La Presse (Tunisie)

L’interdicti­on du voile désormais licite

Une entreprise peut bannir les signes religieux sous certaines conditions...

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AFP — La Cour de justice de l’Union européenne (Cjue) a estimé hier que le règlement interne d’une entreprise pouvait sous certaines conditions prévoir l’interdicti­on du port visible de signes religieux ou politiques, comme le foulard islamique. Une telle interdicti­on «ne constitue pas une discrimina­tion directe», explique la Cour, mais elle doit être justifiée par la poursuite d’«un objectif légitime», par exemple une politique affichée de neutralité vis-à-vis des clients. Elle se prononçait sur deux dossiers, en Belgique et en France, de femmes musulmanes estimant avoir été discriminé­es au travail, en l’occurrence licenciées, car elles portaient le voile. La Cour basée au Luxembourg a harmonisé son argumentai­re juridique mais publié deux arrêts distincts. Dans le cas français, l’absence a priori de règlement interne dans l’entreprise rend les circonstan­ces particuliè­res. Il appartiend­ra in fine aux plus hauts juges français et belges, qui demandaien­t à la Cour son interpréta­tion du droit, de trancher légalement ces litiges. Le Collectif contre l’islamophob­ie en France (Ccif) a jugé les avis «en demi-teinte», tandis qu’en Belgique l’Unia, le Centre interfédér­al pour l’égalité des chances, s’est félicité d’un arrêt qui «apporte de la clarté juridique». «La législatio­n antidiscri­mination se prêtait à des interpréta­tions différente­s, ce qui a donné lieu à une jurisprude­nce très divergente, reflétant diverses sensibilit­és à l’égard de la place de la religion dans la société», note le directeur d’Unia, Philippe Charlier. Amnesty Internatio­nal a déploré de son côté une décision qui « donne plus de marge aux employeurs pour discrimine­r des femmes — et des hommes — sur la base de leur croyance religieuse». La question du port du foulard islamique reste complexe dans l’UE, où les opinions et les pratiques sont très variées. En France comme en Belgique, deux Etats historique­ment attachés aux principes de laïcité et de neutralité, les signes religieux visibles sont bannis pour les travailleu­rs du secteur public.

Contact avec les clients

La justice se devait de prendre en compte deux libertés potentiell­ement en conflit : celle d’adhérer à une religion et de le manifester, et celle de la liberté d’entreprise. Dans l’affaire belge, les juges concluent que «l’interdicti­on de porter un foulard islamique, qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée interdisan­t le port visible de tout signe politique, philosophi­que ou religieux sur le lieu de travail, ne constitue pas une discrimina­tion directe fondée sur la religion ou sur les conviction­s». Dans ce dossier, l’employée, Samira Achbita, ne portait pas le foulard au moment de son embauche en Belgique comme réceptionn­iste en 2003 par le groupe G4S, qui fournit des services de surveillan­ce et de sécurité, mais a fait part de son souhait de le porter trois ans plus tard. Or une règle interne, orale dans un premier temps puis mise par écrit par l’entreprise, interdit le port de signes politiques, philosophi­ques ou religieux. Samira Achbita avait été renvoyée en 2006. La Cour ajoute toutefois un certain nombre de conditions pour dédouaner l’entreprise, détaillant la situation de discrimina­tion «indirecte». L’obligation de neutralité ne doit pas entraîner de «désavantag­e» pour des personnes adhérant à une religion ou à des conviction­s et doit être justifiée par un «objectif légitime», au travers de moyens «appropriés et nécessaire­s». Les juges de Luxembourg demandent à la justice belge de vérifier si le règlement de G4S s’appliquait de manière indifféren­ciée, s’il visait uniquement le personnel en contact avec les clients, ou encore s’il était possible de proposer un autre poste, sans contact avec les clients, à Mme Achbita. Dans le deuxième dossier, transmis par la haute autorité judiciaire française, la Cjue estime qu’en l’absence de règle interne en matière de neutralité, comme cela semble être le cas, l’entreprise ne peut justifier le licencieme­nt. Une ingénieure d’étude employée par la société française Micropole portait le foulard au moment de son embauche en 2008. A l’issue d’un rendez-vous, un client s’était plaint et avait exigé qu’elle ne le porte plus lors de leurs rencontres. La société avait transmis la requête à son employée, que celle-ci avait refusée avant d’être licenciée en juin 2009. La décision finale revient là encore aux autorités nationales, en l’occurrence la cour de Cassation française.

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La Cour de justice de l’Union européenne (Cjue) a estimé hier que le règlement interne d’une entreprise pouvait sous certaines conditions prévoir l’interdicti­on du port visible de signes religieux ou politiques, comme le foulard islamique

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