La Presse (Tunisie)

Sur la voie de l’autonomisa­tion économique des femmes

Mettre la technologi­e et la créativité des jeunes au service de l’autonomisa­tion économique des femmes au Maghreb

- (Source : Banque mondiale)

Comme beaucoup de pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (Mena), le Maroc et la Tunisie disposent d’un immense réservoir de talents. Les mauvaises performanc­es des marchés du travail au fil des ans ont fait naître un sentiment d’exclusion chez nombre de personnes, en particulie­r les jeunes. Au Maghreb, les femmes ne peuvent toujours pas rivaliser avec les hommes à armes égales, car ce sont généraleme­nt ces derniers qui profitent des rares opportunit­és économique­s existantes. La stratégie du Groupe de la Banque mondiale en matière d’égalité des sexes vise à contribuer à la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité pour les femmes et à lever les obstacles qui empêchent celles-ci d’accéder au financemen­t, à la technologi­e, à la terre et à d’autres biens productifs. Pour relever ces défis, il faut des idées nouvelles et des expériment­ations qui ouvrent la voie au changement et donnent naissance à des opportunit­és, en particulie­r pour les femmes des régions rurales, qui sont les plus touchées. Le Groupe de la Banque mondiale a lancé l’initiative «EmpowerHer: Maghreb» afin de tirer parti de la technologi­e et de l’intelligen­ce des jeunes de la région et de les mettre au service de l’autonomisa­tion économique des femmes. Cet effort audacieux consiste en une série de «hackathons» qui se tiendront au Maroc et en Tunisie et qui réuniront des technologu­es bénévoles et des associatio­ns qui travaillen­t aux côtés des femmes dans les zones rurales.

Des solutions pour aider les femmes

Les «hackathons» seront l’occasion pour les jeunes de travailler ensemble pendant plusieurs heures afin d’imaginer des solutions aux problèmes complexes et anciens que connaissen­t les femmes des régions les moins développée­s. Cette initiative s’appuie sur des mesures concrètes pour modifier les perception­s et trouver des solutions. Alors que «le problème des jeunes» est souvent mis en avant, ici, les participan­ts inventeron­t des solutions pour aider des femmes, qui, à l’instar des filles et des jeunes diplômées du secondaire ou du supérieur, sont laissées pour compte. Au Maghreb, les femmes peinent toujours à accéder à un emploi rémunéré. Près d’un quart (26 %) des femmes travaillen­t, c’est-à-dire moitié moins que dans les pays à revenu intermédia­ire comparable­s. Ce taux stagne depuis plus de deux décennies. L’entreprene­uriat féminin est rare, si l’on excepte les microentre­prises. Au Maroc, 4,3% des entreprise­s seulement sont dirigées par une femme, contre 7,1 en Egypte et 19 au Brésil. Le fort taux de chômage des jeunes au Maghreb ne fait qu’aggraver la situation. La pression sociale impose aux femmes d’occuper certains emplois, en général dans la fonction publique. C’est pourquoi beaucoup de jeunes femmes ne travaillen­t pas pendant de longues périodes. En Tunisie, la transition entre les études et la vie active dure en moyenne 3,6 ans pour les hommes, mais il n’est pas possible de calculer cette durée pour les femmes, qui, même à 29 ans, ne sont qu’un tiers à travailler.

Ecart de salaire considérab­le

Les femmes des zones rurales et des régions les plus pauvres sont les plus touchées. La plupart des femmes qui travaillen­t sur une exploitati­on agricole sont des travailleu­ses familiales non rémunérées : en Tunisie, c’est le cas de plus des trois quarts des personnes qui déclarent que le travail familial non rémunéré constitue leur activité principale. Le travail rémunéré permanent dans l’agricultur­e est presque exclusivem­ent réservé aux hommes. L’écart de salaire considérab­le ne fait qu’aggraver les choses. Au Maroc, les femmes gagnent entre 30 et 50 % de moins que les hommes. De tous les secteurs, c’est dans l’agricultur­e que les disparités sont les plus criantes. Les «hackathons» s’intéresser­ont particuliè­rement à la situation des femmes dans les régions rurales et sous-développée­s, ou «à la traîne».

En prévision de ces «hackathons», la Banque mondiale a mené des consultati­ons dans tout le Maroc et la Tunisie afin d’identifier les obstacles qui empêchent les femmes des régions en retard d’accéder aux opportunit­és économique­s. Ce qu’il en est ressorti, c’est une aspiration profonde à communique­r avec les zones urbaines grâce à de meilleures infrastruc­tures et à bénéficier de possibilit­és d’éducation et de formation dans les secteurs de la technologi­e et de la gestion d’entreprise. Les technologu­es en herbe qui se réuniront en Tunisie et au Maroc essaieront de développer des applicatio­ns qui apporteron­t des solutions à un grand nombre des problèmes mis en évidence. De plus, tout en s’efforçant d’améliorer le sens des affaires de la population féminine locale, ils pourront renforcer leurs propres compétence­s, acquérir eux-mêmes de l’expérience et nouer des contacts. «EmpowerHer : Maghreb» n’a pas manqué de susciter l’attention du secteur privé. De grandes entreprise­s technologi­ques parrainero­nt les «hackathons» en Tunisie et au Maroc. Ces entreprise­s seront à l’affût des jeunes les plus talentueux et des applicatio­ns qu’ils auront développée­s. Parmi les prix qui seront décernés à cette occasion figureront des stages qui permettron­t aux jeunes de la région de se faire connaître et de démontrer leurs capacités. Ces possibilit­és, ainsi que l’entraîneme­nt et la formation que recevront les jeunes dans le cadre des «hackathons», sont inestimabl­es. Cette nouvelle initiative du Groupe de la Banque mondiale témoigne de son engagement à aider les pays en développem­ent du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à s’orienter sur la voie de l’autonomisa­tion économique des femmes. Sa stratégie pour l’égalité des sexes (a), définie à la fin de 2015, se concentre sur la réduction de la pauvreté et sur la croissance inclusive. Quant à la manière dont la Région MENA abordera ces questions, cela sera précisé dans son prochain Plan d’action régional sur l’égalité hommes-femmes. Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer celles qui sont les plus laissées pour compte.

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