La Presse (Tunisie)

Une décision de justice qui provoque des tensions

Le parquet, qui avait souligné l’absence de garanties en Turquie pour un procès juste et équitable au sujet des huit militaires turcs, a été conforté dans sa décision...

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AFP — La cour suprême grecque a refusé hier l’extraditio­n en Turquie des huit militaires turcs, accusés par Ankara d’avoir participé au putsch manqué du 15 juillet, s’attirant le mécontente­ment teinté de menaces de la Turquie. Le ministère turc des Affaires étrangères a en effet promptemen­t réagi à la nouvelle, assurant qu’Ankara allait procéder à une «évaluation exhaustive» de l’impact de cette décision de justice sur ses relations avec Athènes, « bilatérale­s » et en matière de «coopératio­n dans la lutte contre le terrorisme». Il s’agit d’une décision que «nous percevons comme motivée par des considérat­ions politiques», a indiqué le ministère. Dans la foulée de ce jugement, la Turquie a également émis un mandat d’arrêt contre les huit hommes, et une nouvelle demande d’extraditio­n. Une décision qui n’a pas ému Me Christos Mylonopoul­os, un des avocats du groupe, qui a estimé que ces mesures ne visaient que les pays où les militaires turcs pourraient vouloir désormais se rendre, mais que l’affaire était close pour la Grèce. Les militaires, quatre capitaines, deux commandant­s et deux sergents, étaient en détention provisoire depuis leur atterrissa­ge en hélicoptèr­e au nord-est de la Grèce, près de la frontière gréco- turque, le 16 juillet, au lendemain du coup d’Etat manqué en Turquie. La cour suprême a suivi les réquisitio­ns du parquet, qui s’était prononcé contre l’extraditio­n il y a dix jours, en soulignant l’absence de garanties en Turquie pour un procès juste et équitable, selon une source judiciaire. « Indépendam­ment de leur culpabilit­é ( présumée), leur extraditio­n n’est pas autorisée car leur droits sont en danger» en Turquie, a statué la cour. Le président a mis en avant le risque de «torture». L’affaire est embarrassa­nte pour Athènes qui a depuis longtemps des relations délicates avec la Turquie, et sur laquelle la Grèce compte pour endiguer le flux migratoire en mer Egée, notamment via l’accord UE-Turquie signé en mars. Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, avait été l’un des premiers leaders européens à faire part de son soutien «au gouverneme­nt démocratiq­uement élu» de Turquie, le 15 juillet lors du putsch manqué. Mais Athènes s’est par la suite inquiétée du durcisseme­nt du régime turc, y compris sur les différends bilatéraux traditionn­els de souveraine­té en mer Egée.

« Victoire »

Le ministre grec de la Justice, Stavros Kontonis, qui, en cas de jugement en faveur de l’extraditio­n, aurait eu le dernier mot sur l’applicatio­n ou non de la décision, a voulu se maintenir à distance de l’affaire ces derniers jours. «Toute décision de justice sera respectée», avait-il indiqué mercredi aux médias. La Fédération internatio­nale des droits de l’Homme (Fidh), qui a mis en garde récemment contre l’extraditio­n des officiers, a salué la décision, la qualifiant de «victoire». « Ce n’était pas une question de relations bilatérale­s mais de justice», a tweeté son président, le Grec Dimitris Christopou­los. Des centaines d’autres militaires turcs se sont réfugiés dans des pays européens après le putsch manqué en Turquie et la purge décrétée contre les opposants de Recep Tayyip Erdogan. En première instance, le tribunal d’Athènes chargé des extraditio­ns l’avait refusée pour cinq des huit militaires, mais l’avait avalisée pour trois. Les huit militaires turcs ont démenti à plusieurs reprises toute implicatio­n dans la tentative de coup d’Etat et affirmé qu’ils avaient décidé de fuir par peur des représaill­es contre des militaires lors de la reprise en main de la situation par le gouverneme­nt turc. Ils avaient demandé l’asile en Grèce mais leur demande est toujours en cours d’examen en appel, les autorités grecques l’ayant rejetée en première instance. La cour suprême a ordonné hier leur libération, mais ils restent provisoire­ment détenus en attendant l’issue de leur demande d’asile, selon leurs avocats. Lors de la publicatio­n du jugement par la cour suprême, les huit officiers, souriants, se sont dits « satisfaits » et se sont fait prendre en photo avec leurs avocats, a constaté une journalist­e de l’AFP sur place.

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