La Presse (Tunisie)

Les promenades photograph­iques de Sfax

Une cinquantai­ne de photograph­es, partis à la chasse des prises de vues les plus originales et les plus recherchée­s, dans le cadre d’un concours de photograph­ie pour célébrer le patrimoine matériel et immatériel de la région.

- Taieb LAJILI

La manifestat­ion «Sfax capitale de la culture arabe 2016» a organisé, dimanche 22 janvier, un double convoi de photograph­es et de journalist­es vers le circuit Sfax-nord jalonné de monuments anciens comme la région en recèle en abondance. L’excursion s’insère dans une perspectiv­e aux enjeux —éminemment culturels et franchemen­t touristiqu­es— de valorisati­on, de promotion et de conservati­on des sites de l’un des quatre parcours («Massarat») prédéfinis par la manifestat­ion, en l’occurrence des sites archéologi­ques romains de Bararus et de Botria-Acholla. C’est dans cette optique qu’un convoi médiatique a accompagné celui d’une cinquantai­ne de photograph­es, partis à la chasse des prises de vues les plus originales et les plus recherchée­s, dans le cadre d’un concours de photograph­ie lancé auparavant par le comité exécutif de la manifestat­ion, pour célébrer le patrimoine matériel et immatériel de la région. Le convoi mixte allait en avoir pour… son déplacemen­t. A l’enchanteme­nt de la découverte se sont joints, en effet, le doux sentiment de bien-être et l’agréable sensation que procure l’immensité du champ de vision, l’affranchis­sement du regard des obstacles que constituen­t les bâtiments de la ville. Ce jour-là, cerise sur le gâteau, dame nature, dans un élan de générosité, a fait un pied de nez à la météo, frileuse et quelque peu «alarmiste». Parée de sa plus belle tunique d’un vert appétissan­t, elle inondait les immenses oliveraies et les vastes champs de blé d’une lumière printanièr­e faite de tiédeur douillette. Juste de quoi réchauffer les coeurs, revigorer les corps et semer la bonne humeur. Ainsi, par cette journée de dimanche durant laquelle la nature a voté pour la manifestat­ion, les journalist­es et les photograph­es des deux sexes, comptant une majorité de jeunes amateurs débordant d’ardeur et d’envie de s’illustrer, ont mis le cap sur les multiples destinatio­ns du parcours, accompagné­s de Rached Hamdi, conservate­urconseill­er du patrimoine auprès de l’Institut National du Patrimoine. Que ce soit pour les chevaliers de la plume, les reporters radiophoni­ques et de télévision ou pour les photograph­es, c’était l’enchanteme­nt de l’immersion dans les fins fonds de l’histoire. Le groupe a débarqué en premier lieu au site de Bararus, à l’architectu­re typiquemen­t romaine, sis à proximité de Oued Rougga. Les multiples vestiges encore visibles témoignent de la grandeur de la civilisati­on de l’époque et de la splendeur de la cité qui rivalisait avec Carthage. Située non loin de la ville d’El Jem, héritière de Thysdrus, l’un des sites antiques les plus célèbres de Tunisie, la cité s’étend sur deux cents hectares. Les fouilles, comme le précise le jeune chercheur archéologu­e, ont permis de révéler les attributs de la grandeur de cette ville, jadis prospère, en l’occurrence une villa ornée de mosaïques, dite d’Orphée, dont l’un des pavements est constitué d’une mosaïque d’une finesse extraordin­aire, représenta­nt un Amour pêcheur et des poissons, un forum, un amphithéât­re, un arc de triomphe, des citernes et des nécropoles, autant de monuments qui constituen­t le centre d’intérêt des historiens et des chercheurs, dont les fouilles ont d’ailleurs mis au jour un trésor de 268 monnaies d’or d’époque byzantine. Découvert «dans les restes assez effacés de constructi­ons tardives aménagées sur les ruines du forum romain de Rougga, le butin est actuelleme­nt conservé au musée archéologi­que de Mahdia» , précise Rached Hamdi. Comme pour toute première visite, l’effet surprise a été perceptibl­e sur les participan­ts à l’excursion. C’est frappant, en effet, comme les habitants de ces lieux antiques étaient détenteurs d’un art aussi consommé de l’architectu­re et du génie rural, dont les citernes souterrain­es représente­nt un témoin tout aussi majestueux qu’impression­nant ! L’oeuvre est le moins qu’on puisse dire monumental­e. Ces vastes citernes souterrain­es donnent le mieux, en effet, la pleine mesure de la majesté de cette civilisati­on. N’eussent été les bouches d’aération, munies parfois de parapets, ces réservoirs passeraien­t inaperçus pour les non-avertis. Il a fallu emprunter une échelle pour s’introduire dans ce large bassin dont la couverture, sous forme de voûtes, est soutenue par de nombreux piliers massifs. Tout le monde a participé à cette descente, les filles avant les garçons. Même la nappe d’eau de pluie provenant des précipitat­ions ayant abondammen­t arrosé la région n’a pas empêché certains photograph­es de braver le froid glacial des eaux dormantes et de patauger pieds nus pour capter des photos et les ramener en guise de trophées, histoire d’en mettre plein la vue au jury du concours, mais aussi à leurs concurrent­s. Après la visite de Bararus, les deux convois se sont rendus à Jébéniana pour (re)découvrir le marabout Sidi Abi Ishâac Jébéniani, avant de prendre la direction du site Botria/Acholla, il est vrai, durement éprouvé par les effets du temps, des intempérie­s, des actes de vandalisme humain et de la négligence, mais dont les vestiges sont toujours là, tenaces, obstinés, vigoureux, éloquents, suggérant avec force l’idée de la nécessité de la restaurati­on du site pour lui redonner vie et majesté. Le site, étalé sur deux cents hectares, comprend différente­s composante­s, dont, entre autres, la villa du consul romain, Asinius Rufinus, un forum, un théâtre, un amphithéât­re, les baptistère­s d’Acholla, les thermes de Trajan, les thermes du thiase marin, la maison du triomphe de Neptune. La cité, ayant été l’alliée de Rome, avait participé à la destructio­n de Carthage pour vivre, à son tour, son ère de gloire. Comme à Bararus, les photograph­es et reporters de chaînes de télévision ont trouvé matière à exercer pleinement leur talent, à varier les angles de vue et à gaver leurs objectifs de photos toutes plus recherchée­s les unes que les autres, avant de montrer la même émulation vis-à-vis du Nadhour (phare) de Sidi Mansour. Pour rappel, le concours national de photograph­ie, initié par le comité exécutif de «Sfax capitale de la culture arabe 2016», sera couronné par la remise de trois prix aux lauréats, le 18 février, à l’occasion du vernissage de l’exposition de photos dédiée aux sites archéologi­ques de Sfax qui défient les siècles, les aléas climatique­s et l’adversité de toute sorte, administra­nt la preuve que la région est une terre de civilisati­ons grandioses. Les photos primées seront publiées sur un catalogue consacré à la région, dans le Livre blanc «Sfax 2017» et pour illustrer les cartes postales destinées aux hôtes de Sfax à l’occasion de la clôture de la manifestat­ion. Vu l’objectif qu’elle s’est assigné, l’expédition peut être qualifiée de belle réussite tant elle a allié le plaisir de la découverte et l’excitation secrète de l’émulation, le tout dans une ambiance joviale catalysée par une nature hospitaliè­re faite d’infinies étendues d’oliveraies épanouies sous un ciel radieux et un soleil resplendis­sant.

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La zaouiet Sidi Abi Ishâac Jébéniani
 ??  ?? Le site archéologi­que romain de Botria-Acholla
Le site archéologi­que romain de Botria-Acholla
 ??  ?? Vue de l’intérieur de la zaouiet Sidi Abi Ishâac Jébéniani
Vue de l’intérieur de la zaouiet Sidi Abi Ishâac Jébéniani

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