Reprise de l’évacuation
45 autocars sont partis de Foua et Kafraya, deux localités loyalistes assiégées depuis deux ans par les rebelles, et 11 des localités rebelles de Zabadani, Serghaya et Jabal Charqi
AFP — L’évacuation de localités assiégées en Syrie a repris hier sous haute surveillance, quatre jours après avoir été interrompue par un attentat qui a fait une centaine de morts, dont de nombreux enfants. Cette opération est menée à l’aide d’une soixantaine d’autocars, dont au moins 45 sont partis à 04h00 (01h00 GMT) de Foua et Kafraya, deux localités loyalistes assiégées depuis deux ans par les rebelles. Parallèlement, 11 autres bus ont quitté les localités rebelles de Zabadani, Serghaya et Jabal Charqi, dans la province de Damas. «Le processus a repris, avec 3.000 personnes de Foua et Kafraya évacuées à l’aube, et près de 300 de Zabadani, Serghaya et Jabal Charqi», a confirmé à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (Osdh). Dans le convoi, Abou Ahmad, 85 ans, se désespère d’avoir été contraint de quitter Foua. «La mort est plus facile que cette humiliation. Je ne sais pas si on va revenir un jour», raconte à l’AFP cet homme dont l’épouse et ses cinq fils sont sortis lors de la première évacuation. Par crainte d’un nouvel attentat, l’opération se déroulait sous haute surveillance: plusieurs dizaines de rebelles armés gardaient les cars stationnés à l’entrée de Rachidine, une banlieue rebelle de la métropole d’Alep, utilisée comme zone de transit lors de la première opération d’évacuation. Les voitures des journalistes sur place étaient minutieusement fouillées, a constaté le correspondant de l’AFP. Attendant près d’un bus, Oum Joud, 55 ans, affirme ne «pas avoir peur» d’un attentat car «tout est dans les mains de Dieu». «Bien sûr j’aurais préféré rester dans ma maison, mais je l’ai quittée pour mes enfants et pour leur avenir», témoigne-t-elle. Samedi, la première opération avait tourné au carnage lorsqu’un véhicule piégé avait explosé devant des bus sortis de Foua et Kafraya, faisant au moins 126 morts dont 68 enfants, selon l’Osdh. Le régime a accusé les rebelles, qui ont rejeté toute responsabilité et condamné l’attentat, toujours pas revendiqué.
Plus de rebelles à Zabadini
A Rachidine, des combattants loyalistes de Foua et Kafraya, en treillis, des enfants et des personnes âgées se baladaient dans une grande cour où étaient stationnés les bus. La même scène s’était produite samedi dernier, avant que le véhicule piégé ne sème la mort, notamment parmi des enfants qui étaient occupés à acheter des sachets de chips, selon des témoignages recueillis par l’AFP. Le journaliste de l’AFP avait alors vu le sol jonché de cadavres, un grand nombre de blessés, et des bus dévastés. L’attentat avait arraché de nombreux enfants à leurs parents, beaucoup de blessés graves ayant été évacués en Turquie voisine. Un accord conclu entre régime et rebelles avec le parrainage de l’Iran et du Qatar — leurs alliés respectifs — avait prévu l’évacuation croisée de principalement quatre localités: Foua et Kafraya d’un côté, Madaya et Zabadani, localités rebelles de la province de Damas de l’autre. Zabadani et Madaya «sont désormais vides de toute présence rebelle», a affirmé à l’AFP Mayyada al-Aswad, membre du comité de coordination du processus d’évacuation du côté du régime. Avec ces évacuations, la première phase du processus est terminé: au total, 8.000 personnes auront quitté Foua et Kafraya, et 2.500 les quatre localités rebelles. Une deuxième phase doit intervenir en juin, selon les termes de l’accord. La destination finale des habi- tants de localités rebelles, selon le même accord, est la province d’Idleb (nord-ouest), contrôlée par insurgés et jihadistes. La population de Foua et Kafraya transite par Alep, avant de se répartir dans les provinces de Damas et de Lattaquié (ouest). Les rebelles, qui ont perdu de nombreux bastions face aux troupes du président Bachar AlAssad — fortes de l’appui de la Russie — se sont vu contraints de signer des accords d’évacuations de nombreux de leurs bastions. L’opposition a qualifié «les transferts forcés de crimes contre l’Humanité», tandis que l’ONU a critiqué des «déplacements forcés». Déclenché en mars 2011 par la répression dans le sang de manifestations prodémocratie, le conflit en Syrie a fait plus de 320.000 morts et des millions de déplacés et de réfugiés et s’est complexifié avec l’implication d’acteurs internationaux et de groupes jihadistes.