Les réponses cathodiques de M. Youssef Chahed
Cela frise désormais le rituel gouvernemental. Toutes les fois que le gouvernement est mis à mal, M. Youssef Chahed fait une sortie qui se veut fracassante dans les médias. En sept mois d’exercice à la tête du gouvernement, il s’apprête à effectuer aujour
Les deux dernières apparitions n’ont guère été heureuses. Celle du 28 septembre 2016, un mois après son investiture, avait mis le feu aux poudres du bras de fer avec la centrale syndicale, l’Ugtt. Il a fallu attendre la mi-décembre pour que ses effets pervers et délétères retombent. Le second chef de l’exécutif avait asséné alors, à l’emporte-pièce, qu’il n’y aurait guère d’augmentations salariales avant 2019. Lors de la deuxième interview télévisée, le chef du gouvernement avait aligné derrière lui les membres du gouvernement, assis docilement tels des moutons de Panurge. Et ce fut un non-événement au bout du compte, hormis l’intention du chef d’exercer son cheffisme. Aujourd’hui, le gouvernement est à la croisée des chemins. La lame de fond des protestations sociales enfle. Toutes les régions du pays, ou presque, sont touchées. Le commun des Tunisiens, les jeunes en prime, réclament le développement, le travail, les attributs de la vie digne. D’un autre côté, le gouvernement subit les contrecoups des calculs politiques et politicards. La liste des signataires du fameux pacte de Carthage, ayant présidé à la formation du gouvernement dit d’union nationale, se rétrécit comme peau de chagrin. Nida Tounès, mentor de Youssef Chahed, ne soutient plus le chef du gouvernement. Ou le soutient du bout des lèvres. Certains proches des cercles du pouvoir, dans les secrets des dieux, affirment même que Nida chercherait à remplacer M. Youssef Chahed à la tête du gouvernement d’ici quelques semaines. Tels furent les propos tenus par M. Lazhar Akremi, dirigeant de Nida, pas plus tard qu’il y a deux jours. En même temps, Ennahdha, autre principal parti de la coalition gouvernementale, a lâché ses troupes de base et intermédiaires, qui font bloc avec les protestataires dans différentes régions. L’un des dirigeants de premier plan d’Ennahdha, Sayed Ferjani, était à la tête, ces derniers jours, des manifestants à Oueslatia. Le gouvernement Youssef Cha- hed chancelle. Il ne tombe pas, certes, mais sa crédibilité est profondément entamée. Les gens ont l’impression que rien ne change. Le changement promis tarde à venir. Les problématiques du chômage, de la propreté des villes et du mobilier urbain, du désenclavement des régions intérieures sinistrées, des déséquilibres régionaux, de l’exclusion, de la misère, persistent. Les investissements tarissent, les exportations stagnent, les balances des paiements et commerciale sont largement déficitaires. Bref, le topo n’est guère reluisant. Et Youssef Chahed s’ingénie à trouver des parades aux problématiques à coups de sorties médiatiques. Étranges postures. Voici venu le temps des réformes cathodiques. Pourtant, ces derniers jours, une lueur d’espoir est visible. Le Parlement a bien adopté le Plan de développement économique et social 2016-2020. La date des élections municipales à été entérinée. Les élections municipales pourraient servir comme levier de mise en place d’un développement économique et social intégré dans les localités. D’autant plus que le matériel, les ressources et l’encadrement des municipalités sont déjà fin prêts. Il importe cependant d’adopter au préalable le Code de la fiscalité locale. Par ailleurs, les échanges avec les représentants du FMI, ayant récemment séjourné dans nos murs, semblent prometteurs aux dires des officiels. A l’issue d’une rencontre avec eux, même l’Ugtt a déclaré que l’attitude et les propos des représentants du FMI autorisent un optimisme raisonné. M. Youssef Chahed et son staff gagneraient à savoir que la multiplication des sorties médiatiques et cathodiques n’est guère la panacée. Elle peut même devenir contre-productive. S’il y a réponse, elle est sur le terrain, dans le vécu des gens, et non point dans les discours et parades médiatiques. Autrement, tout ne serait que tchatche et poudre aux yeux.