Le sermon de tous les dangers
Lors de son prêche de vendredi dernier, à la mosquée «El Kounia» à Nabeul, un «imam» a qualifié, selon le directeur du festival de Néapolis, Walid Ben Abdessalem, «les actrices tunisiennes d’infâmes et de méprisables» (sic).
Les propos insultants généralisateurs et non nuancés de cet «imam» d’un autre âge, à l’image de beaucoup d’autres d’ailleurs, fustigent et insultent, en fait, toutes les artistes femmes. Ne cherchons pas midi à quatorze heures, il est clair que ce prêche incite à la stigmatisation et à la condamnation non seulement des actrices, mais aussi de l’art dans toutes ses formes et déclinaisons.
Cette aversion et inimitié à l’encontre de l’art et des artistes est, de surcroît, sous-tendue par une misogynie et un sexisme flagrants. Car cet «imam» cible particulièrement les actrices, autrement dit, les interprètes-femmes d’oeuvres théâtrales, cinématographiques et de fictions télévisuelles. Puisqu’il a considéré, par ailleurs, toujours selon le directeur du festival de Néapolis, «que les productions de fictions et les programmes télévisuels répandent et appellent à la dépravation et au dévoiement» (Resic).
Face au silence assourdissant des autorités régionales et nationales, le directeur du festival de Néapolis a appelé les parties concernées, dont notamment le ministère des Affaires religieuses, à inciter les imams à réviser ce genre de discours extrémistes qui constituent «une incitation à la haine et/ou à la violence contre les artistes, les journalistes, les acteurs et les actrices». Et M. Walid Ben Abdessalem a raison car on ne peut zapper ou faire semblant de ne pas avoir entendu de tels propos insultants et infamants, incitant à la violence verbale et/ou physique contre les artistes en général et les actrices en particulier.
Pas de réactions
On peut se demander, d’autre part, face à de tels prêches qui déprécient et déconsidèrent la gent féminine du monde des arts, pourquoi les autorités concernées, notamment le ministère des Affaires religieuses, n’ont pas jusqu’ici réagi en condamnant ces propos et en rappelant cet «imam» à l’ordre.
Mais pas seulement car nous n’avons ni vu ni entendu des réactions de la part des concernées elles-mêmes, soit les actrices, ni de leurs collègues des domaines des arts et de l’audiovisuel.
De son côté, le ministère des Affaires culturelles n’a émis aucune réaction afin de condamner ce genre d’insultes ciblant des artistes femmes, dont plusieurs parmi elles, telles Jalila Baccar, Raja Ben Ammar, Zahira Ben Ammar, Leïla Toubel, Amel Hedhili et tant d’autres jeunes et moins jeunes ont fait et font encore les beaux jours du théâtre, du cinéma et des fictions télévisées de qualité.
La réaction du ministère de tutelle, à travers la condamnation d’un tel discours obscurantiste, s’impose afin de rappeler l’importance de l’apport des artistes et la nécessité de l’existence de l’art dans la cité. Cela, d’autant que le gouvernement, dans son ensemble, affiche, apparemment, une volonté manifeste d’éradiquer l’extrémisme, le radicalisme, ainsi que le terrorisme grâce à l’art et à la culture.
Or, si on laisse faire et on laisse passer de pareils discours inacceptables, prêches ignominieux sans rappel à l’ordre, dans l’impunité la plus totale et dans l’indifférence générale, c’est comme si on détruisait d’une main ce que l’on bâtit et édifie de l’autre. A bon entendeur salut !