«L’initiative sur la résolution de la crise libyenne est mon initiative personnelle»
Il ne peut y avoir de solution en Libye sans que la Tunisie, l’Algérie et l’Egypte n’y soient entièrement impliquées Je n’ai chargé Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, d’aucune mission diplomatique
«Il n’est pas donné à n’importe qui de prétendre devenir président de la République. Il faut disposer d’une certaine dimension et rares sont ceux qui ont cette dimension en Tunisie», «Ceux qui ont retiré leur soutien au gouvernement d’union nationale parmi les signataires du Pacte de Carthage peuvent revenir au cas où ils changeraient de position, mais nous ne leur demanderons pas de le faire», «Je n’ai rien à dire à Slim Riahi qui exige une élection présidentielle anticipée sauf qu’il existe des engagements constitutionnels à respecter», «Je suis profondément convaincu que la solution de la crise libyenne ne peut être que libyco-libyenne et qu’aucune solution ne peut aboutir qu’à condition que la Tunsie, l’Egypte et l’Algérie s’y impliquent totalement » , « Je m’adresse aux citoyens de Kerkennah, les enfants de Hached, pour leur dire que la résolution de la crise de Petrofac est entre leurs mains, le gouvernement ne peut qu’avaliser ce qu’ils décideront». Ce sont les grands axes développés, hier soir, par le président Béji Caïd Essebsi dans l’interview qu’il a accordée à la chaîne TV Nessma en partenariat avec plusieurs radios régionales. Et comme à son habitude, le chef de l’Etat a répondu à toutes les questions qui lui ont été posées. Avec son franc-parler coutumier, il a même devancé ses intervieweurs pour poser les problématiques de l’heure et dire franchement ce que la Tunisie et les Tunisiens peuvent faire pour résoudre les crises et leur apporter les solutions possibles. Pour commencer, le président Caïd Essbesi considère qu’il est trop tôt «de dresser le bilan du gouvernement Youssef Chahed, six mois après sa formation. Ce qui ne m’empêche pas de mettre l’accent sur certaines réussites réalisées jusqu’ici comme le retour à la production normale du phosphate. A Gafsa, je me suis adressé directement aux ouvriers de la Compagnie et je leur ai dit que leurs revendications sont légitimes et que le gouvernement est tenu de les écouter. Toutefois, il faut qu’ils produisent et qu’ils maintiennent et renforcent le niveau actuel de production qui a atteint 510 mille tonnes en janvier». «Deuxième réussite : le retour des touristes dans notre pays. Ils ont été 5 millions 700 mille à visiter notre pays en 2016 et ont rapporté au pays 2 mille trois cents millions de dinars. Reste le problème Petrofac à Kerkennah qui assure 12% de nos besoins en gaz. Et ce sont les habitants de l’île, les enfants de Hached, qui ont la responsabilité de trouver la solution au profit de Kerkennah et de la Tunisie», ajoute le chef de l’Etat.
Il reste l’essentiel !
Que reste-t-il du gouvernement d’union nationale après que Slim Riahi a décidé de retirer sa confiance à Youssef Chahed et que Mohsen Marzouk a positionné son parti dans l’opposition ? A cette question, la réponse de Béji Caïd Essebsi est claire : «Il reste l’essentiel. Quant à l’élection présidentielles anticipées demandée par Slim Riahi, ma réponse est la suivante : il n’est pas facile d’appeler à une telle élection tout simplement parce qu’il existe des engagements constitutionnels qu’il faut respecter à tout prix. Cependant, tout citoyen est libre de pratiquer la politique comme il l’entend. Seulement, il n’y a pas beaucoup de politiciens parmi la classe politique actuelle qui ont une dimension présidentiable ou ce qu’on appelle dans notre parler «El kmach». A la question sur «le bras de» fer opposant l’Ugtt au gouvernement, le président de la République relève que «l’Ugtt est l’une des composantes fondamentales du gouvernement d’union nationale. Sauf que la signature par l’Ugtt du Pacte de Carthage ne signifie pas que toutes ses revendications vont être satisfaites automatiquement. Pour moi, il n’existe pas de bras de fer Ugtt-gouvernement. Il existe plutôt des engagements que les signataires du Pacte de Carthage doivent respecter. Quand vous me posez la question sur ce que l’Ugtt va faire après le départ de Hassine Abassi, je vous réponds que Noureddine Taboubi, le nouveau secrétaire générale, est un homme loyal et un patriote». Et comme il fallait s’y attendre, les intervieweurs de Béji Caïd Essebsi ont évoqué la grande polémique sur la diplomatie parallèle et les missions «diplomatiques populaires » que Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha, mène ces dernières semaines sur un rythme de plus en plus soutenu. Le chef de l’Etat est aussi tranchant que clair : «Je n’ai chargé Rached Ghannouchi d’aucune mission diplomatique auprès de quiconque et l’initiative sur la résolution de la crise libyenne est bien mon initiative personnelle. Je considère que s’il y a une solution à ce qui se passe en Libye, elle ne peut être que libyco-libyenne et elle n’a aucune chance d’aboutir si la Tunisie, l’Algérie et l’Egypte n’y contribuent pas concrètement. Quand j’ai vu que certaines puissances cherchent à y imposer leurs solutions qui ne peuvent que nuire aux intérêts de la Tunisie, j’ai décidé d’accélérer mon initiative. Il ne peut y avoir de solution sans l’Egypte, l’Algérie et la Libye». Le chef de l’Etat conclut : «La solution doit être libyenne sans aucune intervention étrangère, surtout militaire. Tous les protagonistes libyens se doivent de se rencontrer. La Tunisie est ouverte à tout le monde, y compris Khalifa Hafter, qui sera parmi nous prochainement».
A. DERMECH