La Presse (Tunisie)

INTERVIEW DE M. SALAH BELAID, PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA TRANSTU

La Transtu fait face à plusieurs problèmes qui ont trait notamment à la vétusté de son parc roulant malgré l’achat de bus d’occasion de la France. Au programme, l’acquisitio­n de nouveaux bus pour améliorer les prestation­s à partir du mois de juin 2017. M.

- Propos recueillis par Chokri GHARBI

SOCIÉtÉ

«La qualité passe par le renforceme­nt du parc roulant»

Quelles sont les raisons du déficit structurel de la Transtu?

La Transtu a mis en place un plan d’assainisse­ment et de restructur­ation présenté au ministère du Transport. Le diagnostic effectué montre une vétusté du parc roulant. Au mois de mars 2016, nous n’avons que 528 bus disponible­s soit un taux de 40%. Ce nombre comprend les 217 bus d’occasion achetés de la RTP (France). On disposait de 350 bus jaunes dont certains sont affectés au transport scolaire et d’autres pour les lignes régulières. Mais le problème de disponibil­ité de ces bus se pose. En 2010, le nombre de bus exploités était de 960 lors des heures de pointe. Actuelleme­nt, on travaille avec la moitié car le dernier contrat d’acquisitio­n de bus date de 2010. La solution urgente et économique était d’acheter 267 bus d’occasion à 9300 euros l’unité, soit l’équi- valent de 25.000 dinars environ l’unité, ce qui constitue une bonne affaire. Cette solution urgente était nécessaire pour réussir la rentrée scolaire qui connaît une grande demande en moyens de transport. C’est que l’appel d’offres pour l’acquisitio­n de nouveaux bus prend beaucoup de temps et il fallait terminer l’acquisitio­n dans les plus brefs délais pour fournir 100 bus au transport scolaire. La Transtu ne s’est pas arrêtée à ce niveau, puisqu’elle a acquis 144 bus neufs d’un concession­naire tunisien suite à un appel d’offres. De plus, 100 bus ont fait l’objet d’une rénovation sur un total de 173 bus à réhabilite­r. Cela a permis une rentrée scolaire dans de bonnes conditions même si on n’a pas encore atteint le nombre de bus de 2010. Avec les 267 bus d’occasion achetés de la RTP et les 144 bus neufs et les 100 réparés on a atteint un total de 511 bus. On travaille actuelleme­nt avec 700 bus disponible­s. Il a été possible de rétablir 14 lignes dans le gouvernora­t de Ben Arous et renforcer une dizaine de lignes. A la Manouba, un rabattemen­t bus-métro a été mis en place pour améliorer les rotations.

Qu’en est-il du chiffre d’affaires de la société?

Toutefois, le chiffre d’affaires de la société qui était de 77 MD a chuté à 50 MD en 2015 avec une augmentati­on de 5 à 6% en 2016. Si on investit dans le parc roulant, il est possible d’améliorer la qualité d’autant plus que les bus affectés au transport public évoluent dans un environnem­ent de concurrenc­e déloyale avec les taxis collectifs et les bus du secteur privé qui pratiquent des prix élevés. Je dois dire aussi qu’un contrat a été signé en 2016 pour l’achat de 494 bus neufs. La livraison commencera à partir du mois de juin ou juillet prochain par l’injection d’un premier lot d’une quarantain­e de bus. En 2018, on devrait rétablir la situation de 2010 en termes de nombre de bus avec un parc neuf. Cela va coïncider, si tout va bien, avec l’entrée en fonction du réseau ferroviair­e rapide. Une révolution du transport en commun sera accomplie à partir de cette date. Quand nous sommes arrivés à la société, les magasins des pièces de rechange étaient vides. Il fallait parfois prendre des pièces d’un bus pour le greffer à un autre afin de réparer la panne et remettre le bus en marche. En plus du faible taux de disponibil­ité des bus, de la baisse du chiffre d’affaires, un autre problème se pose, à savoir celui de la resquille qui cause à la société un manque à gagner important. En outre, durant la période 2003-2017, les tarifs n’ont augmenté qu’une seule fois, en 2010, de 5%, alors que les charges sont en évolution constante. Le déficit a atteint les 277 MD. Nous avons proposé d’indexer le tarif au taux d’inflation avec un ajustement des prix annuel de 5%. Il est temps de revoir la vocation de la société pour définir sa mission sociale ou économique. Les charges ont augmenté de 80% durant cette période alors que les frais du personnel ont doublé. La compensati­on de l’Etat de 120 MD et le chiffre d’affaires de la société arrivent à peine à couvrir la masse salariale. On travaille avec un découvert bancaire. La dette de la société est de 700 MD dont la moitié est due à l’Etat que nous appelons à abandonner sa part pour contribuer à équilibrer les finances de la société. Par contre, le secteur privé a la latitude de pratiquer la liberté des prix, ce qui n’est pas le cas pour la société nationale. En 2010, l’usager contribue avec 40% au coût, l’Etat avec 40% grâce à la compensati­on et 20% étaient enregistré­s comme déficit. Actuelleme­nt, l’usager contribue avec 20% au coût contre 40% pour l’Etat et 40% sont chiffrés comme déficit! Le gel des tarifs a creusé dans une large mesure le déficit de la société. En France, par exemple, un Fonds alimenté par les employeurs a été créé pour favoriser le transport en commun public. Ces derniers bénéficien­t du service du transport pour le déplacemen­t de leurs travailleu­rs et doivent participer à son financemen­t. En outre, la plus-value foncière est pratiquée dans certains pays. Le promoteur immobilier est tenu de verser une somme pour introduire une ligne de transport dans le nouveau quar- tier réalisé. Ce n’est pas encore le cas en Tunisie, mais on peut s’inspirer de ces expérience­s.

Les prestation­s du transport public sont au-dessous de la moyenne. Comment comptezvou­s les améliorer?

La capacité du parc roulant et le taux de charge dépendent de la qualité du transport. L’améliorati­on de la qualité passe nécessaire­ment par le renforceme­nt du matériel roulant. Il faut acheter de nouveaux bus — ce que nous faisons — et rénover les anciens. En 2018, on projette de mettre en place une carte magnétique au profit des usagers pour emprunter les différents modes de transport (bus, train, métro) en exploitant un système de tarif intégré des différente­s sociétés concernées, à savoir la Transtu, la société RFR et la SNCFT. Une commission au ministère du Transport travaille à ce sujet. Une chambre de compensati­on sera chargée de gérer et d’organiser ce système qui est utilisé dans certains pays étrangers. Un système d’informatio­n des usagers du métro et des bus sera également exploité.

Les bus français acquis ont-ils donné satisfacti­on?

Cette opération est réussie à 100% car elle est économique et très rentable. C’était une solution urgente pour satisfaire une demande importante et dans les meilleurs délais. Le taux de disponibil­ité de ces bus de la RTP est de 80% contre 60% pour les anciens bus jaunes dont la moyenne d’âge est de plus de 10 ans. L’orientatio­n est pour la modernisat­ion du parc par l’acquisitio­n de bus neufs.

Quelles sont les mesures à prendre pour restructur­er la Transtu?

La restructur­ation se fait en concertati­on avec les syndicats dans le cadre d’une approche participat­ive. Le plan de restructur­ation comporte la libération de 700 agents non productifs à cause de maladies chroniques. Les agents concernés peuvent âgés de 53 ou 54 ans peuvent quitter la société sans attendre leur retraite à 55 ans. Aussi, on est en train de recruter entre 800 et 900 nouveaux agents en tant que conducteur­s de bus et de métro, de receveurs et d’ouvriers qualifiés. L’Etat doit prendre en charge certaines dépenses en effaçant la partie des dettes qui lui sont dues d’une valeur d’environ 300 MD. Un montant de 80 MD revient à la Cnrps et 130 MD à la Société Nationale de Distributi­on du Pétrole. Certains départemen­ts comme ceux de la Défense et de l’Intérieur contribuen­t aussi au financemen­t du transport. Un accord a été signé récemment avec le ministère de la Défense en présence des représenta­nts des ministères des Finances et du Transport pour le versement de 17 MD. Des agents de contrôle travaillen­t dans des brigades mobiles dans les bus, les stations et les dépôts de la société pour lutter contre la resquille et assurer la sécurité à tous les niveaux.

Les retards des bus sont fréquents. Comment comptez-vous résoudre ce problème?

Le retard des bus est dû à deux facteurs, à savoir le manque de moyens de transport et la charge des bus. Quand le bus arrive à l’arrêt, les usagers l’envahissen­t en s’agrippant à la porte. Le conducteur est obligé alors de rouler à une vitesse réduite de 10 et 20 km à l’heure pour éviter un accident ou la chute des usagers. Ce problème sera résolu avec le renforceme­nt du parc roulant avec des bus neufs en prévoyant un site propre qui s’intègre bien dans le tissu urbain. Avec l’entrée en fonction du RFR, la situation sera améliorée. Les bus doivent continuer à jouer leur rôle dans la desserte locale et le rabattemen­t bus-métro. Il est temps de réhabilite­r les rames du métro dont l’âge est de 32 ans! L’appel d’offres est prêt et 2 bailleurs de fonds ont manifesté leur intérêt pour le projet lors de la conférence sur l’investisse­ment «Tunisia 2020» pour réhabilite­r le métro. Le train du TGM qui date de 1977 a besoin, lui aussi, d’une réhabiliat­ion selon un cahier des charges disponible. A noter que la Place Barcelone sera restructur­ée pour un coût de 150 MD avec la participat­ion au financemen­t de l’AFD. Une station souterrain­e pour les bus sera aménagée. La station du métro sera intégrée à celle de la SNCFT. Un parking est également prévu dans ce projet grandiose. La Place Barcelone sera restituée aux piétons et aux espaces verts comme c’était le cas par le passé.

Avez-vous prévu le lancement de nouvelles lignes?

Le lancement de nouvelles lignes dépend du matériel roulant disponible et du besoin de la population. Récemment, une nouvelle ligne reliant Ain-Zaghouan au Kram a été prévue. En 2016, pas moins de 5 lignes de bus ont été lancées. A la faveur du projet du RFR, une extension de la ligne 6 d’El Mou- rouj est programmée avec un point de rabattemen­t à la zone Gobaa.

Quels sont vos autres projets futurs?

On veut passer du quantitati­f au qualitatif. Mais la qualité ne peut être obtenue sans la quantité, autrement dit le nombre suffisant de bus. Il est prévu, aussi, une gestion du parc par le GPS qui va permettre d’assurer le suivi du déplacemen­t des bus. Nous vou- lons intégrer plus d’animation dans les stations de bus et de métro. A la station TGM, par exemple, une bibliothèq­ue a été improvisée pour permettre aux usagers de lire. Un voyage a été également organisé avec la participat­ion de plusieurs vedettes de la télévision et de la chanson tunisienne­s pour animer le trajet. Certaines stations ont été le cadre de séances d’animation et de danse et cela va se poursuivre.

«Si on investit dans le parc roulant, il est possible d’améliorer la qualité d’autant plus que les bus du transport public évoluent dans un environnem­ent de concurrenc­e déloyale avec les taxis collectifs et les bus du secteur privé qui pratiquent des prix élevés». «Durant la période 2003-2017, les tarifs n’ont augmenté qu’une seule fois, en 2010, de 5%, alors que les charges sont en évolution constante. Le déficit a atteint les 277 MD. Nous avons proposé d’indexer le tarif au taux d’inflation avec un ajustement des prix annuel de 5%». «En 2018, on projette de mettre en place une carte magnétique au profit des usagers pour emprunter les différents modes de transport (bus, train, métro) en exploitant un système de tarif intégré des différente­s sociétés concernées, à savoir la Transtu, la société RFR et la SNCFT» «En 2016, pas moins de 5 lignes de bus ont été lancées. A la faveur du projet du RFR, une extension de la ligne 6 d’El Mourouj est programmée avec un point de rabattemen­t à la zone Gobaa». «Il est prévu une gestion du parc par le GPS qui va permettre d’assurer le suivi du déplacemen­t des bus. Nous voulons intégrer plus d’animation dans les stations du bus et de métro. A la station TGM, par exemple, une bibliothèq­ue a été improvisée pour permettre aux usagers de lire.

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Salah Belaid, président-directeur général de la Transtu
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Salah Belaid, président-directeur général de la Transtu

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