Surproduction, mauvaise récolte, c’est kif-kif
CES derniers jours, les agriculteurs viennent de lancer, à leur tour, un cri d’alarme : il y a surproduction de tomates fraîches et donc risque de grandes pertes. C’est que, pour une consommation locale qui ne dépasse pas 80 mille tonnes, il y a une production de 750 mille tonnes, soit presque dix fois plus que les besoins du marché.
Et il faudrait, là encore, plus qu’un palliatif, une solution radicale, une stratégie pour utiliser un terme éculé à force d’être répété.
Car le secteur des tomates est le dernier — souhaitons-le — d’une série de crises qui ont profondément marqué l’agriculture. Cela a commencé par la production record des dattes et qui a amené les spéculateurs à proposer des prix aux producteurs. Si bien que ces derniers ont préféré jeter une partie que de la brader à n’importe quel prix.
La crise devrait frapper, plus tard, le secteur du lait, dont les industriels ne peuvent recevoir l’excédent pour transformation. A tel point que les éleveurs étaient obligés de déverser le surplus sur la voie publique. L’Etat, dans un geste d’accalmie, propose l’ouverture de l’unité de transformation du lait en poudre de Mornaguia et d’acquérir des quantités au profit des cantines scolaires. Une crise qui pourrait, à coup sûr, se reproduire au printemps prochain — il n’est pas très loin — durant la période de haute lactation.
Idem pour les agrumes, dont la récolte exceptionnelle a causé le désespoir des agriculteurs. Là encore, pour colmater la brèche et parer au plus urgent, l’Etat propose de faire transformer une partie en jus d’orange par un industriel.
Autant de crises générées par la surproduction. Est-ce normal ? L’Etat est-il capable de gérer uniquement la pénurie et non la bonne récolte? Il y a là indéniablement les signes d’une absence effective d’une politique et d’une vision de la mise à niveau réelle de l’agriculture, secteur vital et pourtant marginalisé, sans perspectives de sortir de l’ornière.
Les dysfonctionnements entre les rouages de production et les circuits de distribution, dont l’exportation, dénotent une navigation à vue, au jour le jour.
Sous l’ère Ben Ali, l’extension du marché de gros de Bir El Kassaâ (MIN) avait été engagée en vue de l’aménagement d’une aile destinée aux sociétés de mise en valeur agricole (Smdva), afin de comprimer les prix et de réduire les intermédiaires. Mais cette aire a été détournée de sa vocation par la mainmise de parties occultes.
Aujourd’hui sur les marchés, les agrumes se vendent jusqu’à 2d,800 le kilo. Ce sont finalement l’agriculteur et le consommateur qui sont lésés, et ce sont les intermédiaires qui cassent le sucre sur leur dos. Les circuits de distribution ne sont plus transparents. Et c’est là un véritable marécage avec des requins aux dents longues et pointues. L’Etat pourra-t-il mettre fin à cette saga ? Pourra-t-il instaurer des mécanismes stimulant l’exportation au lieu de la bloquer ? Il y a urgence, car un produit agricole est quelque chose de périssable et ne peut supporter les entraves administratives et la paperasse.