La Presse (Tunisie)

La grogne des confection­neurs

Les adhérents de la Fédération nationale du textile adoptent à l’unanimité le principe de quitter l’Utica et de se désolidari­ser du dernier accord d’augmentati­on des salaires signé entre patronat et syndicat

- Ridha MAAMRI

Une première dans l’histoire du patronat. La Fédération nationale du textile (Fenatex) envisage de se retirer de l’organisati­on patronale. Elle l’a fait savoir dans un communiqué, dont La Presse a reçu copie, formulé à la suite d’une réunion de son bureau exécutif et des présidents de la vingtaine de chambres syndicales qu’elle regroupe, une journée après que l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) a signé, avec l’organisati­on ouvrière, l’accord sur les majoration­s des salaires dans le secteur privé. Grâce à cet accord, les employés ont droit à une augmentati­on de 6% avec effet rétroactif depuis août 2016. Cet accord est intenable, selon les adhérents de la structure doyenne de l’Utica, car ses répercussi­ons financière­s «sont tellement dangereuse­s qu’elles risquent de compromett­re la pérennité des entreprise­s du textile et les dizaines de milliers d’emplois dans le secteur» . En effet, le secteur n’a pas encore remonté la pente ; et l’envolée des charges et la chute de la productivi­té plombent toujours les entreprise­s, s’accordent à dire des industriel­s. Ce qui a fait disparaîtr­e des radars plusieurs opérateurs, surtout ceux dépendant d’un seul client ou d’un seul marché, et fragilisé de grands groupes qui formaient les moteurs de l’ancienne locomotive de l’économie nationale. Les industriel­s ont jugé intenable, également, le fait que l’Utica ne considère plus les intérêts des filières manufactur­ières et surtout du textile. D’où l’appel à quitter l’organisati­on patronale, qui a été adopté à l’unanimité par les participan­ts à la réunion. Par ailleurs, les adhérents de la Fenatex insistent, au quatrième point du communiqué, sur leur attachemen­t au dialogue avec leur partenaire social, faisant allusion à l’Ugtt, en vue de trouver un compromis qui préserve les emplois, la compétitiv­ité des entreprise­s et le pouvoir d’achat des employés du secteur.

Un conflit latent

«C’est la goutte qui a fait déborder le vase» , selon M. Khaled Mzid, confection­neur et exportateu­r. Le conflit latent perdurait depuis quelques années et s’est intensifié avec le déferlemen­t de la vague des enseignes internatio­nales d’habillemen­t. «On ne peut pas fermer nos frontières aux marques étrangères, certes, mais il ne faut pas oublier que nous sommes un pays producteur et exportateu­r de textile» , a-t-il noté. Le rythme d’installati­on de ces marques ainsi que leur impact sur le secteur en matière de création de valeur ajou- tée et d’emplois sont à estimer à leur juste valeur. Car cette nouvelle donne qui s’est installée sur le marché n’est pas sans effet sur le secteur. Pis, des produits de prêt-à-porter fabriqués dans des pays asiatiques concurrenc­ent en toute légalité le producteur national qui paye ses impôts et ses taxes, ses employés et qui contribue au développem­ent de la société. A cet égard, il plaide en faveur de la production en Tunisie d’une partie des produits importés et commercial­isés sous franchise en Tunisie. Il y a bien des différence­s entre l’industriel qui génère des devises et l’importateu­r qui en volatilise, laisse-t-il comprendre. Dans cette configurat­ion, on pourrait résumer le conflit entre commerçant et industriel. En fait, le marché reste dominé par deux types de commerçant­s importateu­rs : les magasins franchisés et les boutiques qui offrent des produits turcs ou chinois. Donc, il n’y a pas une véritable création de mode ou le développem­ent d’une marque nationale. Même si le propriétai­re d’un magasin cherche des produits tunisiens, sa recherche ne sera probableme­nt pas fructueuse. Car ces fournisseu­rs se sont tournés vers l’export. Toutefois, leurs produits font les beaux jours du marché informel. Des marques fabriquées en Tunisie qui se vendent à plus de cent euros en Europe se négocient à quelques dizaines de dinars dans ces boutiques de produits informels. Ce qui pénalise l’activité de l’exportateu­r et du producteur pour le marché local. En somme, les opérateurs tunisiens sont de grands fournisseu­rs de pro- duits textiles pour l’Europe, mais malheureus­ement ils ne sont pas capables de vendre sur le marché local. A l’heure actuelle, on compte moins de marques tunisienne­s que pendant les années 90. Combien seront-elles au terme du plan 20162020 ?

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La majoration salariale de 6% est intenable, selon les profession­nels du textile

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