« Il est urgent de lancer un plan d’action »
L’accord conclu entre la Tunisie et le FMI pour le déblocage de la deuxième partie du crédit va permettre d’améliorer les ressources financières de l’Etat. Quel est l’impact de ce crédit sur la situation économique ? M. Abdeljalil Bédoui, expert en économie, a bien voulu répondre à nos questions
• Que pensez-vous de l’accord conclu
entre la Tunisie et le FMI en vue de débloquer le reste du crédit contracté ?
Ce crédit n’est pas conforme aux attentes de la Tunisie ni aux exigences des difficultés, en particulier celles qui sont d’ordre financier. Le crédit aurait dû être débloqué dans sa totalité et non par tranches. C’est un compromis qui a été trouvé entre la Tunisie et le FMI pour avancer dans les réformes. Cet accord signifie aussi que les deux parties entretiennent des relations et il faut bien éviter la rupture. • Quel est l’impact de ce crédit sur
l’économie nationale en général et sur l’aspect financier en particulier ?
L’impact de ce crédit sur l’économie se traduit par un allégement de la Tunisie pour le recours aux banques pour faire face aux diverses échéances comme le versement des salaires, le fonctionnement du budget. En plus, ce compromis a permis d’émettre certains messages positifs à nos partenaires bailleurs de fonds comme la Banque mondiale et la Banque africaine de développement. C’est rassurant. Cela montre qu’il n’existe pas de rupture avec le FMI qui a formulé l’espoir de voir les réformes aboutir. • Comment relancer l’économie, selon vous, sans porter atteinte au dossier
social ?
Le social n’est pas déconnecté de l’économie. Si la situation économique s’améliore, elle aura un impact sur le social. En se référant aux propos du chef du gouvernement lors du débat télévisé, je dirais qu’il n’y a pas d’orientation productive rassurante. Il table sur une relance économique sur la base de l’augmentation de la production, de l’amélioration des recettes touristiques et de l’accroissement des exportations. Je vois mal comment on peut réaliser ces objectifs dans un contexte de dégradation alarmante caractérisée par des déséquilibres internes et externes, un climat de corruption qui reste enracinée et qui se répercute sur la société. C’est un contexte dans lequel on maintient un modèle qui a été à l’origine du mouvement social. Le temps est venu pour revoir ce modèle. La classe politique ne montre pas une volonté de s’attaquer à la corruption, à l’évasion fiscale, à la fuite des capitaux vers l’étranger. En l’absence d’un plan d’action décisif avec des échéances précises, il est difficile de relancer la machine économique. Il faut réellement lutter contre l’évasion fiscale et le commerce parallèle qui représente 55% du commerce en général et qui menace le commerce structuré. Des priorités doivent être définies sans négliger les redressements fiscaux. L’une des priorités doit concerner le circuit parallèle en prenant des mesures exceptionnelles. Il faut bloquer et saisir le patrimoine des commerçants ambulants à l’instar de ce qui a été fait avec les biens mal acquis confisqués de l’ancien régime. C’est ainsi que l’on pourra améliorer les ressources financières de l’Etat. On doit lutter aussi contre l’évasion fiscale et la fuite des capitaux pour alimenter le budget et réduire le recours aux crédits. La Tunisie doit également appliquer la clause de sauvegarde avec certains pays comme l’Union européenne et la Turquie, à titre d’exemple, pour protéger notre industrie. Il semble qu’il existe une absence de conscience de la gravité de la situation que nous vivons ou une incapacité de faire face à cette situation inquiétante.