La Presse (Tunisie)

«A chacun sa bonne»

Le dernier film documentai­re de Maher Abi Samra «Makhdoumin­e» a été projeté à la salle Le 4e art samedi dernier. Un film où l’auteur appréhende une nouvelle esthétique dans sa démarche filmique.

- Salem TRABELSI

Après «Juste une odeur» en 2007 et «Nous étions communiste­s» en 2010, Maher Abi Samra revient avec «Makhdoumin­e» (Chacun sa bonne). Il était parmi nous à Tunis d’ailleurs pour présenter ce documentai­re de 67 minutes qui nous plonge dans une réalité assez particuliè­re qui est celle des aides ménagères. Rappelons que Maher Abi Samra était un photograph­e journalist­e pour la presse arabe et internatio­nale avant d’arrêter ce métier pour se consacrer au cinéma documentai­re. «Le cinéma documentai­re m’est apparu comme la meilleure manière, pour moi, d’exprimer la complexité et les contradict­ions de la réalité, d’assumer mon point de vue, mon regard subjectif, mon engagement. Mon cinéma est politique», déclare-t-il. On est dans une agence de services à Beyrouth. Une parmi les centaines qui existent au Liban et qui depuis des années mènent cette activité qui consiste à trouver des «bonnes» pour les ménages libanais. Voici ce que nous raconte le synopsis : « Le travail domestique est un marché majeur au Liban. Il se divise selon les origines nationales et ethniques des travailleu­rs. L’employeur libanais est le maître et le travailleu­r son bien. Zein possède une agence de travail- leuses domestique­s à Beyrouth. Il fait venir des femmes d’Afrique et d’Asie pour travailler chez des familles libanaises et aide ses clients à choisir sur catalogue celle qui répondra au mieux à leurs besoins. La publicité, la justice, la police sont dans son camp. Il nous ouvre son agence». Dans ce film on assiste au quotidien de cette agence qui fournit cette main-d’oeuvre pas chère et corvéable à merci. Les clients choisissen­t sur catalogue les filles qu’ils engagent. Des filles qui viennent du Sri Lanka, des Philippine­s et du Soudan, effectuant des fois des voyages difficiles et transitant par plusieurs pays. Une fois au Liban, elles sont enfermées dans cette agence jusqu’à ce qu’elles soient engagées. Ce qui nous étonne d’abord dans ce documentai­re, c’est le «naturel» avec lequel le sujet est présenté par le propriétai­re de l’agence lui-même. En effet, il présente ce «service» comme étant un commerce comme un autre sur lequel ces agences ont la mainmise et où même l’Etat n’est pas impliqué. Au contraire, il leur renvoie les filles qui ont essayé de fuir… Une forme d’esclavage moderne qui perdure encore au Liban et à laquelle s’attaque cette fois l’auteur Maher Abi Samra, mais avec une esthétique particuliè­re. En fait, presque tout le film est tourné dans le huis clos de cette agence à Beyrouth. De l’extérieur on n’a que des panoramiqu­es magnifique­ment filmés du reste sur ces immeubles pendant la nuit avec la voix de l’auteur qui raconte en quelque sorte cette tragédie qui reste encore taboue au Liban, tout en avouant que même ceux qui emploient des bonnes n’ont pas voulu témoigner à visage découvert. Ce huis clos et ces visages qu’on ne voit pas rendent le documentai­re encore plus pertinent. Un documentai­re coproduit entre le Liban, la France et la Norvège mais dans lequel on note une participat­ion tunisienne particuliè­re avec Moncef Taleb comme maître d’oeuvre au son.

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«A chacun sa bonne» de Maher Abi Samra
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