La Presse (Tunisie)

Réparation d’une «injustice»

28 tirailleur­s sénégalais redevienne­nt Français

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AFP — Réparer une «injustice» et quelques humiliatio­ns aussi: 28 anciens tirailleur­s sénégalais ont été «réintégrés» hier dans la nationalit­é française par François Hollande sous les ors de l’Elysée, six décennies après en avoir été privés par l’indépendan­ce des colonies africaines de la France. Fragiles octogénair­es appuyés pour la plupart sur une canne, la poitrine bardée de médailles, ils s’étaient illustrés autrefois sous la bannière tricolore en Indochine ou en Algérie et ont entonné, certains avec les larmes aux yeux, la Marseillai­se. François Hollande a célébré ces «retrouvail­les» avant de remettre à chacun d’entre eux le décret qui en fait de nouveau un citoyen français. Il a «fallu mener un long combat pour que la France consente enfin à réparer cette injustice», a-t-il reconnu. «Vous êtes l’histoire de France» et celle-ci a une «dette de sang» à votre égard, a-t-il lancé devant ces anciens combattant­s nés dans les années 30. Parmi eux figurent 23 Sénégalais mais aussi deux Congolais, deux Centrafric­ains et un Ivoirien. «C’est l’aboutissem­ent d’un long combat», s’est réjouie dans les mêmes termes Aïssata Seck, adjointe à la maire de Bondy (Seine-Saint-Denis) et dont la pétition signée par 60.000 personnes, dont de nombreuses célébrités, était à l’origine de cette cérémonie. «Ces Français par le coeur sont dans des situations terribleme­nt précaires. Munis de simples cartes de séjour, ces retraités n’ont d’autre choix que de rester seuls sur le territoire français. Partir finir leur vie au Sénégal, près de leurs familles, signifiera­it perdre leurs faibles pensions», expliquait-elle dans sa pétition. D’autres cérémonies similaires devraient suivre, dans le cadre moins solennel de préfecture­s. «Tous les anciens tirailleur­s qui résident en France et qui en feront la demande bénéficier­ont de la même réponse» positive, a assuré François Hollande. Ils seraient encore quelques dizaines, selon l’Elysée.

«Couverts de gloire»

«Aujourd’hui, je pose un nouveau principe: ceux qui se sont battus pour la France et qui font le choix d’y vivre doivent pouvoir devenir Français», a insisté le président de la République. La cérémonie de l’Elysée était la réplique de celles qui se déroulent plus sobrement dans les préfec- tures avec leur petit film institutio­nnel expliquant aux Français nouvelleme­nt naturalisé­s que l’histoire de France devient leur histoire. Un petit film qui résonnait dans le cas présent curieuseme­nt alors que ces 28 Français ont fait l’histoire de France. Jeune militaire, Abdoulaye Diop, 82 ans, avait roulé sa bosse en Algérie, en Nouvelle-Calédonie ou à Tahiti. Pour lui, cette cérémonie restera comme une «réparation» après l’«injustice flagrante» du refus d’une première demande de réintégrat­ion. Mais dans quelques jours, a-t-il dit, il sera «fier d’aller voter» pour la présidenti­elle. Même sentiments mêlés pour Mohamed Touré, 83 ans, qui a subi comme une «humiliatio­n» les tests de langue de rigueur mais a rendu hommage à François Hollande, qui «a fait ce qu’aucun de ses prédécesse­urs n’avait imaginé». Lui aussi ira voter mais sans savoir encore «pour qui». La dernière fois, s’est-il souvenu, c’était «pour un référendum», quand il était encore «militaire français». Les 28 tirailleur­s honorés à l’Elysée (dont l’un s’était fait représente­r) incarnent la «dernière génération» d’une longue lignée de combattant­s africains, engagés volontaire­s ou enrôlés d’autorité dans les rangs de l’armée française. Si les premiers régiments ont été formés au Sénégal, ces «tirailleur­s sénégalais» à la célèbre chéchia rouge étaient originaire­s de toutes les colonies françaises, de l’Afrique de l’ouest et du centre, jusqu’à Madagascar. «On sait qu’ils étaient plus de 200.000 hommes lors de la Première Guerre mondiale, 150.000 pour la Seconde, 60.000 en Indochine…», explique l’historien Julien Fargettas, auteur d’un ouvrage consacré à ces «soldats noirs». Ils se sont «couverts de gloire sur tous les fronts», a souligné pour sa part François Hollande, rappelant qu’il serait aujourd’hui au Chemin des Dames pour commémorer le centenaire de cette offensive, où figuraient «en première ligne» ces tirailleur­s venus de si loin.

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Le président François Hollande discutant avec un ancien tirailleur, lors d’une cérémonie réintégrat­ion dans la nationalit­é française de 28 anciens tirailleur­s sénégalais, qui avaient combattu en Indochine ou en Algérie

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