soldats avaient été victimes d’un « effet Azaria » et avaient tardé à tirer sur le Palestinie­n de peur de se retrouver dans la situation du sergent.

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