L’Etat contraint à faire des choix
Le programme de développement de cinq ans prévoit un taux de croissance de 3,5% et un Smig (salaire minimum garanti) de 11.000 dinars annuel. Parmi ses grandes lignes, la modernisation du système bancaire, la réduction des inégalités régionales, la réform
Le programme de développement de cinq ans prévoit un taux de croissance de 3,5% et un Smig (salaire minimum garanti) de 11.000 dinars annuel. Parmi ses grandes lignes, la modernisation du système bancaire, la réduction des inégalités régionales, la réforme fiscale et celle de l’administration, la modernisation des centres hospitaliers
Si pas moins de cinq projets de loi sont à l’ordre du jour de la séance plénière tenue hier au palais du Bardo, le premier texte portant sur le plan quinquennal, 2016-2020, est de loin le plus important. C’est le premier plan national de développement établi, non pas uniquement sous la IIe République, mais depuis la révolution. Deux années ainsi que le concours de plusieurs départements ministériels, des organisations nationales et des députés ont été nécessaires pour identifier les objectifs et fixer les politiques publiques. Ce plan qui touche de manière transversale presque tous les secteurs d’activité, est porteur d’espoir et d’un nouveau modèle de développement, après que le précédent a montré ses limites. Les commissions locales et régionales y ont été mises à contribution. Face à un perchoir au grand complet au centre duquel siège le président Mohamed Ennaceur, l’hémicycle est rempli à peu près aux deux tiers, 126 députés ont répondu présent. Fait notoire, pour la première fois sont affichés sur les tableaux lumineux de l’Assemblée les noms des absents. La ministre des Finances et le ministre du Développement et de l’Investissement, installés avec leurs cabinets sur les travées consacrées à l’exécutif, sont venus en renfort soutenir le programme, en vue de son adoption par la chambre des représentants. Bémol, le planning de cette séance extrêmement chargée n’a pas été maîtrisé. Qu’une plénière démarre avec une heure de retard, c’est rentré dans les coutumes. Deux heures, un peu moins. Il se trouve que la commission du consen- sus, d’après les bruits de couloir, s’est tenue en conclave en vue d’« apaiser les esprits ». Le ciel de la coalition au pouvoir s’étant effectivement assombri ces derniers jours. En cause, les déclarations d’une nouvelle recrue de Nida Tounès, Cheikh Farid El Béji, qui aurait déclaré dans un meeting populaire, et avec le zèle des nouveaux convertis, que le parti Ennahdha sera éradiqué aussi facilement qu’on retire une bague du doigt. Déclaration inconséquente créant un malaise profond au sommet des institutions politiques, et que le concerné a reniée, accusant les journalistes d’avoir « sorti la déclaration de son contexte ». C’est classique ! Facteur aggravant du retard cumulé par la plénière, la commission parlementaire des finances et du développement a entrepris à lire, nous dit-on, le résumé de son rapport, lequel résumé gagnerait en efficacité à être résumé à son tour.
Toutes les régions sont en situation de demande
Fadhel Abdelkéfi, ministre du Développement, anticipant les critiques parlementaires, a prévenu qu’il s’agit d’un travail humain, et donc perfectible, que les choix et réformes ont été arrêtés à la suite de réunions d’arbitrage. Autrement dit, après l’identification des problèmes et des revendications par secteur et par région, ce sont les priorités les plus urgentes qui auraient un droit de préférence au niveau de l’exécution. Le programme de développement de cinq ans prévoit un taux de croissance de 3,5% et un Smig (salaire minimum garanti) de 11.000 dinars annuel. Parmi ses grandes lignes, la modernisation du système bancaire, la réduction des inégalités régionales, la réforme fiscale et celle de l’administration, la modernisation des centres hospitaliers. Le ministre a invité les représentants du peuple à ne pas perdre de vue les limites des ressources à disposition de l’Etat. Malgré ces contraintes rédhibitoires, en lieu et place des 45 MD prévus, 76MD seraient déboursés, dont 70% seront mobilisés pour les régions intérieures. La construction des réseaux autoroutiers et ferroviaires reliant l’Ouest à l’Est du pays sont prévus par le plan. Il est à relever, à l’issu du plaidoyer du ministre, que l’ajustement de ces stratégies nationales s’est fait après concertation avec les partenaires institutionnels et professionnels. Fadhel Abdelkéfi a prévenu que toutes les régions sont en situation de demande contraignant l’Etat à faire des choix. Le pourcentage des fonds levés varie par ordre graduel selon les principaux indicateurs économiques des gouvernorats. Les régions en bas du classement seraient, naturellement, les mieux favorisées.
Lutter contre la corruption
Malgré toutes les précautions prises par l’exposé ministériel, certains députés, notamment de la majorité, Nida Tounès et Ennahdha, censés théoriquement soutenir la politique du gouvernement, se sont fait remarquer par leur virulence. Préférant ainsi battre en brèche et le plan quinquennal et les choix entrepris par l’Etat. Prêchant chacun pour sa chapelle, comprenons pour ses électeurs, chaque parlementaire a défendu sa région et mis en avant les promesses faites à la population, restées lettre morte. D’autres élus, au contraire, faisant preuve de hauteur de vue, ont choisi de faire valoir un certain nombre de facteurs qui ont entravé jusque-là la mise en oeuvre des réformes publiques, aussi performantes soient-elles. D’abord, ils ont réclamé une lutte efficace et sans concession contre la corruption. Ainsi, et en substance, font-ils remarquer, l’inanité de lever des fonds dont une partie est subtilisée par des responsables véreux qui se partagent le butin entre eux et s’imposent le silence et une solidarité coupable. Les parlementaires n’ont pas eu de mots assez durs à l’encontre de la corruption et de ceux qui la pratiquent, ayant pour effet de miner tous les programmes nationaux. L’administration lente et inadaptée qui pénalise les meilleures initiatives, a été dans leur viseur également. Certains parlementaires ont revendiqué une rapide mise en oeuvre du plan de développement, pointant du doigt les failles structurelles et la lenteur des responsables chargés de l’exécution. Ils ont réclamé que le plan quinquennal assure un saut qualitatif, moyennant une discrimination positive. Des élus ont mis en avant l’urgence de mettre le pays sur une bonne trajectoire économique après la réussite de la transition politique. Des voix raisonnables ont appelé à mettre fin aux surenchères politiques et travailler en harmonie dans le cadre institutionnel d’un gouvernement d’union nationale. A l’heure où nous mettions sous presse, le débat se poursuivait encore. A suivre donc.