Les symptômes atypiques de l’infarctus
Selon une étude anglaise, 16% des victimes avaient été hospitalisées dans le mois précédent pour des symptômes atypiques.
En Angleterre, une victime d’un infarctus du myocarde mortel sur six a été hospitalisée dans le mois qui précède sans que le diagnostic d’infarctus ne soit évoqué par les médecins. L’accident fatal aurait-il pu être évité? C’est toute la question soulevée par l’étude menée par le Pr Perviz Asaria et ses collègues de l’Imperial College de Londres, conjointement avec des chercheurs de Harvard (Etats-Unis). Les résultats ont été publiés dans la revue internationale The Lancet Public Health. Les chercheurs ont étudié le dossier médical des 135.950 personnes âgées d’au moins 35 ans décédées d’un infarctus du myocarde en Angleterre entre 2006 et 2010. Ils se sont aperçus que la moitié avait déjà été hospitalisée dans les quatre semaines précédant l’accident fatal, soit un groupe de 66.490 malades.
Opportunités manquées ou erreurs de classification
Ils ont alors écarté les deux tiers d’entre eux pour qui le diagnostic d’infarctus du myocarde avait bien été évoqué, d’emblée ou secondairement, et se sont concentrés sur les 21.677 patients chez qui on n’y avait pas pensé. Pour la plupart (59 %), les motifs d’hospitalisation n’orientaient pas particulièrement vers un problème cardiaque (pneumonie, cancer, infection, fracture du col du fémur, etc.). Mais pour 7.566 patients (35 %), le diagnostic posé lors de l’hospitalisation était celui d’un autre trouble cardiologique, notamment insuffisance cardiaque ou trouble du rythme (fibrillation auriculaire notamment). Chez 1.368 autres malades (6 %), on signalait aussi des symptômes qui auraient pu faire penser à l’infarctus du myocarde, par exemple un essoufflement ou des douleurs thoraciques atypiques. «On ne peut pas affirmer que ces symptômes n’ont pas été pris en compte, nuance le Pr Majid Ezzati (Imperial College), qui a participé à ce travail. Il faudra que des études plus détaillées soient effectuées avant de modifier le protocole de prise en charge». Impossible à ce stade de savoir s’il s’agit réellement d’opportunités manquées ou d’erreurs de classification dans la cause des décès par exemple. C’est aussi l’avis du Dr Eloi Marijon, cardiologue à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (université Paris-Descartes) : «Le fait que des symptômes soient sous-estimés ne signifie pas qu’il s’agisse d’erreur médicale, explique-t-il, néanmoins cette étude montre que le corps médical doit améliorer la stratification du risque, pour mieux détecter qui risque de mourir d’un infarctus en cas de symptômes atypiques.» Établir un pronostic est toujours plus difficile que de faire un diagnostic a posteriori, et il n’est pas question de garder à l’hôpital toutes les personnes se plaignant d’un embarras gastrique… Quant aux douleurs thoraciques typiques de l’infarctus, une étude menée en Caroline du Nord entre 1994 et 2006 avait montré qu’elles étaient absentes dans les deux tiers des infarctus ! «Les médecins sont très bons dans le traitement des crises cardiaques quand elles sont la cause première de l’admission à l’hôpital, explique le Dr Perviz Asaria, mais beaucoup moins lorsqu’elles sont une comorbidité (pathologie associée à un autre diagnostic, NDLR) ou lorsqu’il s’agit de repérer des symptômes subtils qui pourraient orienter vers l’imminence d’un infarctus du myocarde» .
Défaillance dans la détection
«Cette défaillance dans la détection des signes d’alarme est préoccupante, explique le Pr Jeremy Pearson, directeur médical associé de la British Heart Foundation. Ces résultats devraient inciter les médecins à être plus vigilants, pour réduire le risque de manquer ces symptômes et au bout du compte sauver des vies» .
(D’après Le Figaro)