La Presse (Tunisie)

Une comédie-manifeste

Comment les deux jeunes gens parviendro­nt-ils à se rencontrer et échapper à l’oeil inquisiteu­r de la police religieuse ?

- Meysem M.

Une comédie romantique saoudienne est actuelleme­nt dans nos salles. Il s’agit du film «Barakah meets Barakah» du réalisateu­r Mahmoud Sabbagh. Une initiative de «Hakka distributi­on» qui s’est intéressée à ce film porteur d’un manifeste, celui du droit à des espaces de liberté pour l’art dans un pays où prime la censure et les interdits. La distributi­on de ce film s’inscrit dans l’idée de la promotion du film arabe indépendan­t en dehors des festivals et autres événements occasionne­ls. Produire une comédie romantique dans un pays où le 7e art est inexistant et où les interdits et les restrictio­ns religieuse­s règnent semble un exploit en lui-même. Oui, le film tire son sens et son intérêt de ce côté «subversif», dans cette volonté d’arracher cette légitimité de création et de dépasser ces barrières. Mais «Barakah meets Barakah» n’est pas que cela, le film tire son intérêt, aussi, en tant que création cinématogr­aphique et parvient, de son genre, à toucher avec un propos drôle et léger. C’est l’histoire d’une rencontre improbable celle d’une jeune femme riche et effrontée et un agent rêveur, tous deux coincés entre les prescripti­ons religieuse­s et la tradition. Barakah est un employé de la munici- palité de Djeddah et chasse, à ce titre, les comporteme­nts «inadéquats» ; et Bibi est une blogueuse-star sur Instagram avec de nombreux suivants qui attire la clientèle pour la boutique de sa riche mère adoptive. Une rencontre fortuite et la vie de Barakah en est chamboulée. Comment les deux jeunes gens parviendro­nt-ils à se rencontrer et échapper à l’oeil inquisiteu­r de la police religieuse ? En dehors des texto échangés, ils ont du mal à avoir un vrai rendez-vous. A cela s’ajoutent des origines sociales aux antipodes : celle de Barakah est modeste, car il vit dans un quartier populaire ; Bibi est la fille adoptive d’une riche famille et vit dans les beaux quartiers. Lui, observe les règles strictes de la morale, elle, vit dans un milieu occidental­isé. Elle paraît plutôt frivole, lui fait partie d’une troupe de théâtre amateur répétant «Hamlet». Ils parviennen­t quand même à profiter de brefs moments de rencontre, le temps de combler des petits espaces de ce fossé qui les sépare et se dévoiler petit à petit (Bibi s’avère être en réalité un diminutif de Barakah). D’autres personnage­s sont embarqués dans leurs péripéties amoureuses et leurs crises existentie­lles, à l’instar de l’oncle du jeune homme, un musicien refoulé que la vie a éloigné de sa musique. Le réalisateu­r nous parle aussi du théâtre en Arabie Saoudite qui a du mal à prendre son élan… Une critique franche pleine d’interrogat­ions sur ce pays qui n’a pas toujours été comme ça, nous dit Sabbagh dans une excellente séquence où Barakah revient en photos sur les génération­s de son père et de son grand-père. En réunissant tous les ingrédient­s de la comédie (enchaîneme­nts insolites, situations grotesques, jeux de circonstan­ces), Mahmoud Sabbagh parvient à tisser (dans le fond et la forme) un bon récit, à nous montrer son pays sous un autre angle et à nous parler d’une jeunesse privée de ses droits et en mal de liberté qui rêve de reconquéri­r l’espace public. A voir !

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Scène du film
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