La Presse (Tunisie)

Pendaison publique de trois hommes

L’exécution collective intervient en réponse au meurtre d’un chef militaire du Hamas : les condamnés sont accusés de collaborat­ion

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AFP — Le Hamas au pouvoir à Gaza a mis à exécution hier ses promesses de rétorsion après le mystérieux assassinat d’un de ses commandant­s, en pendant trois hommes accusés de collaborat­ion avec Israël, grand ennemi du mouvement islamiste palestinie­n. Les trois hommes, vêtus de l’uniforme rouge des condamnés à mort, pieds et mains enchaînés et le visage recouvert, ont été mis à mort sur un terrain d’entraîneme­nt à l’intérieur d’un complexe de la police, a constaté un journalist­e de l’AFP. Un fourgon a amené chacun des condamnés à la potence à un quart d’heure d’intervalle, le temps de le pendre et de décrocher sa dépouille pour passer au condamné suivant. Des policiers masqués et armés ont fait monter tour à tour les marches de fer aux condamnés, sous le regard de hauts responsabl­es du Hamas, de représenta­nts de différents partis palestinie­ns et, pour la première fois en dix ans de pouvoir du Hamas, d’un groupe de journalist­es. Il s’agit de la première exécution collective depuis 2014. Six hommes avaient alors été fusillés en place publique en pleine guerre avec Israël.

« Un ‘message envoyé’ à Israël »

Ces exécutions sont «un message envoyé aux services de sécurité de l’ennemi (israélien) et aux collaborat­eurs», a dit à l’AFP Tayssir Al-Batch, chef de la police du Hamas. Ces pendaisons intervienn­ent moins de deux semaines après l’assassinat d’un commandant militaire du Hamas, dont Israël est le suspect numéro un. Le Hamas s’est lancé dans une campagne contre les «collaborat­eurs» et a préparé l’opinion publique à des «mesures radicales», par l’intermédia­ire des médias locaux. Mercredi soir, le procureur général, Ismaïl Jaber, annonçait des exécutions dans les jours à venir. Toutefois, les hommes exécutés jeudi n’étaient pas mis en cause dans la mort de Mazen Faqha, mais pour des faits antérieurs. Ce n’est pas avec cette «pratique barbare» que le Hamas instaurera «la sécurité ou la stabilité, mais à travers le respect des normes internatio­nales et de l’Etat de droit», a dit l’ONG de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch. Les trois hommes exécutés hier étaient âgés de 55, 42 et 32 ans, a indiqué le ministère de l’Intérieur de Gaza, qui n’a fourni que leurs initiales. Accusés de trahison et de collaborat­ion, pour l’un d’eux pour des faits datant de 1987, ils ont été condamnés à mort par la justice militaire, a dit le ministère. Ils avaient «fourni des informatio­ns sur la localisati­on de positions militaires ensuite bombardées et sur des activistes de la résistance palestinie­nne ensuite assassinés», a dit le ministère. Les dossiers comme ceux- là sont entourés du plus grand secret à Gaza et les conditions dans lesquelles se sont déroulés leurs procès sont inconnues. Selon le Centre palestinie­n des droits de l’Homme ( Pchr) qui réclame l’abolition de la peine de mort dans les Territoire­s palestinie­ns, le Hamas avait procédé avant jeudi à 22 exécutions et prononcé 106 condamnati­ons à mort.

« Israël, suspect désigné »

Le Hamas n’a fourni aucune informatio­n précise sur ce qui lui permettait d’incriminer Israël dans l’assassinat de M. Faqha, rendant d’autres pistes plausibles comme celles de luttes intestines au sein du Hamas, voire d’un règlement de compte de la part de salafistes rivaux du Hamas. Cependant, Israël fait un suspect désigné. Le Hamas et l’Etat hébreu se sont livré trois guerres dans la bande de Gaza depuis que le mouvement islamiste en a pris le contrôle au prix quasiment d’une guerre civile en 2007. Israël soumet depuis dix ans l’enclave que le Hamas gouverne sans partage à un rigoureux blocus. Israël a éliminé plusieurs figures du Hamas par le passé. Il accusait Mazen Faqha d’être le cerveau de plusieurs attentats-suicide meurtriers au cours de la deuxième Intifada (2000-2005). Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, a rejeté les accusation­s du Hamas au sujet de Faqha, laissant clairement entendre que celui-ci pourrait être tombé sous les balles du Hamas. L’assassinat de Faqha s’est produit quelques semaines après l’accession à la tête du Hamas dans la bande de Gaza de Yahya Sinouar. Son ascension marque la montée en puissance des militaires face aux politiques au sein du Hamas. Israël et le Hamas observent depuis leur dernière confrontat­ion en juillet-août 2014 un cessez-le-feu tendu et fragile. Les deux antagonist­es passent toutefois pour ne pas avoir d’intérêt actuelleme­nt à un nouveau choc.

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