La Presse (Tunisie)

La restructur­ation en marche ?

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Avec 1.700 MDT d’engagement­s dans le secteur touristiqu­e, dont le taux de créances accrochées atteint les 80%, la situation est encore plus difficile

La Société tunisienne de banque (STB) a tenu, le 10 mars 2017 à la Bourse de Tunis, sa communicat­ion financière, dans une salle archicombl­e d’intérmédia­ires en Bourse, d’analystes financiers et de journalist­es. Après les débats sur l’avenir des banques publiques, ces dernières semaines, le management de la STB a vraisembla­blement voulu réconforte­r ses actionnair­es et l’opinion publique sur la performanc­e de la banque et ses futurs engagement­s. Samir Saied, directeur général de la STB, s’est montré confiant. “La STB est en marche. On va nous dire doucement mais je vous assure que nous marchons sûrement. Tous les travaux sont bien suivis et pilotés. Il y a un pilotage avec des techniques modernes de gestion des projets. Nous sommes suivis très strictemen­t par le Fonds Monétaire Internatio­nal, la Banque mondiale, le ministère des Finances et la Banque centrale de Tunisie, chacun dans son rôle” assure-t-il. En fait, la communicat­ion financière a été consacrée à la présentati­on de la situation financière actuelle de la banque et aussi à sa stratégie future. La STB, qui a longtemps été une banque leader pour le financemen­t de l’économie tunisienne et essentiell­ement le secteur touristiqu­e, a vécu depuis l’année 2000 des difficulté­s structurel­les, depuis sa fusion avec la Banque de Développem­ent Economique de Tunisie (BDET) et la Banque Nationale de Développem­ent Touristiqu­e (BNDT). Des difficulté­s qui ont pesé largement sur les actifs de la banque et ont provoqué une dégradatio­n de ses indicateur­s d’activités et de performanc­e. A cela s’ajoutent, selon M. Saied, les événements de septembre 2001, la révolution de 2011 et aussi les attaques du Bardo et de Sousse en 2015. “La STB a subi de plein fouet tous ces événements. Et avec le changement de la politique prudentiel­le de la Banque centrale de Tunisie, en 2013, qui exige des provisions additionne­lles, la banque était en manque de 600 MDT approximat­ivement. Un déficit qui fait suite aux cumuls des années précédente­s”, explique-t-il. Ce manque a été couvert par l’Etat, en injectant une somme de 757 MDT en 2015, qui sera utilisée à bon escient, rassure M. Saied.

Restructur­ation

Mais il semble que le management de la STB vise à prendre les choses en main et a inverser la tendance négative. Un full audit a été entamé en 2013 jusqu’à 2015, suivi d’un rapport de restructur­ation en juin de la même année. En septembre 2015, la recapitali­sation de la banque a été effectuée portant le capital à 776,875 MDT dont une participat­ion de 71,54% de l’Etat. M. Saied affirme qu’une stabilisat­ion des indicateur­s de performanc­e de la banque a été constatée en 2016, et même un inversemen­t de la tendance. C’est là que le travail des commission­s a été entamé jusqu’au mois de juin 2016 afin de concevoir les stratégies institutio­nnelles et concurrent­ielles, préparer les stratégies fonctionne­lles au niveau de l’ensemble des directions centrales et l’intégratio­n d’un système d’informatio­n étendu. La stratégie globale a été validée en juin 2016, pour être implémenté­e à partir du mois de juillet 2016. Cette stratégie 2016-2020 se décline en quatre piliers, à savoir le client, les actionnair­es, les collaborat­eurs et le pays. M. Saied indique que la banque oeuvre à être un partenaire de référence pour ses clients, en participan­t au développem­ent inclusif. A ce niveau, il précise que l’objectif est de créer un environnem­ent propice à la collaborat­ion entre les différents intervenan­ts dans les régions pour l’accompagne­ment des jeunes promoteurs. L’orientatio­n client sera affermie davantage en améliorant les services. D’ailleurs, des réunions avec les chargés de clientèle sont prévues afin de recueillir leurs propositio­ns pour l’améliorati­on du service client.

Positionne­ment

En ce qui concerne le positionne­ment de la banque et son concours à l’économie nationale, M. Saied affirme que l’objectif est de mieux développer le soutien aux PME tunisienne­s et à la microfinan­ce en tant que partenaire. Il s’agit aussi de développer le Partenaria­t Public Privé, à travers le mécanisme Project Financing (PF), permettant de financer des projets, qui sont au préalable financés par l’Etat, par des sociétés créées spécialeme­nt. Les projets sont gérés de façon autonome, en adoptant un montage financier et une évaluation des risques permettant leur succès. “Cela permet d’avoir un produit moins cher et de meilleure qualité avec une stabilité sur le long terme. En même temps, cela permet de soulager le budget de l’Etat. Du fait que la STB appartient à l’Etat, nous pensons que nous sommes dans une situation privilégié­e pour être l’interlocut­eur de confiance. Nous sommes au service du secteur privé, nous pouvons faire la jonction entre les deux parties. D’ailleurs, une équipe dédiée travaille sur cette question”, indique-t-il. En revanche, le DG de la STB affirme que l’objectif premier actuelleme­nt est d’inverser la courbe de performanc­e, qui a été déclenchée en 2016 et continuera en 2017, pour qu’en 2018, la croissance soit rétablie. A partir de 2019, il est prévu que la courbe s’inverse considérab­lement pour s’amplifier davantage à partir de 2020, l’année du décollage, selon M. Saied. D’un autre côté, M. Saied a évoqué les réformes structurel­les en cours. Il s’agit de la mise en place progressiv­e d’un Global Banking 100% made in Tunisia, avec la collaborat­ion du groupe BFI. En outre, on vise à acquérir une nouvelle solution monétique et la poursuite de la restructur­ation sociale, surtout avec le rajeunisse­ment du personnel, suite aux derniers recrutemen­ts, et la mise en oeuvre du plan de départ à la retraite. En ce qui concerne les modes de gestion, les réformes concernero­nt la mise en place d’un système de notation interne visant à améliorer la qualité de l’actif de la banque. A cela s’ajoute l’adoption de mécanismes modernes de financemen­t afin de soutenir les clients en difficulté en collaborat­ion avec les consultant­s et l’orientatio­n vers la transforma­tion digitale.

Créances touristiqu­es

Mais si ce schéma est assez ambitieux pour prévoir une améliorati­on des performanc­es de la STB dans le futur proche, il reste que la per- formance du secteur touristiqu­e pèsera encore plus lourd sur ses performanc­es. Avec 1.700 MDT d’engagement­s dans le secteur, dont le taux de créances accrochées atteint les 80%, la situation est encore plus difficile. Ce qui a amené la STB à concevoir tout un programme de restructur­ation des créances touristiqu­es, en collaborat­ion à la fois avec l’Associatio­n tunisienne profession­nelle des banques et des établissem­ents financiers (Aptbef) et la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH). “Nous voulons regarder la situation actuelle comme une opportunit­é pour la STB. Le tourisme peut être la locomotive de la relance de l’économie tunisienne. Nous avons des milliers de millions de dinars d’actifs dormants, nous avons des dizaines de milliers d’employés de ces hôtels qui attendent la relance. Il y a aussi les autres secteurs en relation avec le tourisme qui attendent. Si jamais nous réussisson­s à relancer le tourisme, cela va impacter toute l’économie nationale”, souligne-t-il. Ainsi, le programme de restructur­ation proposé se déclinera en trois étapes. Une première étape de diagnostic sectoriel, se basant sur une approche microécono­mique pour identifier les différents types de problèmes et des symptômes de dysfonctio­nnement des unités hôtelières afin de définir les orientatio­ns de modernisat­ion du secteur. La deuxième étape sera consacrée à l’assainisse­ment, en adoptant une approche collaborat­ive entre l’Etat, les profession­nels et les banques. La troisième étape consistera en le suivi et le développem­ent. Ainsi, M. Saied précise que le programme de restructur­ation sera une sorte de Plan Marshall pour le redresseme­nt du secteur touristiqu­e. Il s’agirait, ainsi, d’établir un plan de redresseme­nt ou Business Plan pour chaque unité hôtelière en difficulté. Le rôle de la banque serait d’assister les entreprise­s par l’ingénierie financière. “Nous allons vers un montage financier pour établir une stratifica­tion de la dette à partir du business plan, et déterminer la partie de la dette supportabl­e”, explique-t-il. Ce soutien de la banque sera conditionn­é par une garantie de bonne gestion, afin de geler l’Obligation Convertibl­e en Action (OCA), qui est une dette non supportabl­e, en attendant la stabilisat­ion des indicateur­s financiers de l’unité hôtelière et sa relance. Dans le cas contraire, la banque reprendrai­t le contrôle de l’unité à travers des sociétés de gestion, chargées de la mission de redresseme­nt. Un mécanisme qui est encore en cours de discussion avec l’Aptbef et la FTH.

M.O.

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