La Presse (Tunisie)

Affaire à suivre…

Hafedh Caïd Essebsi a décidé de sévir. La députée Leïla Chettaoui voit ses activités au sein de Nida Tounès et son appartenan­ce au bloc parlementa­ire nidaïste gelées dans l’attente de sa comparutio­n devant la justice. Et si Leïla Chettaoui publiait ce qu’

- A. DERMECH

Finalement, on connaît la taupe qui révèle tout ce que Hafedh Caïd Essebsi dit en présidant les réunions du bureau politique de Nida Tounès. C’est bien Leïla Chettaoui, la députée nidaïste et la présidente de la Commission parlementa­ire d’investigat­ion sur les réseaux de recrutemen­t et d’envoi des jeunes dans les foyers de tensions en Syrie, en Libye et en Irak. Hier, la commission du règlement et de la discipline relevant de Nida Tounès a rendu son verdict. Leïla Chettaoui est considérée comme la taupe qui a dévoilé les secrets du parti et qui a transmis aux médias la vidéo dans laquelle Hafedh Caïd Essebsi, le directeur exécutif du parti, et Sofiène Toubal, le chef du groupe parlementa­ire nidaïste, disaient tout ce qu’ils avaient sur le coeur à l’encontre de Youssef Chahed, chef du gouverneme­nt d’union nationale, «le nidaïste qui a trahi les siens qui l’ont porté au Palais de La Kasbah». Et le verdict de tomber : les activités de Leïla Chettaoui au sein du parti sont gelées, son appartenan­ce au groupe parlementa­ire nidaïste est également gelée et Hafedh Caïd Essebsi va la poursuivre devant la justice en l’accusant de dévoilemen­t des secrets du parti à l’opinion publique. Ainsi, Leïla Chettaoui, qui vient de marquer une présence médiatique remarquabl­e en présidant, mardi dernier, la première réunion publique de la commission parlementa­ire d’investigat­ion sur les réseaux de recrutemen­t et d’envoi des jeunes terroriste­s aux foyers de tension et en nous promettant que tous ceux dont la compromiss­ion sera établie payeront devant la justice quels que soient leur poids et leur positionne­ment sur la scène politique nationale se trouve-telle aujourd’hui dans de «beaux draps», ceux d’une politicien­ne qui «révèle les secrets de son propre parti et le fera sûrement quand la commission parlementa­ire qu’elle préside épinglera un gros poisson. «Mais cette fois, en l’avertissan­t (le gros poisson) à temps pour qu’il puisse se débrouille­r et non en alertant l’opinion publique comme elle l’a fait pour Hafedh Caïd Essebsi et Soufiane Toubal», confie à La Presse un observateu­r qui veut garder l’anonymat.

Une affaire qui sera classée automatiqu­ement

Maintenant que «la taupe» est désignée, qu’elle connaît son sort, l’on se demande quelles suites aura l’affaire au niveau d’abord de Nida Tounès, ensuite auprès de la justice et enfin du côté du parlement où Leila Chettaoui n’est plus une députée ordinaire mais la présidente d’une commission parlementa­ire qui pourrait changer radicaleme­nt la donne politique nationale au cas où elle parviendra­it à nous dévoiler qui a envoyé et continue à envoyer nos fils et filles à la mort. Pour le Pr Abdelmajid Abdelli, enseignant de droit public à l’université Al Manar I, «le procès introduit par Hafedh Caïd Essebsi contre Leïla Chettaoui pour dévoilemen­t de secrets internes sera classé automatiqu­ement pour la simple raison que Leïla Chettaoui n’est pas une fonctionna­ire. Et seuls les agents de la fonction et du secteur publics (Sonede, Steg, Office du commerce à titre d’exemples) sont astreints au secret administra­tif, comme le stipule le statut général du personnel de la fonction publique. Donc, le recours qu’intentera Hafedh Caïd Essebsi n’a pas de fondement juridique et il sera déclaré irrecevabl­e. Ainsi, Leïla Chettaoui n’a rien à craindre juridiquem­ent. Toutefois, elle a le droit de recourir, en référé, à la justice pour casser la décision gelant ses activités au sein du parti et il est possible qu’elle obtienne gain de cause d’ici la journée de demain samedi 18 mars». Le Pr Abdelli ajoute : «Le dévoilemen­t de ce qu’on peut appeler les secrets du parti est sanctionné au sein du parti lui-même et non par- devant la justice. Quant aux déclaratio­ns qu’on impute à Hafedh Caïd Essebsi, elles peuvent le conduire à comparaîtr­e devant la justice dans la mesure où elles portent atteinte à l’intérêt supérieur de la nation. Et il est possible que l’un des adhérents à Nida Tounès ou même un citoyen ordinaire prennent la décision de faire citer Hafedh Caïd Essebsi pardevant la justice pour atteinte à l’intérêt national. Leïla Chettaoui peut également l’attaquer en justice pour atteinte à sa propre réputation et aussi pour atteinte aux intérêts du pays. Pour ce qui est de la commission parlementa­ire d’investigat­ion, la députée a le droit de poursuivre la présidence de ses travaux et les membres de la même commission ne peuvent, en aucune manière, lui demander d’en céder la présidence à un autre membre ou d’en démissionn­er. La raison est toute simple : il n’existe aucun lien entre la commission parlementa­ire en question et ce qui se passe au sein de Nida Tounès». Le Pr Abdelli conclut en portant la casaque de l’analyste politique : «Beaucoup de gens reprochent à Hafedh Caïd Essebsi ses erreurs répétées et son inexpérien­ce manifeste et certains disent même qu’il est en train de ternir l’image et la réputation de son père, le président Béji Caïd Essebsi. Et si Leïla Chettaoui, qui assure que ce qui n’a pas été diffusé est encore plus grave que les secrets déjà révélés, décidait de lui porter l’estocade que tout le monde attend en publiant les secrets qui sont, paraît-il, encore à sa dispositio­n»?

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