Au nom du principe de «précaution»
La question de l’émigration clandestine pose plusieurs défis, que ce soit pour les pays de transit ou les pays de destination. De par sa gravité, son étendue et les drames humains qu’elle engendre, elle est devenue un véritable casse-tête et une problématique majeure pour les pays européens. C’est ainsi que l’on assiste à un durcissement sans précédent des politiques de lutte contre l’émigration clandestine. Les émigrés clandestins se trouvent désormais pris entre deux feux, d’une part des conditions de vie inhumaines et des situations de conflit, voire des guerres dans leur pays, et, d’autre part, des « paquets de sécurité » de plus en plus sévères dans les pays de destination. En effet, les pays européens rivalisent d’ingéniosité pour se barricader et repousser les milliers de migrants. Des lois anti-immigration, des mesures draconiennes de lute contre l’émigration clandestine, des dispositifs souvent disproportionnés. L’exemple allemand est révélateur de la centralité de cette question dans le débat politique du pays. Une question instrumentalisée à souhait par les partis de l’extrême droite et présentée comme un épouvantail dans l’objectif de remonter les citoyens contre les émigrants clandestins. Afin de ne pas être taxé de laxiste, le gouvernement allemand cherche à gérer ce problème en faisant usage du principe de «précaution», principe fondamental prévu par la Constitution qui lui donne droit à agir en amont pour gérer le risque et en l’occurrence, ici, c’est du risque sécuritaire qu’il s’agit... Outre cette criminalisation de l’émigration clandestine, le principe de précaution impacte aussi l’aide aux pays de départ des émigrés. La conclusion d’accords de réadmission constitue la matrice de ce dispositif. Or, on le sait, ce n’est pas par une gestion exclusivement sécuritaire que l’on arrive à bout de ce phénomène, mais bien par des politiques avisées et bien ciblées d’aide au développement des pays concernés, des politiques qui améliorent les conditions de vie, instaurent notamment la paix et la sécurité et retiennent les jeunes dans leur pays d’origine. C’est ce que l’on appelle combattre le mal à la racine. Ce que le gouvernement allemand semble vouloir faire…
*(Maître de conférences de droit public à l’université de Grenoble)