Un changement de logo, pour quoi faire ?
A l’image de Manchester City en début de saison, la Juventus Turin a, elle aussi, décidé de changer de logo (qui sera officiel dès la saison prochaine). Mais les retours sur la Toile ne sont pas ceux escomptés. Que va occasionner un tel changement ?
Depuis que le nouveau logo de la Juventus Turin a été dévoilé le 16 janvier dernier, il n’a cessé d’être au coeur de contestations, polémiques mais aussi moqueries et détournements sur les réseaux sociaux. Changer d’écusson, c’est tuer l’authenticité de la marque et, en voulant créer une nouvelle identité, les plus nostalgiques crieront forcément au scandale. Pourtant, l’idée d’un logo avant-gardiste, minimaliste n’est pas une mauvaise chose même si la réalisation, en soi, peut être discutable. La Juventus Turin a toujours été dépendante de ses droits TV et a su faire évoluer son modèle économique avec un nouveau stade qui aide à rajeunir son image. «Cela sert à apporter un coup de fouet à la marque. C’est pour donner un côté urbain moderne qui n’existait pas autrefois. C’est avant tout commercial. Quand on change de logo, on revoit la marque et on essaie de diversifier sa conception pour instaurer un nouveau cycle et raconter une nouvelle histoire, de façon à attirer un autre type de fan base», explique Lionel Maltese, maître de conférence et consultant en marketing sportif. La difficulté, cette fois-ci, est d’attirer une population qui n’a, jusqu’à présent, jamais été au coeur des préoccupations mercatiques.
Les «millennials», nouvelle cible marketing
Depuis peu, tous les clubs de football sont à la recherche de nouvelles stratégies pour attirer les «millennials», c’est-à-dire les jeunes nés à partir des années 2000. Avec ce logo assez digitalisable, le club pourra attirer les fans d’une génération nouvelle, plus facilement attirée par le mobile et le Web que par la télévision. De plus, sur la scène locale, les Bianconeri sont sur un piédestal et ils ont besoin d’un symbole pour pouvoir attirer davantage de fans à l’international. «La Juve n’a plus de «marquee player» (un joueur-égérie, Ndlr) depuis Roberto Baggio ou Alessandro Del Piero, et Pavel Nedved était un Ballon d’Or trop discret. Les jeunes d’aujourd’hui ne peuvent pas s’identifier à Buffon, âgé de 39 ans, même si c’est une icône. Et en plus c’est un gardien. Les jeunes vont plus facilement s’identifier à un joueur de 25 ans. De plus, les dirigeants ont commis une grave erreur marketing en enrôlant Gonzalo Higuain pour une somme record, véritable icône à Naples, pour qu’il devienne seulement un bon joueur à la Juve», affirme Lionel Maltese. Pour y remédier, le club souhaite créer un partenariat avec des clubs, étrangers ou non, de D1 ou D2, pour y envoyer ses jeunes afin qu’ils s’y aguerrissent. «Le maillot est lié à une épopée. Si les résultats suivent sur la scène européenne, le club gagnera forcément en visibilité internationale, notamment en Chine ou dans les pays émergeants», ajoute-t-il. Si cet écusson amène un véritable besoin de renouvellement sur le plan sportif, il va également en entraîner au niveau marketing.
Quelles répercussions pour les partenariats ?
Si les conséquences d’un changement de logo semblent indéniables, elles ne sont pas forcément là où on les attend. «Il ne faut pas oublier que cela a d’abord un coût. Tout le merchandising est à refaire. Cela passe par enlever le logo sur les sièges du stade, dans les vestiaires, au siège du club, le modifier sur les lettres, enveloppes... Il faut éditer la nouvelle identité graphique du club. Il faut tout reproduire. Ça coûte énormément d’argent au-delà du logo en lui-même», note Kévin Geoffroy, spécialiste en marketing sportif. Pour tous les vrais passionnés du club, il faudra donc racheter tous les produits dérivés pour être à la page. Si la sortie du logo a fait jaser, c’est, aussi, parce que de nos jours, les nouvelles technologies d’information et de communication se sont démultipliées. Mais la démarche ne paraît pas avoir d’impact sur la recherche de nouveaux partenariats ou ceux qui existent déjà, comme le confirme Kévin Geoffroy. «Le logo n’est pas significatif, c’est juste pour le design du maillot. Lorsqu’il y a des coups de communication, les partenaires utilisent l’image du club en général, voire des joueurs et le logo devient secondaire ou tertiaire. Ce logo est tellement novateur qu’il crée une bulle spéculative. Une fois que le premier maillot sera sorti, il sera oublié». Si le logo de la Juventus a autant été au coeur d’une controverse, c’est parce qu’il casse les codes actuels. Il risque même de faire des émules, dans les prochaines années, avec cet aspect avant-gardiste. Un comble pour une Vieille Dame de 119 ans.