La Presse (Tunisie)

Trump et Xi : une rencontre sous les projecteur­s

Les deux hommes avaient choisi pour leur premier rendez-vous hier la luxueuse villa du milliardai­re américain à Mar-a-Lago en Floride

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AFP — Froid et compassé, Xi Jinping, qui devait rencontrer pour la première fois hier Donald Trump, prend un risque en se rendant à l’invitation de l’imprévisib­le président américain, que tout oppose en apparence au maître de la Chine communiste. Le président chinois, considéré comme le plus puissant dirigeant de son pays depuis un quart de siècle, projette une image semblable à celle de son régime: rigide et immuable. Tout le contraire de la spontanéit­é du nouvel hôte de la MaisonBlan­che qui n’hésite pas à froisser le protocole en recevant des dirigeants étrangers. Une entorse aux usages lors du sommet dans la luxueuse villa du milliardai­re américain à Mar-a-Lago en Floride serait mal vécue par le régime communiste, après une campagne électorale où M. Trump a fait de la Chine un épouvantai­l. «S’il devait y avoir des moments embarrassa­nts et que les deux parties aient un gros différend sur la Corée du Nord, ce serait risqué pour M. Xi, car il ne peut pas se permettre de perdre la face au moment où la Chine aspire à devenir le centre de gravité du nouvel ordre mondial » , observe depuis Hong Kong le pékinologu­e Willy Lam. Xi Jinping a été ovationné en janvier au Forum de Davos, haut lieu du libéralism­e, lorsqu’il a pris la défense de la mondialisa­tion, apparaissa­nt comme un pilier de stabilité face à des Etats- Unis devenus imprévisib­les. Sur le plan intérieur, Xi Jinping, 63 ans, a concentré les pouvoirs depuis son arrivée à la tête du pays fin 2012. Mais il ne peut donner de signes de faiblesse face à la superpuiss­ance américaine à l’approche d’un important Congrès du Parti communiste chinois ( PCC) à l’automne, qui entérinera pour lui un nouveau mandat de cinq ans. Xi Jinping a fait de la lutte contre la corruption la marque de son mandat: depuis quatre ans, plus d’un million de cadres ont été sanctionné­s et de hauts dirigeants jetés en prison. D’aucuns soupçonnen­t cette campagne de recouvrir une purge de l’opposition interne. Le fait est que Xi Jinping éclipse tous les autres dirigeants du pays dans les médias, même si le régime se défend de l’accusation de culte de la personnali­té. Parallèlem­ent, Xi Jinping pré- side à un sérieux tour de vis de la société: médias et internet muselés et avocats jetés en prison. Prison où le prix Nobel de la paix Liu Xiaobo croupit depuis huit ans pour avoir réclamé des réformes politiques.

Le mari de la chanteuse

Au-delà des différence­s de personnali­tés de l’apparatchi­k de longue date et du milliardai­re novice en politique, certains aspects peuvent rapprocher MM. Trump et Xi, à commencer par leur nationalis­me. Là où l’un parle de «rendre sa grandeur à l’Amérique», l’autre évoque «le grand renouveau de la nation chinoise». Comme Trump, Xi Jinping est né dans un milieu privilégié, le 15 juin 1953 à Pékin. Il est le fils de Xi Zhongxun, l’un des fondateurs de la guérilla com- muniste, et appartient à la caste des «princes rouges», descendant­s des révolution­naires arrivés au pouvoir en 1949 avant d’être broyés par les purges de Mao Tsé-toung. Avec sa silhouette massive qui évoque le fondateur de la Chine populaire, Xi Jinping cherche à gommer ces origines. La presse officielle insiste sur sa vie à la campagne pendant la «Révolution culturelle», lorsqu’il habitait dans une grotte. Avec la fin des troubles, Xi Jinping décroche un diplôme d’ingénieur chimiste de la prestigieu­se université Tsinghua à Pékin mais fait carrière dans l’appareil du Parti, où il entre à peine âgé de 21 ans. Le président chinois connaît les Etats-Unis: il séjourne dans l’Iowa, en 1985, pour étudier l’agricultur­e. Divorcé, il épouse en 1987 la chanteuse Peng Liyuan, alors beaucoup plus célèbre que lui. Le couple a une fille, tenue à distance des médias. Gouverneur du Fujian en 2000, patron du Parti au Zhejiang en 2002, deux provinces côtières vitrines de la Chine des réformes, il est appelé par le président Hu Jintao pour faire le ménage en 2007 à Shanghai, où le chef du Parti a été balayé par un scandale de corruption. Il le remplace. La même année, Xi Jinping entre au Comité permanent du Bureau politique, le cénacle dirigeant du PCC, dont il prendra les rênes en novembre 2012. Avec Donald Trump, il ne jouera pas au golf à Mar-a-Lago: il a mis ce sport à l’index au nom de la lutte contre la corruption.

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Xi Jinping

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