Des roses et des épines
Trois journées disputées en un tour de main, suivies d’une trêve marathonienne: le play-off a livré des tendances contrastées. Il y a du bon et du moins bon.
Pression soutenue, tensions extrêmes, un arbitrage montré du doigt et, finalement, des matches robustes : la première partie du play-off a sans doute hissé le football d’élite à un niveau qui défie toute concurrence, et pas uniquement au plan du jeu et du spectacle. Il fallait s’y attendre : quand des clubs appartenant à la bande des quatre se croisent, il y a garantie que la barre sera placée haut, que les acteurs vont s’extirper de la médiocrité ambiante ou tenter de le faire, et que le public va se régaler. Des affiches telles que le derby EST-CA, ou les classicos CA-CSS, ESS-CA ou CSS-ESS ont globalement donné à voir du beau spectacle, nonobstant les «extras» dont peine à se débarrasser le sport-roi du pays. La rencontre de dimanche dernier ESM-CSS aurait mérité de rejoindre tous ces moments forts tant elle fut plaisante s’il n’y avait pas une pelouse aussi immonde que le tartan caricatural du stade de Métlaoui. C’est le propre de cette formule retenue, on le sait, à titre exceptionnel cette saison en vue d’un passage de la Ligue 1 de seize à quatorze clubs : en multipliant les confrontations entre ténors (cette fois, la bande des quatre, plus les surprises heureuses de la saison, l’ESM et l’USBG), elle permet de tirer le niveau par le haut d’autant que chaque match ou presque devient un match à six points. Par rapport à la première phase de la saison, il y a beaucoup moins de «déchets», une rivalité plus soutenue, une plus grande concentration aussi.
Profondeur du banc
Les débuts du play-off ont été marqués par les délais serrés : trois matches en huit jours. Certes, une bonne manière pour développer compétitivité et rythme de la super-élite au sein de laquelle puise l’équipe de Tunisie, sauf que tout juste derrière cette huitaine endiablée, il y a un mois de trêve de la compétition, ce qui représente, à bien y réfléchir, une des contradictions majeures du calendrier général, établi, il est vrai également, en fonction des échéances africaines et des journées Fifa. En tout cas, un tel déséquilibre n’est pas fait pour rendre le play-off plus attractif. Beaucoup de joueurs ont franchement accusé le coup dimanche dernier au terme de ce marathon de trois matches en huit jours, ce qui met en valeur le turnover, la profondeur du banc, la qualité des solutions de rechange et de la gestion par le staff technique de l’effectif disponible. Les spécialistes relèvent que l’idéal serait de jouer une fois trois matches par semaine (dimanche, mercredi et dimanche) puis dans la semaine qui suit le dimanche seulement.
Le seuil du tolérable
Mais les pontifes n’en sont plus à ces «petits détails». L’urgence se situe ailleurs, plus précisément dans les alertes récurrentes qui transforment le foot en guerre de tranchées, en vecteur nourrissant le régionalisme, le tribalisme et la détestation. Et ils sont tenus d’in- tervenir dans l’urgence en sapeurs pompiers du dimanche pour éteindre des foyers attisés par les maraudeurs du sport. Car le foot a gravement dérapé, donnant prétexte à d’intolérables règlements de comptes et à une incandescente chasse aux sorcières. L’instrumentalisation du sport est en marche. De bien belles leçons fort instructives sont données à l’intention des jeunes. L’arbitrage est tourné en dérision. Telle région est montée contre l’autre. Cela fait belle lurette que le foot marche sur la tête, ses clubs se livrant à un bras de fer, chacun défiant l’autre. Il a dépassé le seuil du tolérable pour verser dans l’absurde, dans la démence. Notre professionnalisme est calamiteux, ubuesque. Il est un peu dans l’air du temps, dans la fureur et la perte des repères qui caractérisent notre pays.
Volet résultats, l’Espérance de Tunis a marqué son territoire. Elle a donné à voir toute l’étendue de ses ressources humaines, beaucoup de qualités individuelles et collectives, et la rigueur défensive que sait apporter Faouzi Benzarti. Certes, le plus dur reste à faire quand on pense à la suite de son calendrier (le CSS et l’ESS l’attendent après la trêve), mais c’est déjà cela de gagné. Le break n’est certes pas fait, mais une telle série de trois victoires en trois matches garantit une bonne dose de sérénité et de confiance. Deux gros perdants, jusque-là : le CA et le CSS, battus deux fois chacun. Mais il est clair que cette pause d’un mois peut changer beaucoup de choses, d’autant plus que c’est presque un nouveau départ que prendra le play-off dès la reprise le mois prochain.