Des services en deçà des attentes
La logistique représente des coûts de l’ordre de 20% du PIB, «une performance bien en deçà de celle des pays émergents (15%) et des pays développés (7 à 10%)»
Le déploiement d’une chaîne logistique globale performante et capable d’arrimer l’industrie tunisienne à l’économie mondiale est un facteur important pour développer les activités à forte valeur ajoutée. La logistique est l’ensemble des activités de transport, de manutention et de transfert des marchandises , y compris les services d’infrastructure, de support ou d’affaires le long de la chaîne par laquelle passe la marchandise. Le rapport élaboré et présenté récemment par l’Ocde sur l’investissement dans la chaîne logistique en Tunisie rappelle que la performance de la logistique figure au premier rang des actions publiques contribuant à l’émergence des chaînes de valeur mondiales. La performance de ce secteur présente, en effet, un levier permettant aux producteurs de se connecter aux marchés. Au cours des dernières années, «la Tunisie s’est retrouvée confrontée à l’accroissement de la pression concurrentielle de pays qui ont largement amélioré leurs réseaux d’infrastructures et de chaînes logistiques tandis que ceux de la Tunisie ont vu leur qualité se détériorer sous le poids des difficultés politiques, économiques et sociales» , précise-t-on dans ce rapport. La logistique représente, en effet, des coûts de l’ordre de 20% du PIB, «une performance bien en deçà de celle des pays émergents (15%) et des pays développés (7 à 10%)», selon la Banque mondiale. Le rapport se concentre sur la réforme institutionnelle du secteur de la logistique en vue de consolider la gouvernance de la chaîne globale ou chaîne d’approvisionnement. Cette réforme est inscrite dans le plan de développement 2016-2020 du secteur du transport et de la logistique. Cette réforme vise l’intégration de la Tunisie dans les chaînes de valeur mondiales en augmentant sa capacité logistique utile, en baissant les coûts de transaction par tonne de marchandises transportées, en réduisant l’impact environnemental des flux de marchandises et en contribuant à une meilleure intégration des régions. «L’amélioration des performances logistiques pourrait aussi contribuer à la création d’emplois dans les années à venir. En effet, le nombre d’emplois existants dans les secteurs transport et logistique en Tunisie s’élève à 3,5% de la population active» . Ainsi, pour renforcer sa compétitivité, le plan de développement prévoit la mobilisation d’investissements conséquents pour les infrastructures logistiques, en particulier l’aménagement de grandes zones d’activités logistiques, financées à 80% par des investissements privés. Le rapport indique que le gouvernement tunisien a engagé, avec la collaboration de la Banque mondiale, des actions visant à accroître l’intégration de l’économie nationale dans les chaînes de valeur mondiales et réformer la gouvernance de la chaîne d’approvisionnement dans le cadre du troisième volet du programme de développement des exportations (PDE III). Ainsi, «l’adoption de la loi sur l’investissement en 2016 a confirmé la volonté et l’engagement du gouvernement pour transformer son économie, et la détermination à exploiter la globalisation et le redéploiement des chaînes de valeur mondiales pour faire valoir la capacité de son secteur productif à conquérir de nouveaux marchés et à développer une nouvelle stratégie d’investissement orientée vers davantage d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales». Au cours des quatre dernières décennies, la Tunisie a développé certaines chaînes de valeur et augmenté ses exportations et importations. En effet, certains secteurs économiques participent déjà activement aux chaînes de valeur mondiales, en utilisant les intrants étrangers pour leurs exportations tout en écoulant leurs produits à l’étranger, notamment les machines et appareils électriques et les produits électroniques. Néanmoins, «d’autres secteurs, tels que le secteur agricole et agroalimentaire, pourraient bénéficier d’une participation plus active au commerce international» .
Des services qui tardent à se développer
La Tunisie dispose d’avantages concurrentiels qui représentent une opportunité pour le développement des activités logistiques, qui pourraient la qualifier pour devenir un pôle logistique dans le sud de la Méditerranée. Néanmoins, alors que la Tunisie dispose d’un potentiel pour devenir un hub logistique pour les entreprises européennes, «le secteur est encore naissant et le marché logistique demeure peu développé». Cela est dû essentiellement au déficit que connaît le secteur en termes de services d’infrastructures et de services de support à la chaîne logistique, ce qui a généré une perte de compétitivité et de productivité économique. Concernant la demande, «la Tunisie souffre d’un manque de confiance des entreprises tunisiennes qui n’arrivent pas à déléguer la logistique de distribution de leurs produits». De même, le pays souffre de l’absence d’une offre globale et complète des services logistiques, de pôles de spécialisation logis- tiques ou maritimes à proximité d’aéroports, de ports ou de zones de transit, d’une flotte mal adaptée aux produits transportés, des espaces de stockage insuffisants et non conformes aux normes. Parmi les lacunes figure le déficit de capacité de transport, principalement lors des pics de production, ce qui a un impact négatif sur les exportations des produits agricoles, et la faiblesse des filières de formation spécialisées transport et logistique. Par ailleurs, le rapport montre que le transport tunisien est faiblement connecté aux pays voisins, représentant ainsi un frein pour le développement du commerce transfrontalier. Outre le réseau routier qui n’arrive pas à accompagner les besoins croissants de transit de personnes et de marchandises, l’infrastructure et les services portuaires constituent un important goulot d’étranglement à la compétitivité.
Un secteur peu compétitif
Selon la Banque mondiale, le coût de la logistique représente 16% des coûts pour les entreprises exportatrices tunisiennes qui opèrent dans les secteurs du textile et des composantes automobiles, contre 11% pour les pays développés. «Elle demeure au centre des préoccupations des investisseurs étrangers en Tunisie car les coûts de la logistique n’ont cessé d’augmenter au cours de la dernière décennie. Selon la Banque mondiale, seulement 61% des cargaisons entrant en Tunisie en 2016 répondent aux critères de qualité des opérateurs mondiaux».