La gare reprise à Daech
Le Commandement conjoint des opérations a annoncé de son côté la prise de Sheikh Mohammed, village au nord-ouest de la cité
AFP - Poursuivant leur offensive pour déloger le groupe Etat islamique (EI) de Mossoul, les forces irakiennes ont annoncé hier la reprise d’un nouveau site symbolique: la gare ferroviaire, une plateforme stratégique à l’arrêt depuis l’arrivée des jihadistes. Construite dans les années quarante, la gare permettait le transport de marchandises depuis la Turquie et la Syrie jusqu’à Bagdad et Bassora (sud) et avait fait l’objet de «nombreuses attaques terroristes» avant même l’arrivée de l’EI en 2014, a expliqué à l’AFP Salam Jabr Saloom, directeur général de la compagnie nationale des chemins de fer. Le transport de passagers avait lui cessé après l’invasion américaine de l’Irak en 2003, selon un porteparole de la compagnie, Abdulsattar Mohsen. Le lieutenant-général Raed Shakir Jawdat, un commandant de la police fédérale, a indiqué que ses troupes avait repris la gare ferroviaire, ainsi qu’une gare routière à proximité, toutes deux situées au sud-ouest de la vieille ville. Le Commandement conjoint des opérations, qui coordonne la lutte contre l’EI en Irak, a annoncé de son côté la prise de Sheikh Mohammed, village au nord-ouest de Mossoul. Après avoir conquis en janvier la partie orientale de la ville, les forces irakiennes appuyées par une coalition internationale sous commandement américain ont lancé le 17 février dernier une offensive pour reprendre le contrôle de l’ouest de Mossoul. Elles ont depuis repris à l’EI, outre la gare, plusieurs bâtiments importants ou symboliques, à l’instar du siège du gouvernement de la province de Ninive, ainsi que le musée de la ville, vandalisé par les jihadistes. Dimanche, les forces irakiennes ont annoncé avoir conquis plus du tiers de la partie ouest de Mossoul, dont la reprise constituerait un revers majeur pour le groupe ultraradical sunnite qui s’en était emparé en juin 2014, et où il avait proclamé son califat. Mais si la résistance des jihadistes s’érode, les responsables militaires préviennent que des combats acharnés sont encore à prévoir pour reconquérir la totalité de la deuxième ville d’Irak, en particulier dans la vieille ville, aux rues étroites et densément peuplée. Les combats à Mossoul-ouest ont poussé 80.568 personnes, soit 13.428 familles, à quitter leur logement, a indiqué l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Prisons de fortune
Plus largement, les violences ont fait plus de 238.000 déplacés dans la zone de Mossoul, a précisé selon l’OIM. Si certains ont pu regagner leur domicile, d’autres n’ont eu d’autre choix que de trouver refuge dans des camps installés dans les environs. «Un très grand nombre de personnes (y) arrivent chaque jour, des procédures de vérification doivent être effectuées par le gouvernement et il arrive que les gens attendent un jour ou deux», a souligné Hala Jaber, porte-parole de l’OIM pour la crise de Mossoul. Face aux mouvements de population, les forces irakiennes tentent de débusquer les jihadistes qui profiteraient de la confusion pour se cacher parmi les civils, fuir les combats et échapper aux conséquences découlant de leur appartenance à l’EI. L’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch a dénoncé hier à ce propos l’existence de prisons de fortune dans lesquelles le gouvernement irakien détiendrait, dans des conditions «inhumaines», et sans les avoir formellement inculpées, plus de 1.200 personnes, dont des mineurs, soupçonnées de liens avec les jihadistes. «Au moins quatre prisonniers sont morts» dans des circonstances qui semblent liées à un manque de soins médicaux et à de piètres conditions de détention, ajoute HRW en décrivant des prisons parfois tellement surpeuplées qu’aucun «détenu ne peut s’allonger pour dormir». Deux de ces prisons de fortune se trouvent dans la ville de Qayyarah, et une troisième à Hammam Al-Alil, à respectivement 60 et 30 km au sud de Mossoul, précise HRW. Interrogé par l’AFP, un porte-parole du ministère de l’Intérieur a indiqué ne pas pouvoir faire de commentaire avant l’examen du rapport en question. En juillet, HRW avait réclamé la transparence dans l’enquête de Bagdad sur des abus présumés commis par les forces irakiennes durant la reprise de la ville de Fallouja à l’EI. Selon l’ONG, les mauvais traitements infligés aux civils nourrissent le ressentiment de la population irakienne et sont susceptibles de servir la cause des jihadistes.