Un processus à peine commencé
Des études nationales arabes viennent d’être lancées, sous les auspices de l’Institut Raoul Wallenberg, organisme suédois, avec pour thème « Application des normes des droits de l’Homme dans la justice nationale ».
Des études nationales arabes viennent d’être lancées, sous les auspices de l’Institut Raoul Wallenberg, organisme suédois, avec pour thème « Application des normes des droits de l’Homme dans la justice nationale ». Sept pays dans la région Mena, à savoir l’Algérie, le Liban, le Maroc, l’Irak, la Palestine, la Jordanie et la Tunisie, ont, déjà, élaboré leurs propres documents, chacun ayant travaillé sur un chapitre judiciaire qui doit être étudié sous un angle droit-de-l’hommiste qui tient compte des lois et des conventions, en tant que deux références législatives complémentaires.
L’oeuvre juridique spécifique à chaque pays a été réalisée suite à une formation d’initiation à la mise en oeuvre des conventions internationales qu’ils avaient, déjà, signées en matière de droits de l’Homme. C’est dire que le monde arabe, à quelques différences près, n’accorde pas à ces textes internationaux l’intérêt qu’ils méritent. Dans le cas d’espèce, il n’y a plus d’harmonie entre l’application de la constitution et le recours aux conventions, bien que ces dernières occupent une place d’interposition. « Ces traités internationaux, approuvés par l’assemblée représentative et ensuite ratifiés, ont un rang supra-législatif et infra-constitutionnel », confirme l’article 20 de la nouvelle constitution de la Tunisie. Donc, ils doivent être pris en considération lors de la formulation des jugements rendus. Ce qui n’est pas le cas pour notre pays. Un secret de Polichinelle, à vrai dire. Et le ministre de la Justice, M. Ghazi Jeribi, a tenu, lui aussi, à le reconnaître. A l’ouverture des travaux, célébrant, hier, à Gammarth, le lancement de ces études arabes, le ministre a fait valoir l’apport des conventions internationales dans le renforcement des valeurs des droits de l’Homme. «Nous avons deux références juridiques constitutionnelle et conventionnelle qu’il faut mettre en cohérence, afin d’être conforme aux normes internationales des droits de l’Homme », avoue-t-il. Or, cela commande, d’après lui, de ne pas se contenter du côté institutionnel ou même législatif, il importe que les règles et principes des droits de l’Homme se traduisent dans les faits, à même de devenir une culture juridictionnelle. C’est que les justiciables ont, plus que jamais, besoin d’avoir confiance en leur justice et aux jugements rendus. Une vraie croyance en l’Etat de droit et des institutions, résume-t-il. Pour ce faire, le ministère de tutelle, poursuit-il, s’attelle à un vaste chantier de réforme judiciaire touchant essentiellement à l’infrastructure pénitentiaire, les procédures pénales, la vie carcérale et la relation du citoyen avec l’administration. « On est en train de multiplier les tribunaux et les étendre à plusieurs régions du pays, le but étant de rapprocher les services judiciaires du citoyen », fait-il encore savoir. De même, l’outil informatique s’avère indispensable dans la communication à temps des jugements auprès des autres tribunaux dans le pays.
L’enfant-victime, cinq principes pour la protection
De son côté, le directeur géné- ral de l’Institut supérieur de la magistrature, M. Mohamed Tahar Hamdi, a évoqué les grandes lignes de l’étude que la Tunisie a réalisée, en partenariat avec l’Institut suédois précité, sur la protection des droits de l’enfant-victime dans la justice pénale, eu égard aux normes des droits de l’Homme internationales. Il s’agit, selon lui, d’une lecture critique de l’état des lieux et les difficultés juridiques liées au code de l’enfance en Tunisie. Ce dernier est jugé, aujourd’hui, incompatible avec la teneur des conventions y afférentes. « A la lumière de certaines évolutions législatives en matière des droits de l’Homme, l’on peut dire que nous sommes un peu en retard, d’où il est nécessaire de rattraper le temps», reconnaît-il. Alors, le recours aux conventions dans l’application des normes des droits de l’Homme, et notamment ceux de l’enfant, demeure une obligation législative. Reste au juge d’avoir du flair et du courage pour faire bon usage des lois et conventions. Car, l’enfant-victime, précise-t-il, est la dernière innovation juridictionnelle en matière des droits de l’Homme. Le concept fut aussi utilisé lors de la conception de la récente loi portant sur la lutte contre la traite des personnes. A noter que l’étude concernée repose sur cinq prin- cipes : « l’intérêt supérieur de l’enfant, « son droit à s’exprimer en toute liberté et à être écouté, à protéger son intégrité physique, son droit à la réhabilitation et à la réinsertion sociale, ainsi que son droit à la justice. A ce propos, Mme Imen Siam, de l’institut suédois Raoul Wallenberg, considère une telle oeuvre de recherche comme une forme de compensation visant à rendre à l’être humain son humanisme. Elle suggère, en effet, que l’application des normes des droits de l’Homme en est la voie royale. Et d’abonder dans ce sens : « Le juge ne veille pas uniquement à l’application de la loi, il la conçoit ». Au-delà, estime-t-elle, ce nouveau comportement juridictionnel est de nature à changer des lois, les amender ou les abroger carrément. « De telles pratiques ne manquent certainement pas de consacrer les normes des droits de l’Homme », conclutelle. Certes, le chemin démocratique est toujours jalonné des défis et difficultés, mais il faut beaucoup d’audace pour les surmonter, ainsi s’exprime l’ambassadeur de Suède en Tunisie. Il a réitéré, en conclusion, l’engagement de son pays à soutenir l’expérience tunisienne, la qualifiant de source d’inspiration.