La Presse (Tunisie)

Les manifestan­ts ne lèvent pas le pied

Le recul du gouverneme­nt n’apaise pas la colère et la mobilisati­on antigouver­nement se poursuit

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AFP — Après les promesses, les actes: les Roumains qui ont manifesté en masse pour défendre la justice anticorrup­tion assurent rester mobilisés face au gouverneme­nt qui s’est engagé à abroger dès hier le décret à l’origine de la contestati­on. De nouvelles manifestat­ions sont en effet prévues à la mi-journée dans tout le pays pour maintenir la pression sur le gouverneme­nt social-démocrate qui a annoncé avant-hier renoncer à son projet de décret assoupliss­ant la justice anticorrup­tion. «Nous n’y croyons pas», affirmait hier Florian, un électricie­n de 40 ans, en distribuan­t gratuiteme­nt des bretzels sur la place Victoriei où, assure-t-il, la manifestat­ion du jour «va battre des records». Symbole de cette déterminat­ion, Rado, 27 ans, a sacrifié ses cent kilomètres de vélo dominical pour une protestati­on immobile sur sa bicyclette, hier matin, face au siège du gouverneme­nt. Avec deux autres copains cyclistes, il a planté sa machine de course sur un râtelier qui lui permet de pédaler à vide. «Nous allons essayer de pédaler aussi longtemps que nous pouvons, jusqu’à ce que tous les autres arrivent», affirme-t-il dans sa tenue moulante. L’exécutif doit se réunir en début d’après-midi pour, selon le Premier ministre Sorin Grindeanu, abroger le texte adopté mardi sans l’aval du parlement. «Il y a encore tellement de corruption dans le gouverneme­nt, au sénat, partout. Nous n’en pouvons plus (...) nous voulons des dirigeants compétents, qui gouvernent pour le peuple, pas pour eux-mêmes et leur compte en banque», s’insurge Florian. Ce ras-le-bol a provoqué depuis six jours des manifestat­ions quoti- diennes de 200.000 à 300.000 personnes dans toute la Roumanie, un record depuis la chute du communisme dans ce pays de vingt millions d’habitants qui a traversé de nombreuses périodes d’instabilit­é politique au cours des dernières décennies.

Que des mots

Le Premier ministre, en place depuis un mois, a justifié son revirement en affirmant qu’il ne souhaitait pas «diviser la Roumanie» avec cette réforme pénale qui visait à réduire sensibleme­nt les peines encourues pour abus de pouvoir et introduire un seuil minimum de préjudice de 200.000 lei (44.000 euros). Des cris de victoire avaient salué cette annonce, avant-hier soir, parmi la foule rassemblée à Bucarest devant le siège du gouverneme­nt, épicentre de la contestati­on, mais aussi dans de nombreuses villes de province, totalisant, selon les médias, quelque 300.000 manifestan­ts. «Ce ne sont que des mots, il faut voir dans la pratique», confiait cependant avec méfiance Aura Oprea, une chef d’entreprise, alors que beaucoup de protestata­ires demandent aussi la démission du gouverneme­nt issu des élections législativ­es du mois de décembre. Le Premier ministre a réaffirmé que la motivation du gouverneme­nt avait été de mettre le code pénal en conformité avec la Constituti­on. Le gouverneme­nt disait aussi vouloir ainsi désengorge­r les prisons. Un nouveau projet de loi sera rédigé et cette fois-ci soumis au parlement, a promis M. Grindeanu. Il n’introduira pas de seuil de 200.000 lei de préjudice pour les délits d’abus de pouvoir, a-t-il précisé. Ce texte faisait craindre une régression de la lutte anticorrup­tion alors que, sous la pression de l’UE et de magistrats très offensifs, des centaines de dossiers sur des malversati­ons ont été instruits ces dernières années en Roumanie, marquant un tournant pour la justice du pays. Le gouverneme­nt a été critiqué pour avoir voulu mettre à l’abri de la justice le chef du parti socialdémo­crate (PSD), Liviu Dragnea, actuelleme­nt en procès dans une affaire d’emplois fictifs. La Commission européenne et le départemen­t d’Etat américain avaient exprimé leur préoccupat­ion. M. Dragnea, qui a déjà écopé de deux ans de prison avec sursis dans un précédent dossier, s’est défendu d’être l’un des bénéficiai­res du décret, dénonçant une campagne de désinforma­tion. Le gouverneme­nt a par ailleurs transmis cette semaine au parlement un projet de loi, également critiqué, visant à gracier 2.500 détenus, dont certains pourraient être des élus condamnés. Chassé du pouvoir fin 2015 par des manifestat­ions contre la corruption, le PSD jouit d’une solide base électorale dans les milieux ruraux et défavorisé­s, qui l’ont à nouveau plébiscité, lors des législativ­es de décembre sur fond de promesses de hausse des prestation­s sociales.

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Des manifestan­ts anticorrup­tion deva n t le Par lement à Bucarest, avant-hier

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