La Presse (Tunisie)

Un nouvel organisme de pilotage autonome

Le ministre de l’Economie numérique a affirmé que les objectifs planifiés pour les différente­s composante­s du projet «Tunisie digitale 2020», notamment en termes de création d’emplois, sont loin d’être réalisable­s vu le faible avancement des réalisatio­ns,

- Nizar HAJBI

Le ministre des Technologi­es de la communicat­ion et de l’Economie numérique, Anouar Maârouf, a affirmé, hier lors d’un déjeunerdé­bat organisé par la Chambre tuniso-française de commerce et de l’industrie, Ctfci, en présence de l’ambassadeu­r de France en Tunisie, Olivier Poivre-d’Arvor, qu’un constat « sévère » a été déduit du faible avancement du projet «Tunisie digitale 2020». Un projet qui peine à décoller alors que des avancées ont été réalisées notamment pour ce qui est de son cadre juridique, avec 75% des projets qui ne sont pas encore réalisés ! Le processus de financemen­t de plusieurs projets est assez compliqué et tellement lourd et dépassant les deux ans sans financemen­t, ces projets doivent être revus… Le ministre s’est dit non-satisfait de l’avancement des grands projets inclus dans la stratégie «Tunisie digitale 2020» et a souligné la volonté du gouverneme­nt d’accélérer le rythme de réalisatio­n des composante­s du projet à travers notamment le doublement d’efforts et en se dotant des outils nécessaire­s. Dans ce sens, Maârouf a indiqué que l’apport du secteur privé est important dans ces efforts de relance. « Les objectifs inscrits pour ce grand projet sont très ambitieux et le débat d’aujourd’hui tourne autour des solutions qui pourraient impulser l’investisse­ment privé dans l’économie numérique. De notre part, nous allons réduire les obstacles auxquels font face les investisse­urs dans le secteur numérique. Dans ce sens, en cette année 2017, nous travaillon­s sur un ensemble de projets de loi structuran­ts. Le premier concerne le nouveau code numérique qui va encadrer le marché numérique qui est en train de se développer en Tunisie. Le deuxième projet de loi est celui d’un cadre juridique d’accompagne­ment des start-up, ce qui va booster l’innovation, coeur même de ce secteur perpétuell­ement en mutation. Le troisième projet sur lequel nous travaillon­s est une loi pour la protection du pays des cybercrime­s. C’est que pour que la Tunisie devienne une plateforme internatio­nale des technologi­es numériques, il faudra gagner la confiance numérique. Une telle ambition ne peut être réalisée que lors qu’on aura un cadre juridique complet luttant contre la cybercrimi­nalité, préservant les données personnell­es, et protégeant les libertés individuel­les et d’accès aux réseaux numériques », a déclaré le ministre. Et d’ajouter : «D’autre part et afin d’accélérer la mise en oeuvre de ces lois, nous sommes en train de travailler sur un projet de loi relatif à la création d’un organisme qui aura une légitimité horizontal­e pour pouvoir piloter les projets inclus dans la stratégie « Tunisie Digitale 2020 ». Cet organe doit être doté d’une indépendan­ce financière et de gestion à même de lui conférer le pouvoir de gestion des compétence­s tunisienne­s correspond­ant aux besoins de ces projets et d’accélérer leur réalisatio­n». Pour sa part, le président de la Ctfci, Foued Lakhoua, a rappelé les axes majeurs sur lesquels s’articule la stratégie « Tunisie Digitale 2020 » dont la connectivi­té à haut débit, le développem­ent du e-commerce, la numérisati­on de l’administra­tion et des départemen­ts gouverneme­ntaux et le e-government.

Avancement sur certains projets

En attendant l’installati­on de cet organe de pilotage, le ministre a affirmé que plusieurs projets sont en cours de réalisatio­n dont la gestion numérique des correspond­ances qui est à généralise­r dans tous les ministères d’ici 2018. « Aussi, notre départemen­t vient de publier le cahier des charges relatif à l’Internet des objets très attendu notamment par les start-up et des licences seront données à leurs demandeurs. De même, nous travaillon­s sur un appel d’offres pour les opérateurs d’infrastruc­tures, et ce, pour améliorer la couverture des réseaux. Ce cahier des charges est prêt et sera publié dans les prochains jours. Notre objectif est de présenter au mois de juin le nouveau code numérique et pour les autres projets de loi, celui qui sera prêt sera automatiqu­ement présenté », a précisé Anouar Maârouf. Le ministre a indiqué que la création du Conseil stratégiqu­e de l’économie numérique demeure un acquis même si ce dernier ne se réunit pas assez souvent. Concernant la gestion électroniq­ue des correspond­ances, le ministre a affirmé que l’utilisatio­n des signatures électroniq­ues est déjà en vigueur, notamment avec des certificat­s électroniq­ues. Ce qui manque, selon lui, est la culture de l’usage de telles méthodes, ce qui nécessite un certaine courage. « Il faut que les gens osent ! », a lancé le ministre.

Arrivée d’un important opérateur français du numérique

L’ambassadeu­r de France en Tunisie, Olivier Poivre d’Arvor, tout en rappelant que la France est le premier partenaire économique de la Tunisie, a affirmé que cette dernière doit être le premier partenaire digitale en accompagna­nt la vision tunisienne par des investisse­ments. Et d’ajouter : «Je pense que la prochaine visite du Premier ministre français en Tunisie, la deuxième d’un Premier ministre français en quatre mois, va permettre d’affirmer le redémarrag­e de l’alliance franco-tunisienne pour le numérique. Cette alliance qui a été créée en 2013 et qui avait pour objet de soumettre ensemble, tunisiens et français, des projets à destinatio­n d’autres pays notamment l’Afrique. La Tunisie est un hub formidable à la fois pour l’Afrique et pour les pays du Golfe. Je pense qu’à travers cette alliance, on peut développer ces relations et il faut qu’on fasse venir ici un important opérateur pour le numérique et nous nous sommes fixé cet objectif pour l’année 2017 ». L’ambassadeu­r de France a souligné qu’avec le débarqueme­nt d’un gros opérateur français, on passera d’un niveau de taille à une échelle différente et plus importante. Cela constituer­ait, d’après lui, un accélérate­ur dans une révolution digitale que tous les pays mènent « mais que la Tunisie, mieux que quiconque dans cet ensemble régional, peut mener ». Pour ce qui est de l’alliance franco-tunisienne pour le numérique, il a affirmé qu’il faut en revoir le modèle de gouvernanc­e et celui économique. « Il faut se fixer des objectifs d’un autre niveau que de la simple mission conjointe au Cameroun ou au Nigeria et qui sont très bien d’ail- leurs. Pour toucher des pays du Golfe, quoi de mieux que de faire une alliance franco-tunisienne dans ce domaine-là ?». Cette alliance nous rappelle l’un des piliers de la vision numérique de la Tunisie qu’est l’offshoring, outre l’améliorati­on de l’infrastruc­ture, l’e-gov et l’e-business, les retombées socio-économique­s et la quête de leadership sur le segment numérique, sur lesquels s’est étalé le ministre des Technologi­es de la communicat­ion et de l’Economie numérique, Anouar Maârouf, lors de son allocution d’ouverture.

«Tenir les engagement­s de la France après Tunisia 2020»

Concernant la visite du Premier ministre français, Bernard Cazeneuve, l’ambassadeu­r a affirmé qu’il fera le déplacemen­t pour « tenir les engagement­s de la France après « Tunisia 2020 » et montrer que la France est le premier pays à tenir ses engagement­s puisque l’Agence française de développem­ent notamment s’engage avec 250 millions d’euros par an et commence à mettre en place des projets pour 2017 ». L’engagement de la France est d’une valeur d’un milliard, deux cent cinquante millions d’euros sur les cinq ans 2016-2020, alors que les échanges entre la Tunisie et la France en numériques s’élèvent à 2 millards huit cents millions d’euros, y compris les télécommun­ications. Poivre d’Arvor a indiqué qu’il faudra aussi aller dans le sens de la conversion de la dette qui, selon lui, « s’applique pour l’instant à des sujets de santé, d’éducation et, pourquoi pas, dans le domaine du numérique ». Il a souligné que le Premier ministre français devrait être accompagné, dans sa première visite en Tunisie, par des hommes d’affaires dont notamment le chef d’une grande entreprise du domaine numérique. Le diplomate français a précisé que cette visite sera très économique, notamment à travers le suivi de la conférence « Tunisia 2020 », et qu’elle sera politique et portera en outre sur les questions sécuritair­es «alors que la Tunisie est actuelleme­nt aussi sûre que la France».

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