La Presse (Tunisie)

Le spectre d’une « nouvelle Intifada » plane

« Environ 1.500 » prisonnier­s palestinie­ns, selon Ramallah, ont entamé lundi un bras de fer avec les autorités israélienn­es en refusant de se nourrir

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AFP — Les Palestinie­ns ont dénoncé hier le refus d’Israël de négocier avec les 1.500 détenus palestinie­ns en grève de la faim, en prévenant au troisième jour de ce mouvement que la mort de l’un d’eux pourrait déclencher une «nouvelle Intifada». A l’appel du plus célèbre d’entre eux, Marwan Barghouthi, «environ 1.500» détenus palestinie­ns, selon l’Autorité palestinie­nne, ont entamé lundi un bras de fer avec les autorités israélienn­es en refusant de se nourrir. Aussitôt, l’administra­tion pénitentia­ire a transféré Marwan Barghouthi et l’a placé à l’isolement dans la prison de Jalame, connue pour y avoir «le pire mitard» d’Israël, selon Issa Qaraqee, chargé des prisonnier­s au sein de l’Autorité palestinie­nne et lui-même un ancien détenu. Agé de 57 ans, Marwan Barghouthi a été condamné à cinq peines de prison à perpétuité pour des attentats meurtriers lors de la deuxième Intifada (2000-2005). Interrogée par l’AFP, l’administra­tion pénitentia­ire israélienn­e a refusé de donner le nombre de grévistes ou de détailler les mesures disciplina­ires prises à leur encontre. Selon M. Qaraqee, les visites d’avocats et de proches sont désormais interdites aux grévistes.

Approche « Thatcher »

Car Israël a prévenu dès lundi: il n’y a «pas de négociatio­n» possible avec «des terroriste­s et des assassins», terme utilisé par plusieurs ministres pour qualifier les grévistes de la faim qui réclament notamment des droits de visite élargis, l’accès au téléphone ou des visites médicales régulières. L’ultra-nationalis­te ministre de la Défense Avigdor Lieberman a même plaidé pour «l’approche de Margaret Thatcher». L’ancienne Premier ministre britanniqu­e avait en 1981 refusé d’accéder aux exigences de détenus irlandais de l’IRA grévistes de la faim. Dix d’entre eux étaient morts. M. Qaraqee a dénoncé, auprès de diplomates réunis hier à Ramallah, en Cisjordani­e occupée, de telles incitation­s à la haine». Tandis que Chaawane Jabarine, qui dirige l’ONG palestinie­nne des droits de l’Homme Al-Haq, s’est inquiété de la possible applicatio­n d’une loi israélienn­e adoptée en 2015 et très controvers­ée qui permet de nourrir de force des détenus en grève de la faim.

De telles pratiques, qui ont suscité une levée de boucliers parmi les médecins israéliens, «s’apparenten­t à de la torture», a-t-il affirmé. Elles «peuvent mettre en danger la vie des grévistes de la faim» qui n’ingurgiten­t plus depuis trois jours que de l’eau et du sel. La ministre israélienn­e de la Justice, Ayelet Shaked, a déjà dit qu’elle n’hésiterait pas à utiliser cette loi pour briser ce mouvement lancé par Marwan Barghouthi, régulièrem­ent en tête dans les sondages pour une hypothétiq­ue présidenti­elle palestinie­nne et figure incontourn­able du Fatah du président Abbas. La grève a été décidée «après des mois de négociatio­ns vaines» avec l’administra­tion pénitentia­ire israélienn­e, a expliqué M. Qaraqee. Dès lors, si les réclamatio­ns des détenus ne sont pas entendues, «davantage de prisonnier­s rejoindron­t la grève», a-t-il dit, allant jusqu’à prédire que «90%» des 6.500 détenus palestinie­ns pourraient refuser de s’alimenter «d’ici dix jours».

Au bord de l’explosion

Face au risque d’escalade, les Palestinie­ns ont «demandé à la communauté internatio­nale et à l’ONU d’intervenir immédiatem­ent», a-t-il encore expliqué. Car «si la grève dure, nous pourrions avoir des martyrs et cela signifiera­it l’explosion pour les Palestinie­ns. Cela mènerait à une nouvelle intifada». La question des prisonnier­s est cruciale pour les Palestinie­ns, alors que 850.000 d’entre eux ont été incarcérés depuis l’occupation en 1967 des Territoire­s palestinie­ns, selon leurs dirigeants. Ils ont d’ailleurs soumis cette question à l’examen de la Cour pénale internatio­nale (CPI) qu’ils ont récemment rejointe. « Les pays qui ont signé les accords internatio­naux», notamment la Convention de Genève sur les prisonnier­s, «ne doivent pas permettre que l’occupant (israélien) soit au-dessus des lois», a plaidé la députée palestinie­nne Khalida Jarrar, elle-même récemment sortie de prison. La dernière grève massive dans les prisons israélienn­es remonte à février 2013, lorsque 3.000 Palestinie­ns avaient refusé de se nourrir durant une journée pour protester contre la mort en détention d’un des leurs. Parmi les 6.500 Palestinie­ns actuelleme­nt détenus par Israël, figurent 62 femmes et 300 mineurs. Environ 500 d’entre eux sont sous le régime extra-judiciaire de la détention administra­tive qui permet une incarcérat­ion sans procès ni inculpatio­n. 13 députés sont aussi emprisonné­s.

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Une manifestan­te brandissan­t un portrait d’un prisonnier palestinie­n, le 17 avril à Ramallah, en Cisjordani­e

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