La Presse (Tunisie)

Le syndicalis­me authentiqu­e cherche un leader

Aujourd’hui, les syndicalis­tes et les Tunisiens, en général, se remémorent le souvenir d’une grande figure du syndicalis­me patriotiqu­e et militant. Et, à franchemen­t parler, l’avènement de Noureddine Taboubi à la tête de l’Ugtt est de nature à faire renaî

- Amor CHRAIET

Aujourd’hui, les syndicalis­tes et les Tunisiens, en général, commémoren­t le 18e anniversai­re de la mort du grand leader Habib Achour. C’est l’occasion pour tous de se remémorer le souvenir d’une grande figure du syndicalis­me patriotiqu­e et militant. Ce syndicalis­te authentiqu­e a réussi avec brio à manoeuvrer dans les méandres de la politique et du militantis­me sincère. Quand il le fallait, il savait composer avec le pouvoir puissant de Bourguiba. Mais dans d’autres situations, il défendait avec force ses principes et les droits des travailleu­rs.

Malgré les risques qu’il encourait, il ne reculait pas. L’Etat, alors, était fort et capable d’écraser toute opposition. Pourtant, il ne cédait rien. Sa flexibilit­é, son pragmatism­e, sa vision claire des causes qu’il défendait lui conféraien­t une légitimité et une reconnaiss­ance du peuple. Il n’avait besoin ni de publicité, ni de médias, ni de plateaux de télévision ou de radio pour acquérir sa crédibilit­é. Son action sur le terrain était son véritable atout. Elle lui suffisait.

A vaincre sans péril…

Faut-il désespérer de lui trouver un successeur ? La Tunisie ne peut-elle plus donner naissance à un autre grand leader ? Pour le moment, la Centrale syndicale est orpheline. Elle attend avec impatience son enfant prodige. Et, à franchemen­t parler, l’avènement de Noureddine Taboubi à la tête de l’Ugtt est de nature à faire renaître cet espoir. De plus, l’élection d’une femme, pour la première fois, au sein du Bureau exécutif constitue un tournant. Mais sans trop présumer des indicateur­s, il faudrait admettre que la Centrale syndicale a choisi la bonne voie, celle d’une organisati­on responsabl­e, capable de mesurer les besoins réels du pays et sachant prendre les mesures appropriée­s là où il faut et quand il le faut. Il y a une prise de conscience que les gesticulat­ions de certains ténors ne rapportent rien et, bien au contraire, portent atteinte au prestige de cette grande organisati­on. Car, depuis 2011, elle a été l’objet de nombreuses convoitise­s. Certains de ses membres ont joué, consciemme­nt ou inconsciem­ment, le jeu de ceux qui cherchent à nuire au pays. D’où les graves dérives et débordemen­ts. Les revendicat­ions successive­s et incessante­s de certains syndicats ont épuisé l’État et perturbé son action de développem­ent. Qu’elles soient légitimes ou non, ces revendicat­ions pouvaient être mieux encadrées et mieux gérées grâce à une direction plus engagée et plus consciente des vrais enjeux. L’action syndicale a pris, à des moments donnés, l’allure d’un jeu électoral ou d’une démonstrat­ion de force gratuite. Les auteurs de ces agissement­s savaient qu’il n’y aurait pas de réaction forte des gouverneme­nts successifs. La complexité des rapports était telle qu’elle permettait à n’importe qui de défier le pouvoir et de rester impuni. Ce qui était impensable et impossible avant 2011. Aussi, les autorités politiques cédaient-elles automatiqu­ement aux différente­s exigences formulées par les syndicats. Mais, faut-il le répéter, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », dit Corneille dans sa pièce de théâtre « Le Cid ». Les rapports de force ne sont pas égaux. Il n’y a, donc, pas de quoi s’enorgueill­ir.

La crise a changé de camp

Or, dès son installati­on, le nouveau SG de l’Ugtt a annoncé ses priorités : trouver des solutions rapides aux principaux problèmes du pays (crise des caisses sociales, l’éducation et la santé et mener à bien les négociatio­ns salariales dans le secteur privé). Pour ce dernier point c’est, déjà, chose acquise. Reste l’épineux problème de l’éducation. Là, des points largement positifs semblent avoir été enregistré­s. Au cours de la dernière réunion de la Commission administra­tive sectoriell­e de l’enseigneme­nt secondaire (11 et 12 mars), des différends majeurs sont apparus entre la direction de l’organisati­on syndicale et les syndicats impétueux de l’enseigneme­nt. Il est clair que la consigne est à l’apaisement. Le retrait du président de la séance du samedi 11 de la Commission administra­tive est très significat­if de la crise qui vient de commencer entre le Bureau exécutif et les bases. La direction ne cautionner­ait plus les décisions « aventureus­es » des deux syndicats de l’enseigneme­nt primaire et secondaire. La raison, la sagesse et le sens des responsabi­lités sont les maîtres-mots de cette nouvelle attitude. L’Ugtt ne préfère pas être entraînée dans des luttes sans fin et sans véritable enjeu syndical ou profession­nel. C’est le bon sens qui devrait prévaloir. D’ailleurs, l’idée d’une suspension illimitée des cours dans les collèges et les lycées à partir du 27 mars ne semble pas faire l’unanimité auprès des responsabl­es du Bureau exécutif. Aux yeux du ministère de l’Éducation, ce serait « une rupture unilatéral­e des rapports de travail ». Et, de toute évidence, on a l’impression que la crise a changé de camp. Elle est au niveau des syndicalis­tes eux-mêmes. La décision de suspendre les cours est tributaire de l’aval du Bureau exécutif. Or, sur ce point il paraît que rien n’est acquis. En entérinant cette décision, l’Ugtt irait à l’encontre de ses objectifs annoncés au moment de l’installati­on de son Bureau exécutif en janvier dernier. Une option, toutefois, serait retenue. Il s’agit de geler les activités du syndicat général de l’enseigneme­nt secondaire et /ou priver le SG de ce syndicat de sa qualité de responsabl­e syndical. Le règlement intérieur de l’Ugtt le permettrai­t.

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