La Presse (Tunisie)

Investisse­ments : l’etat sème à tout vent

- Par Mahmoud HOSNI

BRUIT sourd et colère dans les régions qui se propagent comme un feu de paille. La revendicat­ion est presque la même et se répète comme un leitmotiv: l’emploi et le développem­ent. Les zones marginalis­ées réclament ainsi leur part de soleil suite notamment aux promesses faites par les gouverneme­nts successifs quant à l’instaurati­on d’un nouveau modèle de développem­ent qui rompt avec le schéma désuet et d’une discrimina­tion positive.

Deux cas de figure illustrent clairement l’immobilism­e de l’Etat et de l’administra­tion : le sit-in des ouvriers de l’usine de câblerie automobile au Kef. Celle-ci emploie près de 450 salariés et veut en libérer 53 pour fin de contrat. Mais les ouvriers refusent cette décision, dès lors qu’il s’agit de l’unique unité qui constitue le principal employeur de la région, nourrissan­t des centaines de familles. En effet, dans cette zone où l’Etat a aménagé des zones industriel­les à coups de millions de dinars, l’investisse­ment n’a pas suivi en dépit des incitation­s que l’Eat a fait miroiter. Ces zones sont ainsi restées presque désertes, faute d’un aménagemen­t adéquat : elles sont implantées presque en pleine campagne, sans centres de vie, sans logements pour les ouvriers et sans moyens de transport, loin des zones urbaines.

A ce propos, l’Etat n’a nullement retenu la leçon pour réviser sa politique d’aménagemen­t de zones industriel­les dans les régions en poursuivan­t un investisse­ment presque à fonds perdus et une action du type «je sème à tout vent», en attendant l’arrivée aléatoire — dans combien d’années — d’improbable­s investisse­urs…

Le deuxième exemple dans ce paysage de la colère est celui de l’unité de cellulose de Kasserine. Cet employeur quasi exclusif de la région qui fait vivre des centaines de familles — entre emplois directs et indirects — est aujourd’hui à l’arrêt, faute de fonds. Les ouvriers en sit-in réclament à l’Etat des subvention­s pour faire redémarrer l’usine.

Un exemple illustre l’état de ce cas similaire à celui du Kef : dans le secteur du textile, un fléchissem­ent a été enregistré en matière de nouveaux investisse­ments. Ainsi huit entreprise­s ont fermé et cinq autres ont interrompu leurs activités contre quatre nouveaux projets lancés. Parmi les difficulté­s auxquelles fait face le secteur : l’insuffisan­ce de la main-d’oeuvre spécialisé­e, l’absence d’une infrastruc­ture moderne et d’un centre sectoriel du textile.

Résumons-nous : pour promouvoir les régions, l’Etat va-t-il se contenter d’aménager des zones industriel­les et d’instaurer des incitation­s en l’absence d’une vision stratégiqu­e, prospectiv­e et globale ? Va-t-il ainsi poursuivre la politique des investisse­ments perdus et aléatoires, sans de réelles mesures efficaces d’accompagne­ment ?…

L’Etat n’a nullement retenu la leçon pour réviser sa politique d’aménagemen­t de zones industriel­les dans les régions en poursuivan­t un investisse­ment presque à fonds perdus et une action du type «je sème à tout vent», en attendant l’arrivée aléatoire — dans combien d’années — d’improbable­s investisse­urs…

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