Pari gagné pour Haftar
Les troupes du maréchal annoncent la reprise de port Lanouf et celui d’Al-Sedra
Les forces loyales au maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est libyen, ont annoncé hier la reprise de deux sites pétroliers dont s’étaient emparés des groupes armés rivaux. «Les forces armées ont libéré la totalité du croissant pétrolier», une région du nord-est du pays, a déclaré Khalifa Al-Abidi, un porte-parole des forces pro-Haftar, ajoutant que «l’armée traquait le reste des groupes terroristes effondrés». Le chef des gardes des installations pétrolières, le général Meftah AlMegaryef, a confirmé la reprise des sites de Ras Lanouf et d’Al-Sedra. Plongée dans le chaos, la Libye est dirigée par deux autorités rivales: le gouvernement d’union nationale (GNA) à Tripoli, reconnu par la communauté internationale, et un gouvernement basé dans l’est du pays lié au maréchal Haftar. Les troupes loyales au maréchal controversé Haftar ont annoncé le matin avoir lancé une large offensive pour reprendre les deux sites dont s’étaient emparés le 3 mars les groupes armés des Brigades de défense de Benghazi (BDB). Les pro-Haftar qualifient de «terroristes» les BDB. Les deux sites recon- quis sont le complexe pétrolier de Ras Lanouf —qui comprend surtout un aéroport et un port—, ainsi que le port proche d’Al-Sedra. Un des commandants des BDB, Basset Al-Chairi, a confirmé à l’AFP la perte de Ras Lanouf sans préciser s’ils contrôlaient toujours le port d’AlSedra ou non. Il n’était pas possible dans l’immédiat de vérifier les déclarations des deux camps de source indépendante. Déchirée par des luttes de pouvoir et en proie à une insécurité chronique depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye est dirigée par deux autorités rivales: le gouvernement d’union nationale (GNA) à Tripoli, reconnu par la communauté internationale, et un gouvernement basé dans l’est du pays lié au maréchal Haftar. Le GNA a nié tout lien avec l’escalade militaire dans la région du Croissant pétrolier, mais International Crisis Group a estimé qu’il entretenait des liens «complexes et ambigus» avec les BDB. Le GNA «a officiellement (...) nié tout lien» avec cette alliance hétéroclite de milices d’orientation islamiste, mais «le ministre de la défense du GNA et certains membres (du gouvernement) soutiennent les BDB, a indiqué le centre de réflexion dans un rapport la semaine dernière.
«Complexe et ambigüe»
Les BDB ont été formées en 2016 par des combattants, dont des islamistes, chassés durant les deux dernières années de la ville de Benghazi (est) par l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée par le maréchal Haftar. Elles affirment que leur objectif n’est pas de s’emparer des sites pétroliers mais de retourner à Benghazi, plus à l’est, où l’ANL continue de faire face à des poches de résistance de groupes islamistes. Les forces pro-Haftar avaient pris le contrôle en septembre des quatre principaux sites pétroliers de Libye — Zoueitina, Brega, Ras Lanouf et Al-Sedra — qui assuraient l’essentiel des exportations libyennes d’or noir. La perte rapide des sites de Ras Lanouf et Al-Sedra a semé le doute sur les capacités militaires de l’ANL, qui doit sa supériorité notamment à ses forces aériennes et à l’appui qui lui est fourni par des pays comme l’Egypte et les Emirats arabes unis. Depuis le succès de leur dernière offensive sur le Croissant pétrolier après plusieurs échecs, les BDB ont été renforcées par d’autres groupes armés hostiles à Haftar venus de l’ouest et du sud du pays. Le maréchal Haftar qui s’est rapproché également de la Russie, accuse ses rivaux de «terroristes» et de recevoir du soutien de pays comme la Turquie, le Qatar et le Soudan. L’ONU s’est déclarée hier «profondément inquiète» par les combats dans le Croissant pétrolier, où les deux parties se sont apparemment livrés à des exécutions sommaires, des tortures et d’autres violations. Depuis son entrée en fonction en mars 2016, le GNA peine à asseoir son autorité dans le pays, y compris dans la capitale Tripoli où des affrontements opposaient hier des groupes armés. Des tirs et des explosions sont entendus depuis avant-hier soir et des témoins ont fait état de «combats de rues» dans l’ouest de la capitale. Plusieurs axes routiers étaient bloqués et la plupart des habitants n’étaient pas en mesure de se rendre sur leur lieux de travail ou aux écoles en raison des violences.