La Presse (Tunisie)

Pratique constituti­onnelle

- Par Jawhar CHATTY

ON connaît la rigueur et le purisme qui distinguen­t les constituti­onnalistes. On mesure d’ailleurs leur agacement, parfois aussi leur dépit et amertume, chaque fois que les équilibres institutio­nnels initiaux prévus par la Constituti­on sont ébranlés.

Cela fait exactement trois ans jour pour jour que la nouvelle Loi fondamenta­le du pays a été promulguée. Sa gestation fut longue, sa naissance difficile et douloureus­e. Crise politique et institutio­nnelle majeure et assassinat­s politiques ont émaillé tout le processus pour, à la fin, aboutir à un texte dit « consensuel », comme du reste l’avait été l’issue du dialogue politique national qui, en 2013, avait évité au pays de sombrer dans le chaos. Le nouveau-né a aussitôt été accueilli par les applaudiss­ements des observateu­rs nationaux et internatio­naux, les avancées en termes de libertés et de droits fondamenta­ux sont en effet majeures. Puis l’on s’était très vite rendu à l’évidence qu’un texte issu d’un compromis ne pouvait être que bancal et peu cohérent.

Pis, le peu de cohérence du texte constituti­onnel a été un peu plus creusé par les jeux de pouvoir, la partitocra­tie dominante, l’indigence de la pensée et la défaite de la raison qui caractéris­ent le débat public et politique national. A telle enseigne que des voix, et non des moindres, se sont élevées pour réclamer une révision de la Constituti­on. Que vaut de fait une Loi fondamenta­le quand les pratiques importent plus que les textes. Où est réellement aujourd’hui, en Tunisie, le pouvoir « législatif » ?, Qui « fait » la loi ? Qui « gouverne » ? Où se trouve le « lieu » réel du pouvoir ? Plus important encore : par qui est composé le gouverneme­nt ? Le Pr Rafaâ Ben Achour a bien raison de citer le constituti­onnaliste français Guy Carcassonn­e : « Une bonne constituti­on ne peut suffire à faire le bonheur d’une nation, alors qu’une mauvaise constituti­on peut entraîner son malheur ». Tout est là en effet, mais c’est la pratique constituti­onnelle qui, dans un sens comme dans l’autre, donne le ton.

le peu de cohérence du texte constituti­onnel a été un peu plus creusé par les jeux de pouvoir, la partitocra­tie dominante, l’indigence de la pensée et la défaite de la raison

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