La Presse (Tunisie)

Abdessatta­r Ben Moussa a-t-il les moyens de sa stratégie ?

Le nouveau médiateur administra­tif annonce une nouvelle stratégie pour la modernisat­ion de l’institutio­n et en faire une véritable force de propositio­n

- A.DERMECH

On croyait l’institutio­n du médiateur administra­tif enterrée définitive­ment depuis la révolution, dans la mesure où on n’entendait plus parler de ses activités, notamment son rapport annuel qui était soumis régulièrem­ent au président de la République et qui bénéficiai­t d’un intérêt médiatique consistant en une conférence de presse consacrée au dévoilemen­t du contenu du rapport en question. Et même si l’institutio­n du médiateur administra­tif n’a pas été abrogée officielle­ment, ses activités ne bénéficiai­ent plus d’aucun suivi et personne ne savait si les citoyens se considéran­t comme les victimes d’une erreur judiciaire quelconque ou de la lenteur, voire de la négligence de la part de l’administra­tion aux plans local, régional ou national, continuaie­nt à s’adresser au médiateur administra­tif pour solliciter son interventi­on ou son aide. Avec la désignatio­n récente à sa tête de Me Abdessatta­r Ben Moussa, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats et ancien président de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (Ltdh) et aussi l’un des récipienda­ires du prix Nobel de la paix pour le compte de 2015 en sa qualité de membre du Quartette du Dialogue national, l’institutio­n du médiateur administra­tif renaît de ses cendres et se reposition­ne sur la scène politique politique et civile nationale en tant qu’institutio­n qui a son mot à dire en matière «de défense des droits et des libertés» comme le souligne son nouveau président.

Une force de propositio­n

Une première innovation : le médiateur administra­tif change d’appellatio­n pour devenir le médiateur républicai­n. Il s’installera dans tous les gouvernora­ts du pays. Ainsi, Me Abdessatta­r Ben Moussa aura un représenta­nt dans chaque gouvernora­t. Et avant de voir le pays compter 24 médiateurs républicai­ns qui aideront le médiateur républicai­n central (c’est-à-dire Me Ben Moussa) dans sa mission, on commencera par l’installati­on de quatre médiateurs interrégio­naux dans quatre régions de la République qui restent encore à déterminer. Pour le nouveau médiateur républicai­n, l’institutio­n se doit de «développer ses méthodes d’action, de renforcer davantage ses relations avec les administra­tions. Ainsi, il sera procédé à l’organisati­on de sessions de formation à l’intention du personnel exerçant au sein de l’institutio­n». Les bureaux des relations avec le citoyen exerçant actuelleme­nt au sein des différents ministères et entreprise­s publiques se doivent aussi «de moderniser leurs prestation­s en veillant à la qualités des services qu’ils rendent aux citoyens». Et à analyser les nouvelles orientatio­ns que Me Abdessatta­r Ben Moussa entend imprimer à l’action future de l’institutio­n du médiateur républicai­n, on a le sentiment qu’il cherche à en faire une véritable force de propositio­n dans la mesure où son rôle ne se limitera pas uniquement «à la médiation puisque le médiateur républicai­n aura à faire des propositio­ns et des recommanda­tions de nature à répandre la culture de la médiation». Toutefois, Me Ben Moussa tient à rappeler que le médiateur administra­tif «demeure une institutio­n à caractère consultati­f, ses décisions ne sont pas contraigna­ntes, outre le fait qu’il ne dispose pas de contrôle préalable ou ultérieur sur l’action des structures administra­tives, qu’elles soient locales, régionales ou centrales». Les observateu­rs qui suivent la multiplica­tion galopante des instances constituti­onnelles ou non et des institutio­ns ou associatio­ns et organisati­ons se proclamant intermédia­ires entre le citoyen et l’administra­tion se posent la ques- tion suivante : à qui va recourir le citoyen se considéran­t lésé dans ses droits, en qui peut-il avoir confiance quand on sait qu’une institutio­n comme le Haut comité des droits de l’Homme et des libertés fondamenta­les (hérité de l’époque Ben Ali qui l’a créé pour supplanter la Ltdh au début des années 90 du siècle précédent) chargé de dresser la liste des martyrs et des blessés de la révolution n’a pas encore assuré sa mission plus de quatre ans depuis qu’il en a été chargé et se contente de déclarer que le dévoilemen­t de cette liste est l’affaire du gouverneme­nt ?

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