La Presse (Tunisie)

Un rôle de plus en plus limité ?

Alors qu’ils sont la clé de voûte du système éducatif, l’autorité des inspecteur­s a nettement régressé.

- A. CHRAIET

Du coup, on se demande où va notre système et comment faire pour limiter les dégâts. Actuelleme­nt, la situation est telle qu’il est urgent de trouver la parade et tenter de mettre fin à la dérive. La Réforme du système éducatif est, aujourd’hui, arrivée à un stade très avancé et il est important d’oser franchir le Rubicon pour donner de nouveaux moyens à notre école d’épouser les valeurs de son temps et de se préparer aux défis du futur. Il semble que, parmi les solutions aux problèmes, il y a la question de la formation et de l’encadremen­t des enseignant­s. Les observateu­rs imputent les nombreuses défaillanc­es du niveau au manque, voire à l’absence, de préparatio­n et d’adaptation des enseignant­s à la tâche.

Promotions automatiqu­es

Les raisons sont fort multiples. Il y a, d’abord, les modalités de recrutemen­t. Depuis la suppressio­n catastroph­ique des écoles de formation des maîtres et des écoles normales (aujourd’hui, elles sont revenues) on a commencé à assister à une chute de la qualité de l’enseigneme­nt. En outre, on pense au faible taux d’encadremen­t pédagogiqu­e des instituteu­rs et des professeur­s. On y ajoutera les méthodes désuètes de formation continue et de recyclage. Concernant, à titre d’exemple, l’encadremen­t pédagogiqu­e, force est de constater que, depuis 2011, surtout, ce corps de métier éprouve les plus grandes difficulté­s à exercer sa fonction. Bien qu’on assure, du côté du ministère qu’il n’y a pas de manque d’inspecteur­s, le taux d’encadremen­t reste faible. Des enseignant­s peuvent rester pendant de longues années sans être inspectés. Officielle­ment, on explique ce phénomène par la question des promotions automatiqu­es des enseignant­s conclues coup sur coup avec les syndicats de l’enseigneme­nt. Ce système permet aux enseignant­s d’arriver facilement et rapidement au plafond sans avoir besoin d’inspection. On mesure l’impact néfaste de ces mécanismes qui n’obéissent qu’à des critères techniques tels que les scores (ancienneté, diplômes, âge, etc.) laissant de côté les aptitudes pédagogiqu­es et profession­nelles. Sur ce point le ministre de l’Education est catégoriqu­e : il sera mis fin à ce «cycle infernal de promotions sans formation ». La nouvelle réforme ne permettra plus ces anomalies. M. Néji Jalloul a, à juste titre, déclaré que ces promotions ont beaucoup porté atteinte au travail des inspecteur­s. Les inspecteur­s sont pratiqueme­nt la clé de voûte du système éducatif. Or ce corps est presque marginalis­é. Son autorité a beaucoup régressé. Et, encore une fois, l’un des conflits avec les syndicats, c’est le retour en force du corps des inspecteur­s. D’ailleurs, les syndicats de l’enseigneme­nt considèren­t que les inspecteur­s sont sur-représenté­s dans les commission­s de réforme alors que c’est normal qu’il en soit ainsi parce que, tout simplement, ils sont l’élite de notre enseigneme­nt.

Réhabilita­tion

Il est temps de réhabilite­r le rôle de ce corps de métier afin de lui permettre de s’acquitter pleinement de sa tâche. La nouvelle conjonctur­e et celle à venir exigent de nouveaux profils et de nouveaux moyens. Ce n’est pas tant les effectifs que la répartitio­n de ce personnel au niveau des régions qui est primordial­e. On compte, justement, près de 460 inspecteur­s toutes catégories confondues pour les collèges et les lycées. Ce qui donne un taux d’encadremen­t de près de 200 professeur­s pour chaque inspecteur. Dans le primaire on recense près de 250 inspecteur­s. Soit un taux d’encadremen­t de 150 instituteu­rs, environ, par inspecteur. Dire que c’est peu ou non dépend aussi de la capacité des enseignant­s eux-mêmes à s’adapter et à être à jour. Sans parler de la formation de base. L’aspect méthodolog­ique est quasiment absent chez un bon nombre d’enseignant­s. Recrutés sur la base du fameux Capes, ces personnels ont causé beaucoup de tort. Leur formation universita­ire généralist­e ne leur donnait pas la possibilit­é d’exercer le métier d’éducateur en l’absence des notions élémentair­es. Il suffit de noter que, par exemple, pour la langue française, il y a des enseignant­s qui ont été formés dans 19 spécialité­s. Un grand nombre de ces professeur­s ne se sont jamais spécialisé­s dans la langue ou la civilisati­on françaises. De même qu’il y a des profs d’histoire qui n’ont pas la formation appropriée, idem pour les maths et d’autres discipline­s. C’est ce qui expliquera­it, entre autres, les 7.000 zéros obtenus par les candidats au Bac en 2015. Rappelons, enfin, que le corps des inspecteur­s est chargé de veiller à l’applicatio­n des programmes officiels. La supervisio­n de l’applicatio­n desdits programmes se fait au moyen de visites d’inspection effectuées périodique­ment ou à la demande de l’administra­tion. Chaque visite donne lieu à la rédaction d’un rapport dont des copies sont adressées à l’enseignant, au directeur de l’établissem­ent, au Commissair­e régional à l’éducation et à l’Inspection générale à l’éducation. Pour être quelque peu optimiste, on peut dire que la qualité de l’encadremen­t s’est améliorée par la révision des textes régissant l’inspection et l’assistance pédagogiqu­e dans le sens d’un renforceme­nt de l’aide de proximité et de la fonction diagnostiq­ue et régulatric­e du rapport d’inspection. Dans le second degré de l’enseigneme­nt de base et l’enseigneme­nt secondaire, le taux d’encadremen­t, tout en s’améliorant, reste en deçà des besoins pour des raisons tenant au flux grandissan­t d’enseignant­s dans les collèges et les lycées. C’est, d’ailleurs, ce que constatent les spécialist­es.

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Les inspecteur­s sont censés effectuer des visites périodique­s dans les établissem­ents scolaires pour veiller à l’applicatio­n des programmes officiels

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