La Presse (Tunisie)

40% du littoral est menacé d’érosion

Il faut préconiser une gestion intégrée du littoral impliquant de nombreux acteurs pour un développem­ent durable

- Risques économique­s M.S.K.

Les zones côtières tunisienne­s sont touchées par l’intrusion marine et l’élévation du niveau de la mer. Très fragiles, elles sont vulnérable­s et fortement exposées aux effets des changement­s climatique­s,. La Tunisie possèderai­t 1.148 km de côtes dont nombre d’entre elles sont touchées par l’érosion marine. A ce sujet, l’alerte a été donnée par Mme Kaouther Tlich, directeur-général de l’Apal, lors d’une conférence qui a été organisée à la Cité des sciences. Elle avertit d’emblée : «300 km de la zone côtière sont menacées d’érosion, ce qui est un phénomène inquiétant, en train de s’aggraver et de s’accélérer».

Causes naturelles et démographi­ques

Les phénomènes naturels sont une cause majeure de l’érosion marine. «Il n’y a pas d’apports sédimentai­res pour solidifier et consolider nos côtes !» martèle Mme Tlich, ajoutant, par ailleurs, que c’est la plage qui définit généraleme­nt le niveau d’érosion des côtes par la régulation permanente du flux d’apports de sédiments venant des cours d’eau que les tempêtes et d’autres phénomènes naturels transforme­nt en pertes sédimentai­res. Ainsi, si le niveau de pertes est plus élevé, on parle d’érosion. Il ne s’agirait pas de la seule cause: la surfréquen­tation humaine des plages serait responsabl­e également de l’érosion marine. «13% des plages sont touchées par l’ érosion», déplore la directrice générale de l’Apal. Un des participan­ts à la conférence confirme le désastre écologique : «Quand je regarde la mer de la corniche de Bizerte, je constate qu’il n’y a plus de plage ! Les vagues viennent s’écraser sur la chaussée !» Donc, les causes de l’érosion des côtes sont naturelles mais aussi humaines. Le phénomène de «littoralis­ation» est internatio­nal, la Tunisie n’y déroge pas. Les chiffres clés révèlent que 70,1% de la population tunisienne vit sur le littoral ce qui représente plus de sept millions et demi d’habitants. 62.337 unités industriel­les, soit 87% du pôle industriel national, et 24.077 d’unités touristiqu­es, soit 76% du parc hôtelier, occupent le littoral. L’urbanisati­on, les constructi­ons de ports et barrages et l’industrial­isation sont les principale­s «causes anthropiqu­es». L’Apal dresse, en outre, un bilan alarmant des pressions sur les zones côtières tunisienne­s engendrées par la forte littoralis­ation, la concentrat­ion des activités économique­s, la détériorat­ion, la fragilisat­ion et l’épuisement des ressources marines et côtières. Selon l’Apal, ces pressions résultent de la croissance démographi­que et du développem­ent économique (agricultur­e, tourisme, transport, plaisance…). En outre, cet écosystème est sujet à des pressions naturelles résultant des systèmes d’échanges à grande échelle entre l’atmosphère, l’eau et les sols, y compris le changement climatique et l’élévation du niveau de la mer.

Les côtes touchées et menacées sapent l’économie nationale. Le coût annuel engendré par l’élévation du niveau de la mer est évalué à 0,13% du PIB. Certains secteurs sont affectés indirectem­ent par l’érosion marine et les changement­s climatique­s. Ainsi, l’agricultur­e, le tourisme balnéaire, de plaisance ont des terrains potentiell­ement submersibl­es de 58.387 hectares situés dans l’arrière-pays. «Les plus menacées sont celles de Kerkennah et de Gabès. L’optimisme demeure avec la mise en place, depuis 2008, d’une politique stratégiqu­e de gestion intégrée du littoral mais qui n’a pas été appliquée.

Concrétise­r les projets de développem­ent durable

La protection environnem­entale du littoral concerne à la fois le rivage de la mer, les plages ou les dunes de sable que la zone limitrophe : forêts littorales, caps marins d’où l’enjeu des projets de développem­ent durable. Des études portant sur 90 km de côtes ont été entamées. Un budget de réhabilita­tion de l’ordre de 16 millions de dinars a été prévu pour la valorisati­on de la baie de Monastir mais aussi des côtes des îles Kerkennah. Par ailleurs, des travaux d’aménagemen­t de la sebkha de Ben Ghadhaya à Mahdia, d’un coût de 54 millions de dinars, entamés en 2007, viennent d’être achevés. «L’observatio­n des écosystème­s marins est réalisée avec la coopératio­n de l’Allemagne, de Monaco et du Qatar qui ont exposé plusieurs projets dans le cadre du COP 22 pour faire face aux risques liés aux changement­s climatique­s» , a souligné la directrice de l’Agence.

Revoir le cadre d’octroi des concession­s

Mme Tlich a évoqué, à ce propos, la nécessité d’améliorer et de revoir les modalités d’occupation­s temporaire­s et des concession­s pour préserver et protéger le littoral. Une loi révisée en 2005 permet aux investisse­urs de monter des projets en obtenant des concession­s par le biais de l’Etat. L’Apal, chargée de la protection des domaines publics marins (DPM), gère ces concession­s au nom de l’Etat. Présentant des images et des schémas du golfe de Gammarth, la directrice de l’agence a dressé le constat négatif du nombre de concession­s qui se trouvent sur le domaine public marin rappelant qu’«à Gammarth ou Nabeul, chaque année, de en plus en plus de constructi­ons voient le jour. Notre littoral est menacé !» Mme Tlich stigmatise le manque de moyens dont elle dispose pour faire face à la sauvegarde marine de façon efficace. Dans un contexte marqué par de grandes difficulté­s économique­s, l’Agence de protection et d’aménagemen­t du littoral, principal acteur public, en appelle à une meilleure coopératio­n de tous les partenaire­s sociaux et institutio­nnels. Les moyens limités pour la supervisio­n du littoral avec 70 agents irritent un intervenan­t qui rétorque que l’Apal doit jouer un rôle plus important! «Le contrôle reste la mission de l’Apal et actuelleme­nt elle subit les effets des choix stratégiqu­es des années 1950-70 ». La directrice a conclu en affirmant que 15 à 19% des décisions seulement sont exécutées d’où la nécessité d’impliquer davantage les gouvernora­ts et les communes à travers leurs rôles et leurs actions. Au fait «où commence le littoral et où se termine-t-il ? Tout un chantier !» .

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Programme de lutte contre l’érosion mis en oeuvre par l’Apal
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Plusieurs facteurs sont responsabl­es de la dégradatio­n du littoral marin

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