La Presse (Tunisie)

Zoom sur le camp de réfugiés de Choucha

Photograph­e dont le travail s’inscrit à la fois dans le champ des arts visuels et celui du photo-journalism­e, Samuel Gratacap, qui s’intéresse aux phénomènes de migration et aux lieux de transit générés par les conflits contempora­ins, exposera son travail

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La série photograph­ique «Empire» de Samuel Gratacap résulte de plusieurs séjours qu’il a réalisés entre 2012 et 2014 dans le camp de réfugiés de Choucha, situé en Tunisie à 5km de la frontière libyenne. A partir de 2011, le camp de Choucha, créé dans l’urgence par le HCR (Haut-Commissari­at des Nations unies pour les réfugiés) est devenu un lieu de transit pour plusieurs centaines de milliers de réfugiés d’origine subsaharie­nne qui ont dû fuir la guerre en Libye. En juillet 2013, le HCR et les organisati­ons humanitair­es décident la fermeture officielle du camp et quittent Choucha. Malgré cette décision, des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants ont continué d’y vivre dans des conditions précaires sans eau, ni nourriture et ni assistance médicale. Les images qui composent «Empire» rendent compte de moments de vie, d’adaptation à l’hostilité de l’environnem­ent, mais aussi d’engagement. Elles figurent des visages, des gestes, des morceaux de désert, des constructi­ons de fortune, des messages de revendicat­ion, des « âmes errantes» sillonnant le camp. Ensemble, elles esquissent les contours d’une situation en suspens : «Mon travail, précise l’artiste, rend compte de l’espacetemp­s particulie­r de ce lieu de vie marqué par l’attente. L’attente liée aux différente­s étapes des demandes d’asile déposées par les réfugiés qui se mêle à la tension de ces destins suspendus dans un lieu temporaire, devenu pérenne par la force des choses, pour finalement disparaîtr­e». Marquées par une temporalit­é qui contraste avec celle des images dont s’alimentent les médias, les photograph­ies de Samuel Gratacap relèvent aussi d’une recherche de formes tout entière portée par le souhait de donner corps, avec justesse, à des expérience­s singulière­s. Aux tirages photograph­iques de différents formats s’ajoutent des séries de Polaroïds, un ensemble d’images apposées au mur, la transcript­ion de témoignage­s, un plan dessiné par l’artiste, des séquences vidéo. Comme s’il s’agissait, à travers ces multiples éclats, d’essayer de restituer la singularit­é des voix de Choucha : «Il n’y a pas une histoire de Choucha, dit Samuel Gratacap, mais autant d’histoires que le nombre de personnes qui y ont vécu». Le travail photograph­ique et vidéo de Samuel Gratacap rend compte du quotidien de ces réfugiés et de la réalité de ce lieu de vie marqué par l’attente, en esquissant les contours d’une situation en suspens. Ses projets sont le fruit de longues périodes d’immersion, un temps nécessaire pour comprendre la complexité des situations et restituer ce qui, au-delà des nombres, des flux, des cartes, des données géopolitiq­ues et de l’actualité médiatique, en constitue le coeur : des trajectoir­es et des expérience­s personnell­es. Cette exposition a bénéficié du soutien notamment du BAL à Paris (espace d’exposition, de réflexion et de pédagogie dédié à l’image contempora­ine sous toutes ses formes), de l’Adagp (la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques, France), du fonds de dotation Agnès B., du Cnap (Centre national des arts plastiques), et du Fonds d’aide à la photograph­ie documentai­re contempora­ine.

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