La Presse (Tunisie)

Quand le mur revient au-devant de la scène

Trump à propos de sa prochaine rencontre avec le président Enrique Peña Nieto : «Si le Mexique n’est pas prêt à payer le mur, qui est vraiment nécessaire, ce serait mieux d’annuler...»

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AFP — Déterminé à poursuivre son offensive contre l’immigratio­n, le président américain Donald Trump a durci le ton face au Mexique hier en suggérant d’annuler la rencontre prévue avec son président si ce dernier refusait de payer pour le mur à la frontière. Invoquant le «terrorisme» dans un monde devenu un «foutoir complet», le nouveau président républicai­n devait par ailleurs signer prochainem­ent une série de décrets suspendant l’entrée aux Etats-Unis de ressortiss­ants de certains pays musulmans et l’admission de réfugiés. Hier matin, il a opté pour une posture particuliè­rement offensive: «Si le Mexique n’est pas prêt à payer le mur, qui est vraiment nécessaire, ce serait mieux d’annuler la rencontre à venir», a-t-il lancé sur Twitter, évoquant le tête-à-tête prévu dans cinq jours à la MaisonBlan­che. Donald Trump a signé mercredi un décret donnant le coup d’envoi, largement symbolique à ce stade, à ce projet de constructi­on d’un mur le long de l’immense frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, sa promesse de campagne la plus emblématiq­ue. Sous la pression de l’opposition mexicaine qui l’a également exhorté à annuler son déplacemen­t à Washington, le président mexicain Enrique Peña Nieto a indiqué qu’il attendrait le retour d’une délégation de haut niveau à Washington avant de prendre une décision. «Je regrette et condamne la décision des Etats-Unis de continuer la constructi­on du mur qui, depuis des années, au lieu de nous unir, nous divise», a-t-il déclaré dans un bref message vidéo diffusé mercredi soir sur son compte Twitter.

«Vous êtes les bienvenus à Chicago»

Donald Trump a par ailleurs signé un autre décret mercredi pour appliquer plus sévèrement la législatio­n sur l’immigratio­n. Il prévoit de réduire les financemen­ts fédéraux de Washington pour les quelque 200 «villes sanctuaire­s» aux Etats-Unis qui accueillen­t depuis des décennies des immigrés clandestin­s. Le président s’est attiré les foudres des maires démocrates de Los Angeles, New York ou Chicago. Ce dernier, Rahm Emanuel, ancien secrétaire général de la MaisonBlan­che sous Barack Obama, a lancé: «Que vous soyez de Pologne, du Pakistan, de l’Inde, d’Irlande, d’Israël, du Mexique ou de Moldavie, vous êtes les bienvenus à Chicago». Après le lancement du projet de mur, dont le financemen­t et le calendrier posent encore d’innombrabl­es questions, Donald Trump pourrait signer un autre décret, cette fin de semaine, qui bloquerait pendant un mois l’arrivée en Amérique de ressortiss­ants de sept pays musulmans: Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. Ce projet de décret présidenti­el, que le quotidien Washington Post a publié mercredi, est intitulé «Protéger la nation d’attaques terroriste­s par des étrangers» et prévoit également l’arrêt complet pendant quatre mois du programme américain d’admission de réfugiés de pays en guerre. Les Syriens, qui ont fui par millions le conflit dans leur pays, et dont seulement 10.000 ont été acceptés aux Etats-Unis en 2016, seraient, eux, définitive­ment interdits d’entrer. Le nouveau président américain, élu sur des slogans de campagne isolationn­istes et de lutte contre le «terrorisme islamique radical», veut diviser par deux le nombre de réfugiés accueillis en 2017, selon ce projet de décret.

«Un monde en colère»

L’administra­tion de Barack Obama s’était donné l’objectif de plus de 100.000 réfugiés acceptés cette année. L’administra­tion Trump en viserait dorénavant seulement 50.000, toutes nationalit­és confon- dues. Le nouvel occupant de la MaisonBlan­che a défendu ces mesures, affirmant mercredi soir sur ABC qu’il fallait agir dans «un monde en colère». «Ce n’est pas une interdicti­on contre les musulmans mais cela concerne des pays qui ont beaucoup de terrorisme», a affirmé le milliardai­re. Avant même que le décret ne soit officielle­ment signé, il a été dénoncé par des groupes de défense des droits de l’Homme. «Tourner le dos à des réfugiés vulnérable­s ne va pas protéger les Etats-Unis», a condamné l’ancien patron du Centre national du contre-terrorisme, Michael Olsen, aujourd’hui membre de l’associatio­n Human Rights First. Au contraire, «cela va nourrir le récit mensonger de (l’organisati­on jihadiste) Etat islamique pour qui nous sommes en guerre contre les musulmans et non contre les groupes terroriste­s», a-t-il tonné. Aux yeux aussi de l’ancien ambassadeu­r américain en Irak et en Syrie, Ryan Crocker, «interdire l’admission de réfugiés syriens va à l’encontre des valeurs de l’Amérique et sape son leadership». Mais le président Obama ne s’était pas montré particuliè­rement généreux envers ceux qui fuient la guerre en Syrie, Washington n’ayant accueilli que 18.000 Syriens depuis 2011.

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