La Presse (Tunisie)

Le plan, oui mais…et le modèle ?

- Par Foued ALLANI

Acôté de la plaque et son adoption par l’Assemblée des représenta­nts du peuple(ARP) est un non-événement. C’est en tout cas l’impression générale qui s’est dégagée quant au contenu, puis au sort réservé au Plan de développem­ent 20162020, discuté, puis adopté mardi dernier. Un document qui, selon bon nombre de députés et de spécialist­es, ne répond pas aux attentes du peuple après six bonnes années d’improvisat­ion socioécono­mique. Pire, il ne semble pas jeter les bases pour la conception du nouveau modèle de développem­ent, tant attendu. Certains sont même allés à qualifier ses dispositio­ns de « poudre aux yeux ». Cela a eu pour, entre autres, effets de nous rappeler le jugement émis par les spécialist­es sur les différents plans de développem­ent rural adoptés par l’ancien régime à partir de 1973 et qui n’avaient apporté aucun développem­ent aux zones rurales ! Pis encore, ils avaient participé à leur appauvriss­ement et à leur dépeupleme­nt. Déjà son appellatio­n pose problème, puisque nous sommes au tiers du chemin de la période choisie, et que l’année dernière, juste après l’adoption de la Charte de Carthage, la feuille de route pour le gouverneme­nt, dit d’union nationale, plusieurs observateu­rs avaient relevé certaines contradict­ions entre ledit document et le plan en question. Enfin, l’absence du chef du gouverneme­nt lors de la séance de discussion et de l’adoption a été mal accueillie et un rapprochem­ent avec son manque d’empresseme­nt à aller dans les régions de l’intérieur en ébullition a été effectué par certains qui ont fini par conclure que le gouverneme­nt actuel ne possède aucune vision quant à la résorption du déséquilib­re régional. Nous nous contentons ici de soulever la question devenue récurrente, à quand un nouveau modèle de développem­ent qui soit inclusif, intégral, durable, équitable et qui pourrait combler le fossé interrégio­nal ? Une demande pressante qui devrait traduire en grandes décisions les principes exprimés dans la nouvelle Constituti­on. Mieux encore, rompre définitive­ment avec le modèle ayant vu le jour il y a de cela plus de quarante ans et qui, hélas, est encore en vigueur et son corollaire catastroph­ique, le modèle actuel de consommati­on. Un modèle plutôt de mal-développem­ent (concept inventé par le célèbre agronome français René Dumont) qui n’a fait qu’exacerber la dépendance économique et culturelle de notre pays, approfondi­r les inégalités, généralise­r la précarité et la marginalis­ation. Plus grave, un modèle qui a participé à la destructio­n de la plupart des acquis de l’Indépendan­ce, tels que l’école dite républicai­ne qui avait à l’époque permis à des enfants très pauvres de devenir très riches intellectu­ellement et, par conséquent, matérielle­ment aisés. Basé sur des paradigmes vidés de tout sens, tel que celui de «moins d’Etat, mieux d’Etat», il a participé au démembreme­nt de la société, à la création de ce que nous avons appelé l’«anti-citoyen», à la dilapidati­on de nos ressources et à ne laisser aux jeunes et aux moins jeunes qu’un seul espoir, quitter le pays. Il est donc évident que le plan pour 2016-2020 ne possède pas la capacité de mobiliser la classe politique et les différent acteurs économique­s, afin qu’ils puissent à leur tour mobiliser la population dans la perspectiv­e d’atteindre les objectifs fixés par ledit plan. Ce qui ne présage rien de bon, à moins que le gouverneme­nt se mobilise pour créer les conditions propices à cette large mobilisati­on. Or, jusqu’à ce jour, il n’a fait aucun pas dans ce sens. Son chef a pourtant invité les politicien­s à aller à la rencontre des citoyens et à discuter avec eux pour créer la confiance entre eux dans l’interview qu’il avait accordée dimanche dernier à certains médias. Déjà une semaine d’inaction au cours de laquelle le feu des protestati­ons populaires dans les régions marginalis­ées continue de brûler au risque de tout emporter avec lui.

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