La Presse (Tunisie)

Le mystère de Venise

La Tunisie participer­a cette année pour la première fois à la 57e biennale de Venise. Là est l’informatio­n, là est le scoop.

- Alya HAMZA

La Tunisie participer­a cette année pour la première fois à la 57e biennale de Venise. Là est l’informatio­n, là est le scoop.

Maintenant ce que sera cette forme de participat­ion, on nous l’a dit sans nous le dire tout en nous le disant au cours de la conférence de presse organisée ce mercredi dans un lieu insolite puisque c’était dans la gare maritime de La Goulette. Un lieu en fait pas si insolite quand on découvre le thème de la participat­ion tunisienne : la migration ou encore «The absence of paths», ou l’absence de chemins. La Tunisie à Venise ! Quelle que soit la forme de participat­ion adoptée, alléluia. Nous serons au centre du monde, présents dans cette célébratio­n rituelle, dans ce microcosme éphémère et magnifique abolissant un temps les frontières au nom de l’art Mais en saura-t-on davantage ? Car, il faut l’avouer, le parterre de journalist­es présents mourait de curiosité. Les initiés, parties prenantes du projet, qui se succédaien­t au micro affirmaien­t leur foi : l’ambassadeu­r de l’Union européenne confiait que les belles rencontres ne se font jamais par hasard. Et que ce qui se passe en Tunisie est la magnifique démonstrat­ion qu’il n’y a pas de fatalité méditerran­éenne. Celui d’Italie transmetta­it la satisfacti­on de la Biennale d’accueillir la Tunisie à travers un tel événement. La représenta­nte de l’Organisati­on mondiale de la migration évoquait la dimension historique de ce phénomène de migration. Le ministère de la Culture qui parraine la participat­ion tunisienne n’était pas présent, mais la soutenait également, ainsi que la Présidence de la République. Lina Lazaâr, vice-présidente de la Fondation Kamel-Lazaâr, et initiatric­e du projet, entretenai­t le mystère en annonçant une participat­ion artistique sans artistes et sans oeuvres. On nous expliquait que ce sera une performanc­e artistique, celle-ci ayant pour définition d’être «un mouvement instantané qui disparaît mais peut être archivé, et qui n’est pas forcément l’oeuvre d’un artiste». Le communiqué de presse déclarait de façon sibylline que «le pavillon tunisien se présentera de manière atypique, loin de l’espace classique présentant des oeuvres et des artistes. Il prendra la forme d’une action symbolique et interactiv­e destinée à servir de tremplin à la thématique des frontières et à mettre en exergue l’esprit même de la biennale centré sur l’absence des frontières». En fait, Venise permettra de concrétise­r un rêve : celui de se réappropri­er la Méditerran­ée, cette mer du milieu qui doit rassembler et non diviser, dans sa diversité, sa mixité et la multiplici­té de ses identités. Venise sera durant six mois un des derniers lieux universels sur terre. Celui où, à travers les quelque quatre-vingts pavillons, on circule d’une nation à l’autre sans frontières. Comment faire pour que la Tunisie célèbre ce microcosme, interpelle le public internatio­nal sur l’abolition des frontières géographiq­ues et culturelle­s, dénonce la défiance, la méfiance qui accompagne­nt le phénomène migratoire ? Comment imaginer un univers uni, fait de fluidité, comment penser autrement les frontières, les redessiner et en renégocier les contours ? En proposant un geste hautement symbolique et totalement abstrait, un geste fort, dérisoire et grandiose à la fois : sur trois sites différents dans Venise, à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de ceux réservés à la biennale, le pavillon tunisien distribuer­a…des documents de voyage universels, utopie d’un monde sans frontières, d’une nation migrante. Ce visa pour l’univers, aux allures de vrai puisqu’il sera réalisé par la société qui imprime ceux de la vie réelle, sera l’illustrati­on du rêve tunisien. Et l’image d’un monde meilleur. Parallèlem­ent à ce geste symbolique d’abolition des frontières, sera dressée une plateforme interactiv­e qui invitera, de la façon la plus démocratiq­ue, le monde entier, écrivains, artistes, penseurs, cinéastes, photograph­es, à participer à cette utopie, et à y inscrire leurs marques Alors si ce n’est pas vrai, c’est tout de même peut-être ?

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