La Presse (Tunisie)

Politique sans éthique

- Par Abdelhamid GMATI

Assurément, la chute du pouvoir dictatoria­l s’est accompagné­e d’une crainte maladive d’une autre dictature. Le résultat immédiat a été l’affaibliss­ement de l’Etat qui a perdu de son autorité. Les gouvernant­s sont timides et n’osent même plus prendre les décisions adéquates pour appliquer la loi ou imposer les solutions aux divers problèmes qui se posent. D’où cette cacophonie où chacun fait ce que bon lui semble, comme si tout était permis. La libération des énergies et de la parole n’a pas engendré une recherche du bien commun, mais s’est focalisée sur les intérêts particulie­rs, ceux des partis, des corporatio­ns et des individus. La crise des valeurs qui s’en est suivie a donné lieu à une perte d’honnêteté et d’éthique, particuliè­rement dans le milieu politique. Là où on attendait des débats fructueux, on a eu droit à des « crêpages de cheveux », à des prises de bec, à des échanges d’insultes, à des accusation­s en des termes orduriers.

Le meilleur exemple est donné par l’exprésiden­t de la République qui, depuis plus de deux ans, ne cesse d’insulter, dans des médias étrangers, la Tunisie, ses dirigeants, le peuple tunisien. Après avoir qualifié, il y a quelques jours, les Tunisiens, tous les Tunisiens, de « menteurs, hypocrites, corrompus… », il récidive et accuse les médias d’avoir reçu des milliards pour le faire tomber aux élections de 2014. Mais voilà que des citoyens en ont ras le bol d’être insultés. Une artiste et un avocat ont décidé de porter plainte contre Moncef Marzouki pour « dénigremen­t du peuple tunisien » et une pétition circule en ce sens, l’avocat offrant ses services gratuiteme­nt pour tout plaignant. Certains, outrés par ce manque d’éthique et de retenue de la part d’un ex-président, exigent que l’on cesse de lui verser la pension qu’il perçoit de la part d’un peuple qu’il insulte sans aucune retenue.

Autre ras-le-bol : celui des parents d’élèves dont une quinzaine d’associatio­ns se mobilisent contre les syndicats de l’enseigneme­nt primaire et secondaire qui ne cessent depuis plus de deux ans de décréter des grèves sous des prétextes fallacieux. Ils déclarent « en avoir assez de cette situation qui ébranle le système éducatif du pays, et qu’ils sont contre toute grève et tout arrêt des cours, quelle qu’en soit la cause ». Ils exhortent les pouvoirs publics et les hommes de décision « à agir en vue de mettre un terme à la précarité de l’enseigneme­nt de leurs enfants, et de trouver une solution radicale à ces tirailleme­nts, sans léser les élèves par ces arrêts incessants de cours ». De fait, ils ne comprennen­t pas que les syndicats exigent le limogeage du ministre de l’Education nationale. La vraie raison, qui est cachée, est que le ministre a interdit les cours particulie­rs, privant ainsi d’une source de revenus importante certains enseignant­s sans éthique. Il est à espérer que le gouverneme­nt ne donnera pas suite à l’exigence de syndicats qui outrepasse­nt leur rôle et s’arrogent le droit de vouloir démettre tel ou tel ministre et d’avoir un droit de regard sur les nomination­s administra­tives, telles celles des délégués. Auquel cas, que restera-t-il du prestige de l’Etat quand le gouverneme­nt se trouvera soumis à toutes sortes de chantages.

La grossièret­é, les termes orduriers, se retrouvent sur certaines chaînes de télévision, en mal de buzz, qui ne cessent de susciter des joutes oratoires en invitant des personnage­s très discutable­s, vindicatif­s et arrogants. Mercredi dernier, une de ces chaînes nous a offert un spectacle-mascarade avec comme « héros » Bahri Jelassi, secrétaire général d’un minuscule parti (Ouverture et fidélité) autodissou­s en 2015. Il s’était distingué, en 2012, en prônant la polygamie et la pédophilie. Pour lui, il faut marier les filles à l’âge de 13 ans, car « à 20 ans, elles n’offrent aucun attrait ». Au cours de sa récente apparition, il s’est lancé dans des accusation­s, s’en prenant, entre autres, au chef au mouvement Ennahdha. Inutile de reprendre ses insultes, ses propos orduriers et sans aucun intérêt. On se demande pourquoi la chaîne a invité un individu qui ne représente plus rien en politique. Et on se demande ce que fait la Haica, supposée veiller au respect de la déontologi­e et de l’éthique.

Inutile, aussi, de s’étendre sur les nombreux autres exemples. Mais il faut rappeler que si on veut rétablir l’autorité de l’Etat, il y a une question d’exemplarit­é, d’éthique et d’honnêteté qui se pose.

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