La Presse (Tunisie)

Réunion militaire entre Turcs, Américains et Russes

Ankara menace de lancer une offensive contre la coalition arabo-kurde à Minbej si les combattant­s kurdes de l’YPG ne s’en retirent pas. Mais Washington a déployé ses soldats : un message clair !

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AFP — Les chefs d’état-major turc, américain et russe se sont réunis hier en Turquie pour discuter notamment de la situation en Syrie, où les trois pays combattent le groupe Etat islamique (EI) mais en s’appuyant sur des camps rivaux. Cette réunion trilatéral­e exceptionn­elle survient alors qu’Ankara s’oppose à la participat­ion de milices kurdes soutenues par Washington aux opérations, au moment où l’EI recule face à la coalition antijihadi­ste et aux forces prorusses. Les tensions sont cristallis­ées autour de la ville syrienne de Minbej, d’où la Turquie veut chasser les milices kurdes YPG, mais dans les environs de laquelle les Etats-Unis ont déployé des militaires et la Russie a envoyé des véhicules de transport blindés. A la veille de la réunion trilatéral­e, le Premier ministre turc Binali Yildirim avait admis que son pays ne pourrait lancer une opération pour prendre Minbej, dans le nord de la Syrie, «sans une coordinati­on avec la Russie et les Etats-Unis». C’est dans ce contexte que les trois chefs militaires, le Turc Hulusi Akar, l’Américain Joseph Dunford et le Russe Valery Gerasimov, discutaien­t hier à Antalya (sud de la Turquie) de «questions sécuritair­es régionales communes, à commencer par la Syrie et l’Irak», selon l’armée turque. Le ministère russe de la Défense a confirmé la tenue de cette réunion, ajoutant que des discussion­s sur «des questions sécuritair­es en Syrie et en Irak sont prévues au cours de cet événement». Cette réunion trilatéral­e intervient également à trois jours d’un déplacemen­t du président turc Recep Tayyip Erdogan en Russie, où il doit rencontrer son homologue Vladimir Poutine. Si Moscou soutient le président syrien Bachar Al-Assad et Ankara l’opposition, les deux pays se sont récemment rapprochés sur le dossier syrien.

Priorité à l’EI

La Turquie a lancé fin août une vaste offensive dans le nord de la Syrie, chassant l’EI de plusieurs villes. Mais son opération vise également à repousser les YPG, qu’elle considère comme l’extension des séparatist­es kurdes turcs du PKK, une organisati­on «terroriste» pour Ankara et ses alliés occidentau­x. Ankara a menacé à plusieurs reprises de lancer une offensive contre Minbej, aux mains des Forces démocratiq­ues syriennes (FDS), une coalition arabo-kurde dont font partie les milices YPG, si les combattant­s kurdes ne s’en retiraient pas. Mais Washington y a déployé lundi des soldats de manière ostensible pour prévenir tout affronteme­nt entre les forces en présence. «Nous voulons dissuader les parties d’attaquer tout autre ennemi que le groupe Etat islamique», a souligné le porte-parole du Pentagone Jeff Davis. Pour Washington, les FDS représente­nt les forces combattant­es locales les plus efficaces pour affronter au sol l’EI, alors que se profile une vaste offensive contre la «capitale» autoprocla­mée de l’EI, Raqqa. Les FDS, appuyées par l’aviation de la coalition internatio­nale emmenée par les Etats-Unis, ont ainsi coupé lundi l’axe de ravitaille­ment des jihadistes entre Raqqa et Deir Ezzor, selon l’Observatoi­re syrien des droits de l’Homme (Osdh). La Turquie a d’ores et déjà fait savoir qu’elle ne participer­ait pas à une offensive contre Raqqa si les YPG y étaient associées et propose aux Etats-Unis de s’appuyer sur un contingent de quelque 10.000 rebelles syriens arabes entraînés par Ankara. «On ne peut annihiler une organisati­on terroriste avec une autre organisati­on terroriste», a insisté le Premier ministre Yildirim lundi soir. «Nous ne serons pas avec eux (les Etats-Unis) là où ils iront avec des groupes terroriste­s», a-t-il ajouté. La réunion trilatéral­e survient également alors que les forces irakiennes soutenues par la coalition internatio­nale antijihadi­stes progressen­t dans l’ouest de Mossoul, bastion de l’EI dans le nord de l’Irak. Les forces irakiennes y ont ainsi repris le siège du gouverneme­nt provincial, un deuxième pont et un musée qui avait été vandalisé par l’EI, a annoncé hier le commandeme­nt conjoint des opérations.

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