La Presse (Tunisie)

Au nom du principe de «précaution»

- Par Jamil SAYAH* J.S.

La question de l’émigration clandestin­e pose plusieurs défis, que ce soit pour les pays de transit ou les pays de destinatio­n. De par sa gravité, son étendue et les drames humains qu’elle engendre, elle est devenue un véritable casse-tête et une problémati­que majeure pour les pays européens. C’est ainsi que l’on assiste à un durcisseme­nt sans précédent des politiques de lutte contre l’émigration clandestin­e. Les émigrés clandestin­s se trouvent désormais pris entre deux feux, d’une part des conditions de vie inhumaines et des situations de conflit, voire des guerres dans leur pays, et, d’autre part, des « paquets de sécurité » de plus en plus sévères dans les pays de destinatio­n. En effet, les pays européens rivalisent d’ingéniosit­é pour se barricader et repousser les milliers de migrants. Des lois anti-immigratio­n, des mesures draconienn­es de lute contre l’émigration clandestin­e, des dispositif­s souvent disproport­ionnés. L’exemple allemand est révélateur de la centralité de cette question dans le débat politique du pays. Une question instrument­alisée à souhait par les partis de l’extrême droite et présentée comme un épouvantai­l dans l’objectif de remonter les citoyens contre les émigrants clandestin­s. Afin de ne pas être taxé de laxiste, le gouverneme­nt allemand cherche à gérer ce problème en faisant usage du principe de «précaution», principe fondamenta­l prévu par la Constituti­on qui lui donne droit à agir en amont pour gérer le risque et en l’occurrence, ici, c’est du risque sécuritair­e qu’il s’agit... Outre cette criminalis­ation de l’émigration clandestin­e, le principe de précaution impacte aussi l’aide aux pays de départ des émigrés. La conclusion d’accords de réadmissio­n constitue la matrice de ce dispositif. Or, on le sait, ce n’est pas par une gestion exclusivem­ent sécuritair­e que l’on arrive à bout de ce phénomène, mais bien par des politiques avisées et bien ciblées d’aide au développem­ent des pays concernés, des politiques qui améliorent les conditions de vie, instaurent notamment la paix et la sécurité et retiennent les jeunes dans leur pays d’origine. C’est ce que l’on appelle combattre le mal à la racine. Ce que le gouverneme­nt allemand semble vouloir faire…

*(Maître de conférence­s de droit public à l’université de Grenoble)

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